Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

Épée (Charles Michel, abbé de l'), (suite)

 L'abbé de l'Épée est surtout connu pour son action en faveur de l'enfance et, en particulier, des sourds-muets. Sous le règne de Louis XVI, un mouvement philanthropique s'attache en effet, avec quelque succès, à l'amélioration des conditions des enfants trouvés et des infirmes, et il bénéficie d'une certaine attention de la part du pouvoir royal. L'abbé de l'Épée, sans être l'inventeur du langage par signes pour les sourds-muets, propage et perfectionne cette méthode d'instruction et de communication. Un arrêt du Conseil royal de novembre 1778 met à sa disposition une partie des bâtiments de l'ancien couvent des Célestins, afin d'y installer un établissement. Celui-ci devient, à partir de 1785, l'hospice permanent d'éducation et d'enseignement pour les sourds-muets, qui bénéficie d'une dotation annuelle de 3 400 livres. Après la mort de l'abbé, l'Assemblée constituante poursuit son œuvre. Parallèlement aux travaux de l'abbé de l'Épée, Valentin Haüy (1745-1822) se consacre à l'éducation des aveugles, inventant un système de caractères en relief qui sera perfectionné par Louis Braille (1809-1852). Devant le succès de l'entreprise, la Maison philanthropique fonde un établissement, qui sera lui aussi pris en charge par l'État en 1791.

épices.

Bien que les marchands du Moyen Âge aient utilisé le terme d'épices pour qualifier tous les produits du grand commerce avec l'Orient, le mot désigne plus particulièrement les substances aromatiques d'origine végétale et de provenance généralement lointaine qui ont joué un grand rôle dans l'alimentation médiévale.

Hérité des élites de l'Antiquité tardive, le goût pour les épices s'affirme plus encore durant le haut Moyen Âge, où de nouvelles espèces sont importées d'Orient, tels le clou de girofle ou le galanga, avant qu'au XIIe siècle la noix de muscade et la maniguette soient à leur tour introduites. De sorte qu'à la fin du Moyen Âge, véritable âge d'or de la cuisine épicée, les maîtres queux disposent d'un éventail très large, qui comprend une quinzaine de produits couramment utilisés : ce dont témoignent les recettes conservées de cette époque, et qui est corroboré par les comptes d'approvisionnement, lesquels attestent la consommation d'importantes quantités d'épices, au moins par les élites ; les autres catégories sociales doivent en effet se contenter des trois ou quatre substances de base, gingembre, cannelle, poivre et safran, voire, pour les plus humbles, d'un peu de poivre.

Contrairement à une idée reçue, les épices n'ont nullement pour fonction de masquer les douteux parfums de viandes avariées ; en revanche, elles occupent une place certaine dans la pharmacopée médiévale. La prédilection des hommes des XIVe et XVe siècles pour elles tient également à leur origine orientale, qui en fait en quelque sorte les fruits du Paradis.

L'ampleur et les exigences de la demande entretiennent un commerce prospère, sur lequel repose en grande partie la fortune de Venise. C'est, entre autres raisons, pour court-circuiter les pays musulmans qui assurent le transit des épices que Portugais et Espagnols cherchent au XVe siècle à atteindre directement les lieux de production orientaux, conduisant ainsi aux Grandes Découvertes. Alors que l'Amérique ne fournit que deux produits nouveaux - le piment et la vanille -, le monopole des importations orientales est désormais assuré par les Portugais, puis par les Hollandais, installés en Inde ou dans les Moluques. Ces derniers exploitent des plantations de girofliers ou de canneliers dans leurs colonies, donnant à la production des épices une dimension industrielle.

C'est au moment où elles disposent enfin d'épices en abondance que les élites françaises s'en détournent : devenues trop bon marché et trop populaires, elles ne constituent plus désormais un signe de distinction sociale. À partir du XVIIe siècle, les livres de cuisine se réduisent à la gamme limitée qui est la nôtre, et les voyageurs français s'effraient des plats couverts de safran que goûtent Espagnols ou Polonais. Commence alors une longue désaffection, plus accentuée en France que dans les cuisines voisines, anglaise ou allemande, qui sont restées assez attachées aux épices.

Épinal (image d'),

illustration au caractère souvent naïf, créée à la fin du XVIIIe siècle dans l'imprimerie Pellerin, à Épinal, et devenue l'archétype de l'image populaire.

C'est Jean-Charles Pellerin (1756-1836) qui diversifie les activités de l'entreprise paternelle, dont la production se répand dans la France entière, grâce au colportage. Les estampes religieuses apparaissent les premières (vie de Jésus et de la Vierge, protection des saints et des saintes), et sont accompagnées de quelques lignes de texte (complainte, oraison). Puis sont repris les thèmes traditionnels de l'imagerie populaire : scènes de la vie conjugale et récits légendaires (les Quatre Fils Aymon, le Juif errant). Enfin, le catalogue s'enrichit de gravures militaires et historiques, notamment de celles consacrées aux batailles napoléoniennes, qui contribuent à la notoriété de l'entreprise.

Ces premières images sont imprimées sur papier vergé, à partir d'une gravure sur bois, et coloriées au pochoir. Les descendants du fondateur modernisent les techniques de fabrication (adoptions du papier mécanique, de la stéréotypie, puis, après 1850, de la lithographie), et mettent en place un réseau commercial qui s'étoffe non seulement en province mais aussi dans les colonies et à l'étranger, en Belgique, en Suisse et au Canada.

Tout au long du XIXe siècle, les changements politiques scandent la thématique : Louis XVIII, Louis-Philippe, les journées de 1848, le Second Empire, les présidents de la IIIe République, sont successivement mis en images. Néanmoins, ce sont les illustrations enfantines, parfois réalisées par de célèbres dessinateurs parisiens, tels Job, Benjamin Rabier ou Albert Robida, qui assurent à l'imagerie sa prospérité, dans la seconde moitié du XIXe siècle, avant de garantir sa survie. Leur composition est modifiée pour répondre aux besoins de la nouvelle clientèle : à la représentation unique succède une planche de 12 ou 16 vignettes qui permet d'illustrer un récit (contes de fées, histoires morales), rendu ainsi plus attrayant et plus accessible. La gamme des produits s'élargit avec les images à colorier, les constructions à découper et à coller (décors de théâtre), les soldats alignés... Dans les années 1880, l'association avec l'éditeur parisien Glucq donne naissance à des estampes ayant des visées pédagogiques (série encyclopédique « Glucq »), à des images de « réclame » et de propagande politique (pour les élections législatives de 1902). La guerre de 1914-1918 donne lieu à la création de nouvelles planches (exploits de soldats, atrocités allemandes), parmi lesquelles trois compositions du dessinateur alsacien Hansi. Après le conflit, l'imagerie spinalienne, de plus en plus concurrencée, amorce un lent déclin (sous l'Occupation, l'imagerie du maréchal Pétain est produite à Vichy et à Limoges). En 1985, un groupe d'industriels vosgiens assure le sauvetage de l'entreprise et d'un catalogue riche de plus de 7 500 titres.