Guesde (Jules Basile, dit Jules), (suite)
Étant parvenu à s'échapper et à se réfugier en Suisse, il y côtoie les milieux anarchistes proches de Bakounine, et lit les textes de Proudhon. À son retour en France en 1876, il se prétend collectiviste, mais connaît encore très mal l'œuvre de Marx. Il n'en fréquente pas moins, à Paris, le café Soufflet, où se réunissent les premiers adeptes français des doctrines marxistes. Il fonde avec eux l'hebdomadaire l'Égalité. Il se fait alors le vulgarisateur des idées de l'auteur du Capital, notamment en rédigeant, en prison, pendant l'hiver 1878-1879, des brochures inspirées du théoricien allemand : Essai de catéchisme socialiste et Collectivisme et révolution.
C'est comme organisateur et homme d'action que s'illustre surtout le remarquable orateur qu'est Jules Guesde. En 1882, se séparant des partisans de Paul Brousse (« broussistes » ou « possibilistes »), il crée son propre parti, le Parti ouvrier, qui prend le nom de « Parti ouvrier français » (POF) en 1893, et appelle, dans les colonnes de l'hebdomadaire le Socialiste, à la révolution par la conquête du pouvoir politique. Dans l'attente de cette révolution de plus en plus improbable, les « guesdistes » s'implantent peu à peu électoralement, surtout dans le nord de la France, où résident environ la moitié des adhérents du POF. En 1893, Guesde est élu député à Roubaix, mais il est battu en 1898 et en 1902. Pendant l'affaire Dreyfus, il se démarque de Jaurès et de plusieurs dirigeants socialistes en refusant de s'engager. Même s'il salue J'accuse de Zola comme « le plus grand acte révolutionnaire du siècle », il affirme, contre son ami Paul Lafargue, que l'Affaire ne concerne que la bourgeoisie. Contrairement à Jaurès, il condamne la participation du socialiste Millerand au gouvernement Waldeck-Rousseau. Ses thèses l'emportent lors de la création de la SFIO en 1905, mais l'ascendant que prend Jaurès - son principal opposant - au sein du parti réduit sensiblement son importance politique. Après la déclaration de guerre, Guesde se rallie à l'Union sacrée ; ce socialiste révolutionnaire devient ministre d'État sans portefeuille, d'août 1914 à décembre 1916, car il considère que la grève générale risquerait de livrer la France aux pays les plus réactionnaires. En 1920, lors du congrès de Tours, il reste fidèle à la « vieille maison » défendue par Léon Blum, refusant, malgré son marxisme intransigeant, la prééminence des bolcheviks depuis un pays où les conditions de passage au socialisme ne lui semblent pas réunies. Son chef disparu, le guesdisme demeure une référence, au fil des décennies suivantes, à l'intérieur du mouvement socialiste.