Louvre (suite)
Progressivement, le Musée grignote les espaces de la Cour carrée. Son extension est considérable : 44 salles ouvertes sous Charles X, 132 sous Napoléon III. Pour autant, le pouvoir politique est encore très présent. En 1810, le cortège du mariage de Napoléon et Marie-Louise défile dans la Grande Galerie. Sous la Restauration, la salle royale, située au-dessus de la salle des Cariatides, est réservée aux Chambres. Quant aux constructions impériales, elles sont avant tout destinées à la vie de cour et à l'administration. En 1871, le ministère des Finances s'installe durablement dans l'aile nord. Le Musée conquiert assez rapidement la partie sud du Louvre impérial, mais le pavillon de Flore lui résiste jusqu'en 1961, hébergeant successivement à partir de 1883 le préfet Poubelle, le ministère des Colonies, et des services du ministère des Finances. C'est le projet du Grand Louvre, mené à l'initiative du président Mitterrand, à partir de 1981, qui marque l'étape décisive : le ministère des Finances doit s'installer à Bercy. Ce déménagement, effectif en 1989, permet d'ouvrir au public la nouvelle aile Richelieu en 1993. À l'exception du pavillon de Marsan et de la partie ouest de l'aile Richelieu, qui abritent depuis 1905 le Musée des arts décoratifs (dont une partie est consacrée aux arts de la mode depuis 1986), tout l'espace appartient désormais au musée du Louvre.
Cette conquête est allée de pair avec de sérieuses transformations en matière de muséologie. L'ère des grandes salles d'or et de stuc s'achève en 1910 avec l'aménagement de l'ancienne Galerie Médicis, dont les Rubens ornent aujourd'hui la nouvelle aile Richelieu. Vient ensuite le temps d'une présentation plus sobre, caractérisée par des accrochages plus aérés et des vitrines moins surchargées. Lancé en 1926, le plan Verne, dont les effets se prolongent jusqu'à la fin des années soixante-dix, entraîne un réaménagement complet des collections, surtout entre 1934 et 1939. Dans le même temps, des domaines sont abandonnés au profit de musées nouveaux, tel celui de la Marine à Chaillot (1930), ou d'institutions déjà en place : ainsi les collections asiatiques sont-elles placées au Musée Guimet en 1945 ; la même année, les toiles impressionnistes sont transférées au Jeu de paume.
La création du Musée d'Orsay, en 1986, permet de délimiter des frontières chronologiques précises : relève désormais du Louvre l'art antérieur à 1848. La conquête de 22 000 mètres carrés dans l'aile nord entraîne un nouveau redéploiement des collections. Enfin, si certaines salles avaient déjà été décorées dans l'optique du musée (peintures d'Ingres pour les salles grecques du musée de Charles X), un édifice est pour la première fois créé directement pour le musée, sans relever d'une quelconque réutilisation : c'est la pyramide du Louvre (1989), qui permet une réorganisation d'ensemble du plan de circulation, et qui est aussi le premier élément architectural qui rompt délibérement avec le style inauguré par Pierre Lescot. Ainsi, grâce à l'ouverture de la crypte archéologique, qui permet d'approcher les vestiges du Louvre médiéval, et à la pyramide de Ieoh Ming Pei, le Grand Louvre offre effectivement à ses 5 millions de visiteurs annuels une parure monumentale exceptionnelle, pour des collections qui ne le sont pas moins. Le palais, centre du pouvoir politique, est devenu temple de la culture et de l'histoire, une métamorphose qui n'a pu s'effectuer qu'avec l'accord tacite et, souvent, l'appui résolu du pouvoir lui-même.