Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Sorel (Georges),

théoricien socialiste (Cherbourg 1847 - Boulogne 1922).

Né dans une famille de la bourgeoisie catholique en butte à des difficultés matérielles, Sorel poursuit de brillantes études qui le conduisent à l'École polytechnique (1865). Ingénieur des Ponts et Chaussées, il ne commence à publier des articles à teneur historique et philosophique qu'à partir de 1886. Puis, en 1892, il renonce brutalement à sa carrière professionnelle pour se consacrer à la vie des idées. Il entre bientôt dans le comité de rédaction des premières revues marxistes françaises (l'Ère nouvelle, le Devenir social) et rédige de nombreux articles. Durant l'affaire Dreyfus, il se rallie à la cause des dreyfusards mais, vite déçu par la « révolution dreyfusienne », il se radicalise et passe bientôt pour le théoricien du syndicalisme révolutionnaire, hostile tant aux partis politiques qu'à l'État. En 1908, paraît son ouvrage le plus connu, Réflexions sur la violence, qui rassemble des articles publiés depuis plusieurs années dans la revue le Mouvement socialiste.

De plus en plus, Sorel s'abandonne à un pessimisme indépassable qui encourage chez lui une critique de la démocratie, et des tendances antisémites. Il se rapproche brièvement de l'extrême droite et séduit certains intellectuels de l'Action française. Mais, écœuré par la Première Guerre mondiale, il soutient en 1917 la révolution bolchevique. En Italie, pourtant, où il connut une fortune critique presque supérieure à celle qu'il eut en France, c'est Mussolini qui annexe ses idées au profit du fascisme. Là réside toute l'ambiguïté d'un penseur inclassable.

Soubise (Charles de Rohan, prince de),

maréchal de France (Paris 1715 - id. 1787).

Membre d'une illustre famille, orphelin à 9 ans, il doit sa carrière à Louis XV, qui a presque le même âge que lui et dont il reste jusqu'au bout l'« ami de cœur » et le familier. De manières affables, parfait courtisan, il sait se ménager aussi la protection des favorites, en particulier de Mme de Pompadour. Brigadier à 25 ans, maréchal de camp à 28, il sert comme aide de camp du roi en Flandre en 1744-1745.

Il se signale surtout lors de la guerre de Sept Ans. Commandant les troupes françaises opérant en Saxe, il est battu par Frédéric II de Prusse à Rossbach (5 novembre 1757). La défaite incombe principalement au commandement de ses alliés autrichiens, mais Soubise en est jugé responsable par l'opinion, qui le chansonne en le représentant affublé d'une lanterne, partant à la recherche de ses troupes. Par la suite, il alterne les victoires - qui lui valent le bâton de maréchal en octobre 1758 - et les défaites, dont certaines du fait de sa mésentente avec le maréchal de Broglie. Courageux, il manque cependant du sens de la décision.

La paix met fin à sa carrière militaire, mais il devient ministre d'État en février 1759 et participe activement aux affaires jusqu'à la mort de Louis XV (1774) : sans jouer un rôle de premier plan, mais écouté par le roi, il reste l'ami des jésuites après la suppression de la Compagnie de Jésus (1764), contrebalance l'influence de Choiseul, se montre hostile au duc d'Aiguillon, et surtout défend l'autorité royale et Maupéou lors des conflits avec les parlements.

Soult (Jean de Dieu Nicolas),

maréchal d'Empire, duc de Dalmatie, et homme politique (Saint-Amans-la-Bastide, aujourd'hui Saint-Amans-Soult, Tarn, 1769 - id. 1851).

Il a grandi dans un milieu instruit car il est fils d'un notaire, décédé alors qu'il avait 10 ans. Destiné à reprendre l'étude de son père, il préfère s'engager, à 16 ans, comme volontaire au régiment Royal-Infanterie (1785), où il devient caporal dès 1787. Il est sergent en 1791, capitaine en 1793, et sa brillante conduite à Fleurus (1794) lui vaut le grade de général de brigade. Promu général de division en 1797, il est affecté à l'armée du Danube et joue un rôle de premier plan dans la campagne de Suisse en 1799. Au début du Consulat, il combat en Italie, où il se fait apprécier de Murat. Fort de cette protection et de celle de Lefebvre, il est nommé général de la Garde des consuls (1802) et rencontre alors Bonaparte pour la première fois. Grâce aux revenus que lui ont assurés ses fonctions en Italie, il fait l'acquisition d'un hôtel au faubourg Saint-Germain, à Paris, ainsi que d'une propriété à proximité de Saint-Cloud, manifestant ainsi son insertion dans la bonne société. Chargé en 1803 du commandement du camp de Saint-Omer, maréchal de France dès 1804, il fait preuve d'excellentes qualités de manœuvrier lors de la bataille d'Austerlitz, talents souvent employés ensuite, notamment à Iéna et Eylau ; le 16 juin 1807, c'est lui qui s'empare de Kœnigsberg. Fait duc de Dalmatie et chargé du commandement du 2e corps de l'armée d'Espagne en 1808, victorieux jusqu'en mars 1809, il est vaincu par Wellington, qui le force à évacuer le Portugal. Il continue cependant de combattre dans la péninsule Ibérique jusqu'en mars 1814, avec une interruption en 1813 pour participer à la campagne de Saxe.

Ministre de la guerre de Louis XVIII, il se montre farouchement royaliste durant la première Restauration. Napoléon le nomme néanmoins pair de France et major général de l'armée durant les Cent-Jours. Banni lors de la seconde Restauration, il peut rentrer en France en 1819. Appelé par Charles X à réintégrer la Chambre des pairs en 1827, il y soutient le gouvernement, mais se rallie à Louis-Philippe en 1830. Ministre de la Guerre au début de la monarchie de Juillet, il dirige à ce titre la répression de la révolte des canuts lyonnais en 1831. Il est président du Conseil à trois reprises, d'octobre 1832 à juillet 1834, de mai 1839 à mars 1840, et d'octobre 1840 à février 1847 ; pendant cette dernière période, il retrouve en outre le portefeuille de la Guerre mais abandonne la réalité du pouvoir à Guizot. S'il ne joue plus dès lors qu'un rôle de façade, il reçoit le titre prestigieux de maréchal-général (1847), montrant ainsi comment un haut dignitaire de l'Empire aux origines modestes est parvenu à pérenniser sa brillante réussite, fût-ce au prix de palinodies.

souveraineté nationale.

Le transfert de souveraineté du roi à la nation en 1789 constitue un événement révolutionnaire fondateur, et marque l'avènement de la souveraineté nationale.