comptoirs, (suite)
Assurer la prospérité du pays.
• L'établissement des comptoirs est en effet une des applications de la doctrine mercantiliste, qui domine alors la pensée économique : la source de la prospérité et de la puissance d'un État est l'excédent de sa balance commerciale, obtenue par l'exportation de produits manufacturés (industries de luxe, notamment) et la limitation des importations ; il s'agit donc, en particulier, de contrôler les territoires qui pourront procurer à la métropole les produits qui lui manquent.
Après l'élan donné par Richelieu, c'est Colbert qui va définir et mettre en place une véritable politique coloniale. Les terres à coloniser sont celles qui fournissent les produits exotiques : les Indes occidentales (c'est-à-dire l'Amérique) pour le tabac, le coton, l'indigo et, à partir de 1640, le café et le sucre, le Canada pour les fourrures ; les Indes orientales pour les cotonnades (les fameuses « indiennes »), les soieries, le thé, les épices, etc. ; enfin, la côte occidentale africaine, où l'on trouve l'or, la gomme, l'ivoire et, bientôt, les esclaves qui vont travailler la canne à sucre aux Antilles. Le roi confie à des compagnies de commerce et de navigation dotées de privilèges (monopoles territoriaux) le soin d'y établir des comptoirs. Ainsi sont créés les comptoirs du Canada (Québec et Montréal), ceux du Sénégal (Saint-Louis en 1638, Gorée)... La Compagnie des Indes orientales a pour mission d'établir des comptoirs aux Indes (Pondichéry, 1674), ainsi que quelques escales sur la route, telles l'île Bourbon (aujourd'hui la Réunion) et l'île de France (île Maurice). En revanche, après l'échec de la Compagnie des Indes occidentales (1674), les Antilles sont directement rattachées à la couronne.
La fortune des ports.
• Le commerce avec les comptoirs favorise la création d'industries dans les ports ou dans leur arrière-pays : contre les matières premières venues d'outre-mer s'échangent des produits manufacturés français. Le commerce avec les Échelles - on appelle ainsi les comptoirs établis en terre d'islam, tels que Smyrne, Salonique, La Canée, etc. - fait la fortune de Marseille, qui exporte en Turquie les balles de draps du Languedoc, prend le contrôle de la caravane, c'est-à-dire du cabotage le long des côtes turques de Méditerranée, et établit un service de liaison par lettres de change entre les Échelles et Constantinople. À Rouen, comme dans de nombreux ports, se développent des raffineries, la fabrication de chaudrons pour la production du sucre, etc. Enfin, il faut assurer le ravitaillement des îles consacrées aux cultures d'exportation et leur envoyer farines, vins, toiles et couvertures, chaussures. Entre les ports de Nantes et Bordeaux, les comptoirs d'Afrique et les Antilles se développe le commerce triangulaire (produits finis, traite des esclaves, canne à sucre), qui représente en 1778 le tiers du commerce extérieur de la France métropolitaine.
Ainsi, comptoirs et colonies jouent un rôle déterminant dans l'économie française d'Ancien Régime, que n'affectent guère les pertes du traité de Paris (1763). La France conserve en effet les principales îles des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Saint-Domingue), le comptoir de Gorée au Sénégal - fondamental pour la traite des esclaves -, et les cinq comptoirs de l'Inde (Pondichéry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mahé). Les principaux pôles du commerce maritime sont donc sauvés : c'est l'essentiel aux yeux des contemporains, par-delà l'humiliation de la défaite. Mais l'âge du mercantilisme touche alors à sa fin. Au XIXe siècle, surtout dans sa seconde moitié, sonne l'heure du nationalisme et de l'impérialisme. À partir de la conquête de l'Algérie, un deuxième empire colonial français se constitue, fondé sur l'expansion territoriale et non plus sur l'établissement de comptoirs. Ceux-ci seront intégrés dans le nouvel ensemble.