Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Saint-Nicaise (attentat de la rue),

attentat royaliste perpétré contre Bonaparte le 24 décembre 1800.

Dans le cadre de son œuvre de pacification intérieure, Bonaparte a pratiqué la politique de la main tendue, tant en direction des jacobins que des royalistes, proposant à ces derniers un armistice en Vendée et l'amnistie pour les émigrés rentrés en France. Cependant, les pourparlers engagés entre le Premier consul et le chef chouan Cadoudal sont un échec, si bien que la fermeté est de nouveau employée : en Normandie, Frotté, qui a pris la tête d'une rébellion, est fusillé ; en Bretagne, les derniers remous de la chouannerie sont sévèrement réprimés par Bernadotte. Les royalistes répondent en tentant d'assassiner Bonaparte : alors que ce dernier se rend à l'Opéra, une explosion retentit derrière son cortège qui vient de dépasser le coin de la rue Saint-Nicaise. Une machine infernale de forte puissance, en éclatant, éventre plusieurs maisons, et fait 22 morts et 56 blessés : Bonaparte n'a été épargné que grâce à son cocher, qui, ce soir-là, conduit rapidement.

Le Premier consul saisit cette occasion pour accuser et éliminer les jacobins : 130 sont déportés sans jugement, 4 sont exécutés. Mais la preuve étant faite de la culpabilité des chouans, ceux-ci sont à leur tour poursuivis : Saint-Réjant et Carbon sont exécutés, les derniers réseaux royalistes démantelés, une centaine de leurs membres emprisonnés. Cette vigoureuse réaction inaugure l'évolution de Napoléon vers la dictature.

Saint-Ouen (déclaration de),

proclamation faite par Louis XVIII le 2 mai 1814 par laquelle il promet de doter la France d'un régime représentatif.

Depuis l'abdication de Napoléon, les membres du Sénat préparent une nouvelle Constitution destinée à fonder une monarchie sur le modèle anglais. Le texte, ratifié par cette assemblée le 6 avril, vise avant tout à préserver les acquis sociaux de la Révolution et de l'Empire, et prévoit de subordonner le roi à la nation. De plus, la ratification du nouveau texte législatif par Louis XVIII est posée comme condition au retour du souverain. Arrivé à Compiègne le 29 avril, celui-ci refuse cette clause et, de Saint-Ouen, aux portes nord de Paris, il fait une proclamation, préparée par Talleyrand mais corrigée selon ses vues par Blacas, Vitrolles et La Maisonfort. Commençant par les termes « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre », elle est une négation du Sénat, de la nation et des acquis historiques depuis la Révolution. Elle accepte la Constitution du Sénat seulement sous réserve de modification des articles que désapprouve le roi. Elle promet le respect de l'égalité et des libertés publiques et individuelles, annonce la mise en place d'un gouvernement représentatif, et garantit l'inviolabilité des propriétés, y compris des biens nationaux, ainsi que le maintien de la Légion d'honneur. Si la déclaration de Saint-Ouen n'induit pas un retour à la monarchie absolue, elle n'en annonce pas moins le rétablissement d'une monarchie de droit divin.

Saint-Pierre-et-Miquelon,

collectivité territoriale de la République composée de huit îles, dont deux habitées (moins de 7 000 habitants).

En 1763, le traité de Paris restitue à la France les îles Saint-Pierre-et-Miquelon, reconnues par Jacques Cartier en 1536 puis cédées à l'Angleterre au traité d'Utrecht (1713). Il n'y a de population permanente (pêcheurs basques et bretons) dans les îles qu'à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Une nouvelle occupation anglaise (1778-1783) oblige les quelque 1 600 insulaires à se replier sur Bordeaux et Rochefort pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire ; ils ne regagnent leurs demeures qu'en 1816. Au XIXe siècle, Saint-Pierre devient une florissante station de pêche morutière, où sont armées de nombreuses goélettes et où relâchent les voiliers de Saint-Malo qui fréquentent les bancs de Terre-Neuve. Mais le déclin survient au XXe siècle, avec l'abandon du droit de pêche sur le french shore (1904) et, surtout, l'apparition des chalutiers et la raréfaction du poisson.

Érigé en territoire d'outre-mer en 1946, l'archipel devient département d'outre-mer en 1976, mais l'expérience est abandonnée en 1985 devant les protestations des insulaires. Il forme depuis lors une collectivité territoriale représentée au Parlement par un député et un sénateur.  L'extension des eaux territoriales canadiennes menace sérieusement l'économie locale, bien qu'une zone maritime de près de 9 000 kilomètres carrés ait été reconnue à la France en 1992.

Saint-Sacrement (Compagnie du),

association catholique de dévotion et de charité fondée en 1630 à Paris par le duc de Lévis-Ventadour, conseillé par le capucin Philippe d'Angoumois et l'oratorien Condren.

La Compagnie est coiffée par un supérieur, souvent un laïc, et par un directeur, un clerc nécessairement : son originalité est justement dans cette union des laïcs (peut-être la moitié des confrères) et des clercs, à l'exclusion des réguliers.

La Compagnie prend son essor en province à partir de 1638, réunissant peut-être 4 000 confrères, présents dans une soixantaine de villes. Si une partie d'entre eux sont des marchands, le recrutement touche d'abord les élites : grands seigneurs (le duc de Liancourt, le prince de Conti, les maréchaux de Schomberg et de La Meilleraye), aristocrates tel Gaston de Renty, modèle du noble dévot, gens de robe tels Lamoignon ou Olivier Lefèvre d'Ormesson (les parlementaires représenteraient 20 % des confrères laïcs), évêques (Godeau à Grasse, Solminihac à Cahors), figures spirituelles tels Vincent de Paul, Olier, Bossuet. Des associations charitables féminines doublent l'activité de la compagnie. L'ensemble, sous la tutelle parisienne, forme un réseau national, ce qui, dans la société d'ordres et dans l'État absolutiste d'alors, constitue une autre originalité, presque subversive.

Tenus au secret, mais partout présents dans les lieux de décision, les confrères travaillent, selon l'idéal dévot, à christianiser la société par l'action apostolique et charitable, notamment lors des misères de la Fronde ; ils contribuent à fonder des hôpitaux, financent séminaires et missions. Si leur spiritualité, sans coloration propre, prend les nuances diverses de la piété tridentine (dévotion au Saint Sacrement, tout particulièrement), ils participent également à des conférences sur des sujets le plus souvent moraux et pratiques. Ils incitent à lutter contre les protestants par l'observation restrictive de l'édit de Nantes. Enfin, diffusant dans les mentalités une attitude rigoriste, ils dénoncent blasphémateurs et libertins. Ce dernier aspect suscite la charge de Molière dans Tartuffe (interdit dans une première version de 1664, avant d'être accepté dans une version modifiée en 1669), qui fait scandale. Cependant, le pouvoir s'inquiète depuis longtemps de l'action secrète de la Compagnie. En 1660, le parlement de Paris interdit les réunions qui se font sans autorisation « sous le voile de piété et de dévotion » ; les confrères parisiens, étroitement surveillés, cessent leurs activités après 1667, mais ceux de province les poursuivent parfois jusqu'à la fin du siècle.