Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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privilèges, (suite)

Le système fiscal offre des illustrations - devenues classiques - de la situation créée par les privilèges. Ainsi, en Anjou, si les roturiers des campagnes sont astreints à payer la taille, les habitants d'Angers (comme beaucoup d'autres citadins) en sont exemptés, ...à l'exception d'une paroisse de la ville ! Pour la gabelle, le contraste entre la situation du paysan du Maine, astreint au taux le plus élevé, et celle de son voisin de Bretagne, qui habite une province exempte, est saisissant : au XVIIIe siècle, le premier paie son sel vingt-cinq fois plus cher que le second ! Cet exemple montre que les privilèges ne concernent pas exclusivement le clergé et la noblesse, mais l'ensemble de la société. D'autres secteurs en témoigneraient tout autant, du domaine religieux (le catholicisme est religion d'État, mais les protestant disposent, de 1598 à 1685 du moins, de privilèges propres) aux pratiques successorales, très différentes d'une coutume à l'autre.

La justification d'un système.

• Les privilèges sont conçus, selon les théoriciens d'alors, pour permettre à chacun l'exercice de son activité dans de bonnes conditions. Contribuant au fonctionnement harmonieux de la société tout entière, ils sont donc d'utilité publique. Ainsi, les nobles sont exempts d'impôt parce qu'ils versent sur les champs de bataille l'« impôt du sang ». De même, la reconnaissance des privilèges d'une province permet son intégration en douceur dans le royaume. Mais les privilèges servent également les intérêts financiers de la monarchie. Endettée en permanence, celle-ci doit recourir régulièrement au crédit de corps riches (provinces, villes, clergé, officiers royaux), qui mobilisent des fonds parce qu'ils inspirent confiance. Or, cette confiance repose avant tout sur la solidité de leurs privilèges, que la monarchie se doit alors de garantir pour s'assurer des moyens financiers. État et privilèges s'épaulent donc. Cette situation n'empêche pas la monarchie de revenir, ponctuellement, sur certains d'entre eux : c'est le cas lors de la révocation de l'édit de Nantes, ou lorsque l'établissement de nouveaux impôts est décidé. Néanmoins, l'existence même des privilèges fonde les relations entre État et société jusqu'en 1789.

Une abolition irréversible.

• Leur remise en cause - thème très débattu tout au long du XVIIIe siècle - se produit dès le début de la Révolution. Dans l'enthousiasme de la nuit du 4 Août, une abolition générale est décidée. Les décrets, âprement négociés dans les jours qui suivent, sont plus restrictifs, mais le processus est irréversible. Il débouche sur le préambule de la Constitution de septembre 1791 : « Il n'y a plus, pour aucune partie de la Nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les Français. » Le caractère révolutionnaire du changement est indéniable, même si subsistent alors des limites sérieuses à l'égalité civile (maintien de l'esclavage) ou politique (distinction entre citoyens actifs et citoyens passifs). Il est également définitif, pleinement confirmé par le Code civil, quelques années plus tard.

programme commun de gouvernement,

programme d'action adopté en 1972 par le Parti communiste (PCF) et le Parti socialiste (PS) en vue de la législature à venir (1973-1978), mais dont la rupture de l'union de la gauche, en 1977, marque l'abandon.

En signant ce programme, le 27 juin 1972, socialistes et communistes consacrent la dynamique d'union de la gauche qui s'était affirmée dès l'élection présidentielle de 1965, mais que les événements de mai 68 avaient ensuite retardée. Malgré une volonté commune de mettre fin à une succession de revers électoraux, chacun des deux partenaires nourrit des ambitions autonomes : le PCF, dirigé par Waldeck Rochet (malade depuis 1969) et par Georges Marchais (qui ne devient officiellement secrétaire général du parti qu'en décembre 1972), cherche d'abord à sortir de son isolement politique ; pour le PS, refondé autour de François Mitterrand lors du congrès d'Épinay (1971), il s'agit de conquérir le pouvoir, mais aussi de rétablir en sa faveur l'équilibre des forces à gauche. Si ce contrat de législature opère une synthèse entre le programme du PS (« Changer la vie », mars 1971) et celui du PCF (« Changer de cap », octobre 1971), les communistes acceptent des concessions majeures : contrairement à toute leur conception du pouvoir, ils reconnaissent le principe de l'alternance démocratique, reculent sur l'étendue des nationalisations à opérer, renoncent à exiger le démantèlement de la force de frappe française, et admettent l'Europe et l'Alliance atlantique comme cadres d'action d'un éventuel gouvernement de gauche. Le choix de l'union est payant : les partis de gauche progressent dès les législatives de mars 1973, et François Mitterrand, qui s'est peu référé au programme commun pendant sa campagne, échoue d'un rien à l'élection présidentielle de 1974. De plus, le Mouvement des radicaux de gauche (MRG) de Robert Fabre a rejoint l'alliance dès juillet 1973, et Michel Rocard adhère au PS en octobre 1974 avec nombre de ses partisans du PSU. Néanmoins, à l'automne 1977, à l'approche des élections législatives de 1978, les deux partenaires principaux ne parviennent pas à actualiser leur programme, tant pour des raisons tactiques qu'idéologiques : le PCF craint de subir la domination du PS ; ce dernier, à la recherche d'un compromis entre étatisme et autogestion, refuse de prendre des engagements maximalistes. Si la rupture du programme commun explique en partie l'échec de la gauche en 1978, elle ne met pas fin à la pratique du désistement réciproque. Surtout, elle accroît, aux yeux de l'opinion, la crédibilité du PS et sa vocation à gouverner.

propriété (droit de),

« droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Propriété-souveraineté, propriété exclusive, régime unique pour le meuble et l'immeuble : après des siècles d'oubli, l'article 544 du Code civil renoue avec la tradition romaine classique. Jusqu'au XIXe siècle, en effet, deux types de propriété coexistent. La propriété mobilière, souveraine, semblable à celle du Code : le meuble est un bien personnel ; sur lui, l'emprise du propriétaire est totale et emporte la libre disposition. Mais le domaine de ce droit est mineur : les meubles sont sans valeur - « res mobilis, res vilis », dit l'adage - ; la fortune en ces temps n'est pas mobilière car les meubles ne confèrent ni puissance politique ni puissance économique. Plus complexe est la propriété foncière. De fait, c'est elle, la propriété de l'ancien droit.