Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Louvre (suite)

Progressivement, le Musée grignote les espaces de la Cour carrée. Son extension est considérable : 44 salles ouvertes sous Charles X, 132 sous Napoléon III. Pour autant, le pouvoir politique est encore très présent. En 1810, le cortège du mariage de Napoléon et Marie-Louise défile dans la Grande Galerie. Sous la Restauration, la salle royale, située au-dessus de la salle des Cariatides, est réservée aux Chambres. Quant aux constructions impériales, elles sont avant tout destinées à la vie de cour et à l'administration. En 1871, le ministère des Finances s'installe durablement dans l'aile nord. Le Musée conquiert assez rapidement la partie sud du Louvre impérial, mais le pavillon de Flore lui résiste jusqu'en 1961, hébergeant successivement à partir de 1883 le préfet Poubelle, le ministère des Colonies, et des services du ministère des Finances. C'est le projet du Grand Louvre, mené à l'initiative du président Mitterrand, à partir de 1981, qui marque l'étape décisive : le ministère des Finances doit s'installer à Bercy. Ce déménagement, effectif en 1989, permet d'ouvrir au public la nouvelle aile Richelieu en 1993. À l'exception du pavillon de Marsan et de la partie ouest de l'aile Richelieu, qui abritent depuis 1905 le Musée des arts décoratifs (dont une partie est consacrée aux arts de la mode depuis 1986), tout l'espace appartient désormais au musée du Louvre.

Cette conquête est allée de pair avec de sérieuses transformations en matière de muséologie. L'ère des grandes salles d'or et de stuc s'achève en 1910 avec l'aménagement de l'ancienne Galerie Médicis, dont les Rubens ornent aujourd'hui la nouvelle aile Richelieu. Vient ensuite le temps d'une présentation plus sobre, caractérisée par des accrochages plus aérés et des vitrines moins surchargées. Lancé en 1926, le plan Verne, dont les effets se prolongent jusqu'à la fin des années soixante-dix, entraîne un réaménagement complet des collections, surtout entre 1934 et 1939. Dans le même temps, des domaines sont abandonnés au profit de musées nouveaux, tel celui de la Marine à Chaillot (1930), ou d'institutions déjà en place : ainsi les collections asiatiques sont-elles placées au Musée Guimet en 1945 ; la même année, les toiles impressionnistes sont transférées au Jeu de paume.

La création du Musée d'Orsay, en 1986, permet de délimiter des frontières chronologiques précises : relève désormais du Louvre l'art antérieur à 1848. La conquête de 22 000 mètres carrés dans l'aile nord entraîne un nouveau redéploiement des collections. Enfin, si certaines salles avaient déjà été décorées dans l'optique du musée (peintures d'Ingres pour les salles grecques du musée de Charles X), un édifice est pour la première fois créé directement pour le musée, sans relever d'une quelconque réutilisation : c'est la pyramide du Louvre (1989), qui permet une réorganisation d'ensemble du plan de circulation, et qui est aussi le premier élément architectural qui rompt délibérement avec le style inauguré par Pierre Lescot. Ainsi, grâce à l'ouverture de la crypte archéologique, qui permet d'approcher les vestiges du Louvre médiéval, et à la pyramide de Ieoh Ming Pei, le Grand Louvre offre effectivement à ses 5 millions de visiteurs annuels une parure monumentale exceptionnelle, pour des collections qui ne le sont pas moins. Le palais, centre du pouvoir politique, est devenu temple de la culture et de l'histoire, une métamorphose qui n'a pu s'effectuer qu'avec l'accord tacite et, souvent, l'appui résolu du pouvoir lui-même.

Lugdunum,

capitale de la Lyonnaise (l'une des quatre provinces de la Gaule romaine).

La Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum est fondée sur le site celtique de Condate - au confluent du Rhône et de la Saône -, en 43 avant J.-C., par Lucius Munatius Plancus, ancien lieutenant de César. La colonie, peuplée de commerçants romains chassés de Vienne en 61 et de vétérans, occupe une place centrale lors de la refonte augustéenne des trois Gaules et profite de ses bonnes relations avec les empereurs successifs pour accroître son rôle politique. Claude, né à Lugdunum, lui confère même divers privilèges, ce qui explique le nom que prend la colonie (Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunum). Son rôle politique est important, notamment lors des guerres civiles de 68-69 et de 193-197, mais s'estompe à la fin du IIIe siècle au profit de Trèves. La cité conserve toutefois sa vitalité dans l'Empire tardif, puis au sein du royaume burgonde.

Résidence du légat de la Lyonnaise, d'une cohorte urbaine, des services de l'administration financière de la Lyonnaise et d'Aquitaine, et d'un atelier monétaire, Lugdunum est aussi le centre du réseau routier gaulois et le siège du sanctuaire des trois Gaules, entité indépendante sur son sol, dont l'activité est attestée jusqu'à la fin du IIIe siècle. L'autel de Rome et d'Auguste, élevé par Drusus en 12 avant J.-C., réunit tous les ans les délégués des soixante cités gauloises. Ils accomplissent des sacrifices pour le salut de Rome et de l'empereur régnant, expriment les vœux de leur cité et blâment parfois un gouverneur incompétent.

Dotée d'institutions classiques, la cité possède un vaste territoire. La ville elle-même, bien approvisionnée en eau par quatre aqueducs, se trouve sur l'acropole de Fourvière (forum vetere). Fermé par un rempart triangulaire et soigneusement quadrillé, l'espace urbain comprend les monuments traditionnels de la vie publique : forum, temples, thermes et édifices de spectacle (théâtre, odéon, cirque). Sur la rive droite du Rhône s'étend le quartier commercial des canabae, où se tiennent les corporations professionnelles : « nautes » du Rhône, de la Saône, négociants en vin... Le territoire fédéral de Condate forme une agglomération distincte sur la rive gauche de la Saône : le sanctuaire comprend un bois sacré, des autels et surtout un amphithéâtre, où a lieu, le 1er août, le spectacle que le grand-prêtre des Gaules doit organiser, et au cours duquel, en 177, les chrétiens lyonnais sont suppliciés. Leur martyre confère une forte autorité à l'évêque de la cité au IVe siècle, dont il tire profit pour étendre la diffusion du christianisme en Gaule.