Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

centralisation, (suite)

La décentralisation de 1982.

• François Mitterrand, élu président de la République en mai 1981, annonce en Conseil des ministres, le 15 juillet 1981 : « La France a eu besoin d'un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd'hui besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. » Afin d'éviter l'enlisement qu'ont connu des projets antérieurs, le ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, Gaston Defferre, fait adopter avec célérité, de mars 1982 à janvier 1983, une série de lois, qui vont au-delà d'une simple déconcentration administrative et entraînent une nouvelle répartition de l'autorité publique. On peut retenir trois dispositions fondamentales : les compétences sont partagées entre les communes, les départements, les Régions - officiellement érigées en collectivités territoriales en 1985 - et l'État central ; dans les départements et les Régions, la puissance exécutive est transférée du préfet à un président et à des vice-présidents issus d'une assemblée élue ; le contrôle de l'État sur les décisions et le budget des collectivités territoriales n'intervient qu'a posteriori pour en vérifier la légalité.

Plutôt considérée positivement, la réforme a néanmoins soulevé des critiques contradictoires. Certains jugent cette décentralisation insuffisante, et lui reprochent de ne pas faire la part assez belle à la participation du citoyen. D'autres dénoncent la multiplication des centres de décision et l'alourdissement des dépenses de fonctionnement qui en résulte. Entre une centralisation garante de l'unité nationale et une décentralisation redistributrice des pouvoirs, la France des années quatre-vingt-dix continue de se chercher.

Pourtant une nouvelle étape est franchie en 2003, avec la révision de la Constitution stipulant, dans son article premier, que l'organisation de la République est décentralisée. Un certain nombre de compétences sont tranférées en direction des collectivités territoriales, notamment dans le domaine de la gestion des fonds sociaux, de la santé publique, du réseau routier, tandis que celles déjà décentralisées (logement, éducation, aménagement du territoire) sont élargies. Il s'agit d'un véritable tournant qui s'inscrit dans le cadre de la construction européenne avec le Comité des régions créé en 1994. Mais la question du financement de ces nouvelles responsabilités, en particulier la prise en charge des personnels de l'État dont les services sont transéférés aux collectivités locales, demeure à l'ordre du jour malgré l'instauration d'une « autonomie financière » reposant sur des « ressources propres ».

centre.

La difficile définition du centre procède de la place intermédiaire qu'occupe cette force politique entre la droite et la gauche, dans un pays marqué par de fortes oppositions idéologiques et par l'attachement à deux cultures politiques distinctes.

Le clivage droite-gauche recouvre une perception binaire de la société qui a longtemps nié le poids des classes moyennes. Politiquement (et socialement), des schémas simplificateurs - donc restrictifs - reflètent une réalité propre à l'esprit français : le refus du pragmatisme et du consensus. François Goguel le suggère dans son introduction à la Politique des partis sous la IIIE République en niant l'attraction du centre dans le tempérament français, alors qu'André Siegfried, se référant aux forces politiques, distingue la droite, le centre et la gauche. Mais ces deux approches sont complémentaires, et révèlent ainsi les ambiguïtés du centre. Entre sa négation et l'affirmation de son omniprésence, l'équilibre reste à trouver.

Existe-t-il une tradition du centre ?

• Chaque régime a sécrété son centre : le Marais pendant la période révolutionnaire, le Parti radical sous la IIIe République, le MRP sous la IVe République. Même les institutions de la Ve République, qui favorisent la bipolarisation, n'ont pas empêché la formation du Centre démocrate, créé en 1966 par Jean Lecanuet, ou de l'Union pour la démocratie française (UDF), fondée en 1978 par Valéry Giscard d'Estaing.

Dès le XIXe siècle, le centre séduit la droite. Le panthéon de la droite libérale classique est peuplé de « centristes », depuis Guizot, l'homme du « juste milieu », en passant par Thiers, Poincaré et Pinay. Les formations politiques de droite revendiquent volontiers des positions « centristes ». L'attraction qu'exerce le centre rejoint ici encore des réalités sociales. L'intérêt que portent Guizot aux « capacités » ou Gambetta aux « couches nouvelles » annonce l'importance croissante des classes moyennes, donc de la majorité du corps électoral. En outre, le centre capte l'électorat par le refus des extrêmes ou de la bipolarisation. Pendant la période révolutionnaire, la Plaine est majoritaire lors de la formation de la Constituante, et les thermidoriens refusent à la fois l'égalitarisme jacobin et la Contre-Révolution. Sous la IIIe République, les républicains opportunistes, avec Grévy et Ferry, puis le Parti républicain radical et radical-socialiste (1901), se veulent des forces de rassemblement républicain opposées aux extrêmes. Sous la IVe République, le retour des radicaux est favorisé par la peur conjuguée du PCF et du RPF. En 1965, la tentative de Defferre, qui vise à rassembler un centre et une gauche non communiste, procède du même rejet des extrêmes.

La stratégie du « juste milieu ».

• Incapable de baliser son champ entre la droite et la gauche, le centre est traversé par deux courants centrifuges. Ainsi, au début du siècle, le centre gauche est représenté par l'Alliance républicaine démocratique (1901), et le centre droit, par la Fédération républicaine (1903). Même si le Parti républicain radical et radical-socialiste amorce une évolution à droite après la Première Guerre mondiale, il ne se réclame pas moins du « sinistrisme ». Cet attachement à des valeurs dites « de gauche » est significatif de l'image négative du centre. La mobilité idéologique, propre à toutes les forces politiques, est évidente au centre, qui emprunte, à droite comme à gauche, des valeurs auxquelles adhère le plus grand nombre, mais qui lui font perdre son identité. Synonyme de combinaison politicienne parce qu'il représente une force charnière sous la IVe République, il est victime d'émiettements sous la Ve.