Lorraine. (suite)
Dans les années trente, la persistance du danger allemand se traduit par la construction d'un système défensif (la ligne Maginot), qui, en 1940, se révèlera totalement inadapté. De 1940 à 1944, les départements lorrains sont occupés, et la Moselle est annexée une seconde fois par l'Allemagne. Au lendemain du conflit, la construction européenne et la réconciliation franco-allemande mettent enfin un terme aux revendications territoriales.
La Lorraine contemporaine.
• En 1955 intervient la création des vingt-et-une régions-programmes, dont la Lorraine, formée de quatre départements : la Meuse, la Meurthe-et-Moselle, la Moselle et les Vosges. C'est la première fois dans l'histoire que ces territoires sont réunis au sein d'un même ensemble administratif. L'évolution de la vie régionale se caractérise alors par un conflit entre Nancy et Metz. Il connaît une phase aiguë entre 1969 et 1971, à la suite de la désignation de Metz comme capitale régionale et de l'annonce du tracé de l'autoroute A4 (Paris-Strasbourg) qui, en passant au nord de Metz, défavorise Nancy et le sud de la Lorraine. Metz, au contraire, trouve enfin une légitime compensation aux aléas de l'histoire.
En outre, une crise industrielle très grave aboutit, en l'espace de quinze ans (1975-1990), à la disparition de toutes les mines de fer et de nombreuses usines sidérurgiques ou textiles (groupe Boussac), et à la réduction progressive de l'extraction charbonnière, dont l'arrêt a eu lieu en 2004. La Lorraine est perçue comme une région sinistrée, car la création de nouvelles activités n'a pas compensé les suppressions massives d'emplois.
Enfin, un antagonisme latent se fait sentir entre une Lorraine du Nord tournée vers la Sarre, le Luxembourg, et une Lorraine du Sud plus orientée vers Paris. Cette différence, parfois exagérée, ne recoupe ni les anciens clivages duchés/évêchés, ni la rivalité Nancy/Metz. Elle procède simplement de la proximité géographique et de l'héritage linguistique. Sans doute, il est possible de dessiner sur une carte l'« eurorégion » Sar(re)-Lor(raine)-Lux(embourg) ; dans la réalité, et en dépit des échanges humains quotidiens, elle se heurte à la résistance des personnalités étatiques et des cultures nationales. La poursuite de la construction européenne, à laquelle une majorité de Lorrains est attachée, peut néanmoins contribuer à tisser des liens.
La Région Lorraine existe depuis plus d'une génération. Avec une population stabilisée autour de 2,3 millions d'habitants, elle est plus peuplée que ses voisins, l'Alsace, la Champagne-Ardenne, la Franche-Comté et le Land allemand de la Sarre ; elle compte six fois plus d'habitants que le grand-duché de Luxembourg. Au fil des années, l'assemblée et l'administration régionales cherchent à développer une cohésion entre les quatre départements. Néanmoins, par rapport à l'Alsace, les sondages mettent en évidence une perception faible et une fragilité relative de la conscience régionale. Malgré la tardive réunion de la Lorraine à la nation, les Lorrains se sentent, depuis deux siècles, d'abord des Français. La régionalisation est encore trop récente pour avoir infléchi ce sentiment fondamental d'appartenance.