guerre froide, (suite)
La lutte idéologique.
• Tandis que les crises se multiplient entre l'Est et l'Ouest, communistes et anticommunistes mobilisent leurs troupes dans une lutte idéologique d'une extrême violence. En août 1948, à Wroclaw (Pologne), le Congrès des intellectuels pour la paix, auquel participent notamment Eluard et Picasso, marque le coup d'envoi de la campagne de propagande antiaméricaine dans le monde. Les militants du PCF recueillent des milliers de signatures pour l'appel de Stockholm, lancé en mars 1950 par le Mouvement de la paix et qui exige la dissolution des pactes militaires, la réduction des budgets des armées, la suppression de la bombe atomique - que ne possède pas encore l'URSS. La guerre de Corée renforce la vague antiaméricaine. Le Prix Nobel Frédéric Joliot-Curie jure que les scientifiques progressistes ou communistes ne donneront pas « une parcelle de leur science pour faire la guerre à l'Union soviétique » : il est immédiatement révoqué de son poste de haut-commissaire à l'Énergie atomique. Les intellectuels communistes (groupés notamment autour de l'hebdomadaire les Lettres françaises : Claude Morgan, André Wurmser) sont en première ligne pour dénoncer tous ceux qui, à l'instar du dissident soviétique Kravchenko (J'ai choisi la liberté, 1946) ou de David Rousset, cherchent à alerter l'opinion sur le système concentrationnaire stalinien.
Le PCF s'efforce aussi de créer autour de lui un courant de sympathie, entraînant dans son sillage les « compagnons de route », tels ceux de l'équipe des Temps modernes (Sartre, Beauvoir, Merleau-Ponty). Il organise de grandes manifestations contre la guerre d'Indochine, la présence de l'armée américaine sur le territoire français, le réarmement allemand dans le cadre de l'OTAN, etc. Deux rassemblements marquent plus particulièrement la période. En mai 1952, les communistes protestent contre la venue du général Ridgway (« Ridgway-la-peste »), nommé à la tête du haut commandement allié pour l'Europe, et qui est accusé d'avoir utilisé l'arme bactériologique en Corée. Jacques Duclos, numéro deux du parti, est arrêté (« complot des pigeons »), de même qu'André Le Léap, secrétaire de la CGT. En juin 1953, toujours à l'appel du PCF, des milliers de personnes se réunissent à Paris pour exiger la grâce des époux Rosenberg, accusés par les Américains d'espionnage au profit de l'Union soviétique.
Face à l'activisme communiste, la mobilisation dans le camp opposé est moins impressionnante. En septembre 1950, le député radical Jean-Paul David fonde Paix et Liberté, officine de propagande anticommuniste - secrètement financée par le gouvernement et soutenue par les gaullistes -, qui diffuse de nombreuses affiches et intervient par voie de presse ou sur les ondes. Plusieurs intellectuels français (Raymond Aron, David Rousset, Claude Mauriac, Thierry Maulnier) participent au Congrès pour la liberté de la culture, fondé en 1950 pour combattre l'hégémonie intellectuelle des communistes. Mais c'est surtout le RPF qui regroupe les énergies anticommunistes.
Une nouvelle donne.
• À la fin de la période, la question du réarmement allemand vient brouiller les cartes. Pour des raisons différentes, PCF et RPF condamnent fermement le plan Pleven, qui prévoit une Communauté européenne de défense (CED) intégrant des forces armées allemandes. Signé en mai 1952, il déclenche dans le pays un vif débat, qui aboutit à son rejet par le Parlement en août 1954. Néanmoins, par les accords de Londres et de Paris, la République fédérale d'Allemagne recouvre sa pleine souveraineté, et donc la possibilité de posséder une armée, intégrée dans l'OTAN (décembre 1954).
L'évolution à l'Est - mort de Staline en mars 1953, volonté de Khrouchtchev de favoriser une « coexistence pacifique » entre les grands - modifie les conditions du débat idéologique. Si la France reste résolument atlantiste, les enjeux politiques se déplacent sur un terrain moins lié à la bipolarisation du globe : la décolonisation et ses conséquences.