Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
R

radical (Parti).

Du 21 au 23 juin 1901 se tient à Paris le congrès fondateur du Parti républicain radical et radical-socialiste, premier des partis politiques français modernes.

Cette nouvelle formation est l'héritière d'une longue tradition. Sa création parachève un mouvement d'unification de toutes les composantes de la « famille radicale », qui s'est accéléré dans les années 1890. En effet, le danger nationaliste, révélé lors de l'affaire Dreyfus, mais aussi l'essor des organisations socialistes poussent les radicaux à se rassembler pour préparer les élections de 1902.

L'âge d'or du Parti radical (1901-1914).

• Au début du XXe siècle, les radicaux n'expriment certes plus l'impatience réformatrice des années 1880, mais ils demeurent attachés à la défense de la République. En ce sens, ils prétendent incarner le « parti républicain » qui, désormais, doit consolider un régime en construction permanente.

Le parti connaît un indéniable apogée à la Belle Époque. Les radicaux deviennent la force principale du Bloc des gauches, victorieux aux élections de 1902. Cette prééminence est encore renforcée par les scrutins législatifs suivants : 247 députés sur 585 en 1906 (115 radicaux indépendants et 132 radicaux-socialistes) ; 261 sur 587 en 1910 (112 appartenant à la Gauche radicale, et 149 au Parti radical-socialiste). De même, les élections locales, municipales et cantonales soulignent régulièrement l'enracinement d'un parti très influent. Entre 1902 et le début de la Première Guerre mondiale, les radicaux président à six reprises le gouvernement, avec, notamment Émile Combes (1902-1905), Georges Clemenceau (1906-1909) et Joseph Caillaux (1911-1912).

Les radicaux se sont dotés d'une organisation caractéristique d'un parti moderne, fondée sur le recrutement d'adhérents, voire de militants, une structure pyramidale, un programme. Pourtant, leur parti ressemble plus à une confédération qu'à une fédération : des cercles et des comités politiques, des sociétés de pensée (des loges maçonniques), des journaux (notamment la Dépêche de Toulouse), un réseau de parlementaires et de maires, en constituent le maillage inégalement dense, ses principaux bastions se situant dans la France méridionale. Mais, à la veille de la guerre, le parti demeure insuffisamment apte à rassembler tous ceux qui se reconnaissent dans « l'esprit radical », même au sein du Parlement.

Le dynamisme du militantisme varie selon la conjoncture. À l'époque du combisme triomphant, le parti peut annoncer 200 000 adhérents. Les forces radicales appartiennent, pour l'essentiel, à la « France qui travaille », aux classes moyennes « inférieures » (entrepreneurs et artisans, commerçants, petits exploitants agricoles, fonctionnaires, membres des professions libérales), habitant davantage dans les villes petites et moyennes que dans les campagnes ou les grandes métropoles (le radicalisme est peu implanté à Paris depuis la crise boulangiste). Pour les radicaux, comme pour tous les républicains dont ils sont l'aile avancée, le suffrage universel garantit l'émancipation politique, et l'école assure la promotion sociale individuelle.

Le radicalisme de la Belle Époque se prétend réformateur. Les radicaux continuent de lutter contre ce qui leur paraît constituer des obstacles à la démocratie politique - l'Église, le Sénat (lequel fait toutefois l'objet de critiques moins virulentes à mesure qu'il se peuple de républicains) - et définissent un projet de société où les principes de 1789 doivent s'épanouir. Opposés au collectivisme des socialistes, ils proposent des réformes économiques et sociales qui, avec l'impôt sur le revenu, un système de retraite, la réduction de la durée du travail, doivent contribuer à la limitation des inégalités et à l'instauration d'un État-providence. La réforme est une nécessité de la modernisation politique et sociale afin d'éviter à la fois la révolution et la réaction. Le solidarisme, inspiré par Léon Bourgeois, leur permet d'élaborer une stratégie qui, même face à la concurrence socialiste, les maintient dans le camp de la gauche. En outre, les radicaux sont particulièrement attachés à la laïcité, voire à l'anticléricalisme militant. Ils trouvent en Émile Combes un interprète de choix pour mener un combat qui n'est pas, selon eux, un alibi mais une étape nécessaire à la modernisation. Le combisme est longtemps évoqué avec enthousiasme puis avec nostalgie par les militants. Cependant, il trouve des adversaires dans les rangs même du radicalisme, de la part de Clemenceau, notamment, qui fustige son « jésuitisme retourné ». Enfin, dans le domaine de la politique étrangère, les convictions des radicaux reposent à la fois sur le patriotisme et sur l'espoir de substituer le droit à la force dans les rapports entre nations. Mais, au-delà de ces grands principes, leurs positions - sur les relations franco-allemandes, sur la politique coloniale - laissent place à des nuances.

À la veille de la Grande Guerre, le parti a conscience d'avoir réalisé l'essentiel de son programme : la séparation des Églises et de l'État est effective depuis 1905 ; le projet d'impôt sur le revenu, bloqué à divers reprises par un vote hostile du Sénat, est finalement adopté en juillet 1914. Mais la « réforme radicale » tend à marquer le pas car le parti ne parvient pas à imaginer des solutions novatrices par rapport à ses concurrents ou à ses adversaires. Le socialisme, en progressant rapidement dans les centres industriels, puis dans les villes moyennes, commence à supplanter le radicalisme dans de nombreuses régions. Par ailleurs, le patriotisme humaniste des radicaux ne peut contrecarrer la diffusion du nationalisme dans de larges fractions de la population. La rénovation du parti - de son programme comme de son organisation - devient nécessaire. Joseph Caillaux, devenu président du parti en 1913, tente d'associer dans une même démarche technicité et principes, en défendant son projet d'impôt sur le revenu ou en luttant contre la loi des trois ans (service militaire). En outre, l'unicité du groupe parlementaire, l'organisation de fédérations départementales, les campagnes d'adhésions, le renforcement de l'exécutif, sont autant de moyens mis en œuvre pour consolider les structures du parti. Mais le temps manque à Joseph Caillaux, qui doit renoncer temporairement à toute action politique, Mme Caillaux ayant assassiné en mars 1914 le directeur du Figaro, qui publiait des documents censés être compromettants pour son époux.