républicain (parti ou mouvement). (suite)
De nouveaux équilibres tendent à s'établir. Certes, les hommes de 1848 (Edgar Quinet, Louis Blanc) demeurent influents et n'abandonnent pas leurs perspectives, c'est-à-dire un « gouvernement direct du peuple » nourri par un républicanisme sentimental sinon messianique. Mais s'imposent de plus en plus les républicains formés au comtisme, au culte de la science. Juristes, ils réprouvent la violence et le despotisme, au profit d'une conquête progressive des esprits. Adeptes d'un pouvoir spirituel qui nourrisse la « morale républicaine », à l'instar d'Auguste Comte, ou simplement rationalistes, tel Jules Ferry, ils veulent rompre avec toutes les entraves à la liberté individuelle, qu'imposent l'Église comme le gouvernement autoritaire. Leur république est une démocratie libérale qui repose sur la promotion sociale individuelle plus que sur l'émancipation collective. Jules Ferry, Paul Bert et Léon Gambetta en sont les principaux « commis voyageurs ». Ils tendent à marginaliser ceux qui prétendent imposer des mutations révolutionnaires et l'organisation d'un mouvement populaire, voire ouvrier (Charles Delescluze).
La défaite de Sedan et la chute de l'Empire, en septembre 1870, offrent aux républicains une divine surprise. Certes, les émeutes populaires permettent la proclamation, le 4 septembre, de la république, mais c'est la dernière fois que les républicains prennent appui sur une tentative révolutionnaire pour mettre en œuvre leur projet. Ils gardent leur attachement au suffrage universel, mais, instruits des limites de la formation politique du pays, il leur faut d'abord éviter tout césarisme, construire le régime des libertés, puis « républicaniser les esprits », c'est-à-dire bâtir dans la durée une république nouvelle. Le refus d'apporter un appui explicite à l'insurrection communale de 1871, tout en condamnant la dureté de la répression menée par les versaillais, donne aux nouveaux dirigeants républicains un autre visage : il lève tout soupçon insurrectionnel, condamne implicitement la Terreur, même si, selon le mot célèbre de Clemenceau, « la Révolution française est un bloc ». Au total, au nom de la démocratie politique et des libertés publiques, monarchistes modérés et républicains peuvent se retrouver pour fonder une république de raison qui, dans le même mouvement, entraîne la revendication ouvrière dans une forme d'exil intérieur.
Dans la seconde partie des années 1870, de surcroît, le contexte historique a changé : la république, d'abord politiquement incertaine sur ses bases, s'enracine après le remplacement, à la présidence de la République, du monarchiste Mac-Mahon par Jules Grévy, en 1879. Désormais, les républicains, déjà majoritaires à la Chambre et au Sénat, sont également maîtres du pouvoir exécutif : de « Marianne au combat », on est alors passé à « Marianne au pouvoir » (Maurice Agulhon).