Des espèces sonnantes et trébuchantes, pesées par les changeurs de l'époque médiévale, aux cartes à puce d'aujourd'hui, l'évolution des moyens de paiement est spectaculaire.
Les noms mêmes de la monnaie se sont modifiés : on comptait en « livres tournois » dans la France d'Ancien Régime, en « francs » dans celle des XIXe et XXe siècles. Désormais, l'heure est à l'« euro ». Pourtant, les principaux problèmes et enjeux de l'histoire monétaire restent souvent semblables au cours des temps : identité ou statut de ceux qui possèdent le droit d'émission ; rapport entre la quantité de monnaie en circulation et les besoins de l'économie ; multiples répercussions - internes ou externes, économiques, sociales ou politiques - des phénomènes monétaires.
La monnaie, fait du prince
Le droit de battre monnaie est inséparable de la notion de souveraineté. Les cités gauloises indépendantes l'exercent, frappant des pièces d'or, d'argent ou de bronze sur lesquelles s'expriment la fantaisie et la virtuosité de l'art celte. Après l'effondrement de l'Empire romain, les royaumes barbares continuent à émettre des pièces sur le modèle impérial. Vers 540, un petit-fils de Clovis, Théodebert Ier, est, semble-t-il, le premier à frapper une monnaie à son propre nom. Mais bientôt la contraction des échanges, la rupture des communications avec les mondes byzantin et arabe, par lesquels transite l'or, entraînent la quasi-disparition de ce métal. On y substitue, pour cinq siècles, l'argent. C'est en argent qu'est définie la nouvelle monnaie de compte instituée par Charlemagne vers 780, la livre, elle-même subdivisée en 20 sous et 240 deniers, qui, eux, sont effectivement en circulation. La restauration monétaire carolingienne demeure toutefois précaire, car le morcellement de l'autorité étatique entraîne une multiplication des ateliers monétaires. Les seigneurs, grands et petits, les évêques, les abbayes, les villes, battent monnaie. En outre, étant donné que plusieurs systèmes d'unités de compte coexistent - la livre parisis (de Paris), par exemple, différant de la livre tournois (de Tours) -, le désordre monétaire est extrême. Ce n'est que sous le règne des derniers Capétiens directs que le pouvoir royal parvient, très progressivement, à y mettre fin. La prospérité de l'économie permet alors une réapparition des pièces d'or : celles-ci proviennent d'abord d'Italie, mais elles sont bientôt produites par le pouvoir royal lui-même, puisqu'en 1266 Saint Louis frappe les premiers écus d'or. Les espèces émises par ses successeurs portent des noms variés, souvent liés aux symboles y figurant : pièces d'or, tels les écus, couronnes, moutons, agnels ou francs (lesquels sont frappés de 1360 à 1380, sous les règnes de Jean le Bon et de Charles V) ; d'argent, comme les gros, les écus blancs ; de cuivre, enfin, pour la monnaie d'appoint, comme les liards.