deux cents familles (les), (suite)
Le nombre précis de « deux cents » désigne les deux cents principaux actionnaires de la Banque de France, qui, seuls, siègent à l'Assemblée générale. Par extension, il englobe les grands conseils d'administration, où se retrouvent souvent les mêmes noms. Et l'exemple de la Banque de France peut illustrer la mainmise de quelques-uns sur les rouages fondamentaux du pays. Sans doute peut-on débattre à propos de leur nombre exact, discuter de leur poids réel sur les choix politiques en invoquant les échecs du sidérurgiste François de Wendel, ou s'interroger sur le rôle des liens familiaux - par exemple, entre les Schneider, les de Wendel, les Citroën, les Mame, etc. Mais, tout comme d'autres slogans, celui des « deux cents familles » doit son importance à son utilisation politique au moins autant qu'à son fondement réel : il offre un moyen de rassembler la nation entière contre une poignée d'hommes, pour élargir des bases électorales, affronter une menace extérieure (l'Allemagne nazie), ou créer un unanimisme politique. Pour les communistes, il est plus simple à manier que le concept de lutte des classes, et plus conforme à leur désir de toucher les classes moyennes après 1934 ; les radicaux y retrouvent la défense des « petits » face aux « gros », tout en visant la Banque de France, qui a fait échouer le Cartel des gauches ; quant à l'extrême droite, elle y projette souvent ses fantasmes antisémites. Bien des facteurs expliquent donc le succès de ce slogan populiste dans la France en crise des années trente.