Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Soldat inconnu (le), (suite)

Cette invention commémorative de la Grande Guerre s'inscrit dans un cadre international puisque des funérailles nationales sont célébrées dans plusieurs pays pour les centaines de milliers de morts impossibles à identifier en raison des carnages auxquels donnèrent lieu les combats entre 1914 et 1918. En France, le choix du Soldat inconnu parmi les morts de Verdun - lieu désormais mythique -, et la date de son transfert à Paris vont de soi. Mais une forte hostilité conduit à dédoubler cette cérémonie, qui marque aussi le cinquantenaire de la République : au Panthéon, le cœur de Gambetta, grand homme « ordinaire » ; à l'Arc de triomphe, le « cœur de la France », le Soldat inconnu. Si la République victorieuse s'autocélèbre deux fois avec panache, la ferveur des centaines de milliers d'anonymes montre que la nation tout entière adopte le soldat inconnu : « C'est une poignée de terre sanglante qu'un nouveau miracle ressuscite en lui donnant la figure et l'âme de la France », écrit le journal le Temps. Durant des années, les provinciaux et les étrangers qui visitent Paris ne manquent pas de se rendre sur la tombe de l'Arc de triomphe. Au-delà des cérémonies officielles et des défilés militaires, le Soldat inconnu a bien synthétisé les valeurs de sacrifice liées à la guerre. Et par un retournement typique des années 1920 et 1930, la tombe est devenue aussi l'un des hauts lieux symboliques du pacifisme.

Soleil (compagnies du),

bandes armées royalistes qui pourchassaient les anciens révolutionnaires en Provence, sous la Convention thermidorienne et le Directoire.

L'un des principaux foyers de la Terreur blanche, la Provence, est au printemps 1795 le théâtre de sanglantes représailles, facilitées par les représentants en mission et par les autorités locales, qui épurent les structures révolutionnaires, dont les Gardes nationales, bientôt dominées par les royalistes - à l'instar des Compagnies de Jéhu, qui sévissent dans le Lyonnais. Secondées par des muscadins, des émigrés revenus en France, mais aussi par des bourgeois, notables et artisans, ces bandes perpètrent nombre d'assassinats isolés, voire de supplices, et de massacres de prisonniers, anciens « terroristes » et jacobins ; elles sévissent notamment à Aix, à Tarascon et à Marseille (100 morts au Fort Saint-Jean, le 5 juin 1795). Ce phénomène de revanche collective, qui apparaît d'abord dans les villes en l'an III (1795), étant particulièrement vif dans les anciens foyers du fédéralisme (Bouches-du-Rhône, Var, Avignon...), touche les campagnes en l'an IV et en l'an V (1796-1797), avant de tourner au brigandage. Cependant, ces tueries reflètent aussi la longue guerre que se livrent les clans opposés, entre 1790 et 1814, dans cette région aux structures sociales inégalitaires.

Solferino (bataille de),

victoire remportée par les Franco-Sardes sur les Autrichiens, le 24 juin 1859, près du lac de Garde.

Appelées par les Français « guerre d'Italie » et par leurs alliés italiens « deuxième guerre d'indépendance », les opérations militaires de mai-juin 1859 se déroulent en Lombardie et en Vénétie. Après l'entrée des troupes autrichiennes en Piémont le 27 avril 1859, Napoléon III prend la tête des armées alliées, remportant les victoires de Montebello (20 mai), Palestro (31 mai) et Magenta (4 juin). Les Autrichiens, commandés par l'empereur François-Joseph en personne, sont massés près de Vérone. Le 24 juin, malgré leur infériorité numérique (140 000 hommes, contre plus de 160 000), les Franco-Sardes brisent les défenses autrichiennes du mont Fenile avant d'atteindre la bourgade de Solferino, où l'affrontement a lieu. La bataille s'achève dans une extrême confusion - à cause des intempéries - par la retraite des Autrichiens au-delà du Mincio et par l'installation symbolique de Napoléon III dans la maison occupée le matin même par François-Joseph.

Frappant l'opinion par son caractère sanglant et désordonné, la bataille de Solferino met les Franco-Sardes aux portes de la Vénétie et leur assure le contrôle de la Lombardie. Malgré la victoire, le nombre des victimes (16 000 tués chez les alliés, 22 000 côté autrichien) et la cruauté des combats - spectacle terrible qui inspire au Suisse Henri Dunant l'idée de fonder la Croix-Rouge - rendent de plus en plus impopulaire en France la campagne d'Italie et expliquent le brusque retrait français de juillet 1859, qui se traduit par l'armistice de Villafranca.

solutréen,

civilisation appartenant au paléolithique supérieur, entre 20 000 et 15 000 ans avant notre ère environ, caractérisée par la production de très fins outils de silex en forme de « feuilles de saule » ou « en feuilles de laurier ».

Le solutréen - qui doit son nom au site de Solutré-Pouilly, en Saône-et-Loire - peut être considéré comme une évolution régionale particulière du gravettien, limitée à l'Espagne et à la France. D'un point de vue technique, il se caractérise par un mode spécifique de façonnage des outils, utilisant une « retouche » très plate qui permet la réalisation de pointes très minces et très régulières, dont certaines, comme celles trouvées au lieu-dit Volgu, à Rigny-sur-Arroux (Saône-et-Loire), peuvent atteindre 35 centimètres de longueur et comptent parmi les plus belles réussites jamais obtenues par la technique de la taille du silex. D'autres matières premières sont également employées, à des fins esthétiques, comme le jaspe ou le cristal de roche.

Plus que celui de Solutré, le site de Laugerie-Haute, aux Eyzies (Dordogne), a permis de décrire l'évolution interne du solutréen, divisé en trois périodes principales, marquée chacune par un développement de la technique de la taille mais aussi par une extension géographique de cette culture, circonscrite dans ses phases anciennes au Périgord et à la basse vallée du Rhône. C'est dans la période récente qu'apparaissent les premières aiguilles à chas connues au monde, innovation déterminante pour la fabrication des vêtements. C'est aussi au solutréen que l'art rupestre prend son essor, pour s'épanouir au magdalénien. La plupart des gravures et peintures des grottes de l'Ardèche sont à dater de cette époque, dont nous sont également parvenus des bas-reliefs (roc de Sers, dans les Charentes).