Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XVI (suite)

Un monarque peu préparé au métier de roi

Né à Versailles le 23 août 1754, héritier de la couronne depuis 1765, Louis XVI est à peine âgé de 20 ans lorsqu'il succède à son grand-père Louis XV, le 10 mai 1774. Peu aimé de ses parents - le dauphin Louis et Marie-Josèphe de Saxe -, qui lui préfèrent un frère aîné emporté très jeune par la tuberculose, il a grandi sous la férule du duc de La Vauguyon. Ce gouverneur lui a donné la plus conventionnelle - mais aussi la plus castratrice - des éducations, inhibant une personnalité déjà fortement introvertie. Féru d'histoire, de droit, de géographie, de mathématiques, intéressé par les sciences, le prince ignore tout de l'état du royaume et des pratiques gouvernementales. Conserver intact l'héritage de ses pères, c'est-à-dire maintenir immuable la monarchie absolue, telle est la grande leçon que le jeune monarque retient de ses années d'études. Dépourvu de charme, peu sûr de lui, il épouse, à 16 ans, l'archiduchesse Marie-Antoinette, gage de l'impopulaire alliance franco-autrichienne (que le père du futur Louis XVI réprouvait totalement). Gracieuse et pétulante, la reine ne comprend guère la froideur que lui témoigne son triste époux : il ne parviendra à consommer son mariage qu'en 1777.

L'échec de la « révolution par en haut » (1774-1776)

Le règne de Louis XVI commence comme une pastorale, œuvre qui évoque la simplicité des mœurs et l'harmonie. On sait le roi timide, vertueux et modeste. Il paraît l'opposé de son aïeul, et cela suffit pour reporter sur lui toutes les espérances déçues. Il est « Louis le Désiré » pour cette époque propice aux effusions sentimentales. Et la presse de célébrer la légende du roi bienfaisant, véritable réincarnation d'Henri IV. Tout autant que le souverain, Marie-Antoinette bénéficie alors de cette extraordinaire popularité. Aux yeux de l'opinion, ce jeune couple augure un nouvel âge d'or.

Pétri des préceptes de Fénelon, Louis XVI, tel Télémaque, se donne un mentor en la personne d'un ancien ministre disgracié par Louis XV, le comte de Maurepas. Vieillard sceptique et rompu à toutes les subtilités de la politique, Premier ministre de fait jusqu'à sa mort, en 1781, celui-ci influence de façon évidente toutes les décisions du monarque. Les premières vont déterminer la suite du règne. Louis XVI va-t-il maintenir la réforme entreprise quatre ans plus tôt par Maupeou, c'est-à-dire la suppression des parlements et de la Cour des aides ? Va-t-il entreprendre des réformes engageant le royaume sur la voie de changements fondamentaux ? Appartenant à une ancienne famille de la noblesse de robe, Maurepas se montre favorable au rétablissement des cours souveraines dans leurs pouvoirs. Secrètement hostile aux réformes de structure, il laisse cependant entrer dans le ministère deux réformateurs de la « secte philosophique », Malesherbes et Turgot, alors que les autres ministres sont plutôt conservateurs et attachés aux principes de la monarchie traditionnelle (c'est le cas, en particulier, de Vergennes, appelé aux Affaires étrangères).

Rétablissant le parlement et la Cour des aides quasiment dans la plénitude de leurs pouvoirs, le roi jouit d'une popularité encore accrue. Ces institutions passent, en effet, pour les meilleures garantes face aux excès de l'absolutisme. Lorsque Louis XVI adopte cette mesure, Turgot, son contrôleur général des Finances, préconise une politique d'économies drastiques. « Point de banqueroute, point d'augmentation d'impôts, point d'emprunts », dit-il à son maître. Il souhaite, en outre, accroître la richesse de la nation en proclamant la liberté de l'industrie et du commerce. Le 13 septembre 1774 est adopté un édit établissant la libre circulation des grains, dont les conséquences se font sentir en avril-mai 1775, lors des troubles de la « guerre des farines » provoqués par la spéculation sur les blés. Des émeutes éclatent simultanément sur les marchés de plusieurs régions. On accuse les monopoleurs de faire monter le prix du blé, et, comme au temps de Louis XV, on reparle du « pacte de famine ». Quelques émeutiers se rendent même jusque dans la cour du château de Versailles pour manifester leur hostilité à la politique frumentaire du gouvernement. Cependant, Louis XVI soutient son ministre, et le calme se rétablit.

Avec la « rage du bien public » qui le caractérise, le 5 janvier 1776 Turgot propose six édits, dont l'un supprime la corvée, et un autre les corporations. Ce dernier doit aboutir, à terme, à la suppression de la société d'ordres, ce que comprend parfaitement le parlement, qui s'oppose à l'enregistrement. À l'issue de la crise qui s'ensuit, Louis XVI finit par céder aux privilégiés et sacrifie son ministre. Du reste, ce dernier ainsi que son ami Malesherbes, qui quitte lui aussi le ministère, songent à élaborer un système de représentation nationale. Le projet d'une monarchie constitutionnelle où, de surcroît, la société d'ordres n'existerait plus ne peut que passer pour hérétique aux yeux du roi. L'idée de la « révolution par en haut » semble donc condamnée dès 1776.

Les années cruciales : 1778-1788

On supprime d'un trait de plume les réformes de Turgot. Après quelques errements, Louis XVI appelle aux Finances, en 1777, l'habile banquier genevois Necker, qui passe pour l'un des meilleurs spécialistes en ce domaine. À son tour, le nouveau contrôleur des Finances insiste sur la nécessité de faire de sérieuses économies. Il développe le système de la régie pour la perception des impôts indirects, réduisant ainsi les avantages de la Ferme générale. Il souhaite, en outre, que les contribuables puissent participer à l'établissement des impôts indirects en collaborant avec les intendants. À cette fin, il propose au roi la création d'assemblées provinciales composées de membres nommés. L'expérience, tentée dans le Berry, ayant été positive, Necker veut l'étendre à d'autres provinces. Mais il se heurte à l'hostilité du parlement, qui voit dans ces assemblées l'embryon d'une représentation nationale, ce qui signifie, à plus longue échéance, la suppression des cours souveraines et la transformation des institutions du royaume. Le roi ne manque pas d'être impressionné par cette nouvelle levée de boucliers des magistrats.