Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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France (territoire de la). (suite)

Origines de la nation, origines de l'État.

• Se pose alors la question du véritable acte de naissance de la France. A l'extrême fin du Ve siècle, le baptême de Clovis, chef d'un État barbare mais allié à l'Église catholique, marque-t-il la fondation de la nation française ? Si oui, alors la France perd son statut d'État laïque. Le nier revient à occulter la symbolique de ce geste longtemps reconnu comme acte fondateur du royaume. Par opposition à la Germanie, hostile au pouvoir pontifical, la nation française se forge à partir de l'appartenance religieuse : elle est la terre d'élection des croisés, et le roi de France prend au XIIIe siècle le titre de « Roi Très-Chrétien ».

Faut-il plutôt dater de Charlemagne puis du traité de Verdun de 843 l'origine véritable de l'État français ? Sous Charlemagne, le terme Francia définit le vaste empire constitué par le fils de Pépin, à l'exception de l'Italie, qui reste un royaume séparé. C'est le partage au IXe siècle qui restreint ce concept. Cet acte définit le fondement non plus politique mais territorial de l'espace géographique dont la France actuelle est issue. La Francia occidentalis, héritage de Charles le Chauve, devient progressivement la Francia latina ou Francia gallica ou romana, par opposition à la Germanie. Ses limites sont définies par le Rhône, la Saône, la Meuse et l'Escaut. Elle se voit réserver progressivement le nom de France. La filiation est ensuite continue jusqu'à nos jours. Pour autant, ses frontières n'en sont pas moins mobiles.

L'émergence de l'unité nationale

Le mot et la chose.

• Le mot « France », employé dès le XIIe siècle, reste encore associé, au début du XIIIe siècle, à celui de royaume. C'est très progressivement que les habitants de ce royaume qu'ils appellent France commencent à le considérer comme leur pays. Le titre royal évolue insensiblement de rex Francorum (roi des Francs) à rex Franciae (roi de France), titre qui devient officiel en 1254. Néanmoins, le débat reste ouvert entre historiens pour déterminer la période où naît un véritable sentiment national. Sans doute, la guerre de Cent Ans marque-t-elle une étape importante de ce processus. L'idée de nation se précise au cours des siècles suivants, prenant tout son sens à la Révolution : Mirabeau déclare alors que « la nation assemblée ne peut recevoir d'ordres ».

La lente fixation des frontières.

• La France est définie en tant que nation avant de l'être par son territoire. Car, pendant plus de huit siècles, ses frontières demeurent mouvantes. Elles dessinent de nombreuses enclaves, entailles et redans. Au Moyen Âge et aux temps modernes, le concept de frontière naturelle a peu de sens. Le territoire, considéré comme une propriété domestique, évolue au gré des mariages, des héritages, en de multiples partitions soumises au jeu des alliances politiques. C'est seulement au XVIIe siècle que Vauban, le ministre de Louis XIV, invente l'idée de « pré carré », une France géographique qui répondrait aux nécessités stratégiques de l'État. Cette France idéale s'inscrit entre les mers, les montagnes et le Rhin, ces obstacles naturels favorisant sa défense. Les montagnes deviennent assez rapidement de véritables frontières naturelles, par le traité des Pyrénées en 1659, puis par le traité de Nimègue en 1678. La Franche-Comté est ainsi annexée, et la frontière fixée sur le haut Jura. En 1697, le traité de Ryswick arrête la frontière orientale de la France à la rive gauche du Rhin, les avant-postes de la rive droite étant perdus. L'Hexagone est ensuite complété en 1766 - à la mort du roi Stanislas Leszczynski, la Lorraine et le Barrois sont rattachés au royaume -, puis en 1860, lorsque la France reçoit la Savoie et le comté de Nice en échange de la reconnaissance de Victor Emmanuel comme roi d'Italie. Mais la figure géométrique emblématique du pays ne sera définitivement parfaite qu'après le retour dans le giron français de l'Alsace et de la Lorraine, perdues en 1870 et regagnées en 1918. Ces deux régions annexées sont devenues le symbole des « provinces perdues » et, sur les cartes de France, leur territoire est alors colorié en violet, couleur de deuil. La croix lorraine à double traverse, symbole patriotique de la province, devient l'emblème de la nation tout entière après la Seconde Guerre mondiale, quand la France libre du général de Gaulle fête sa victoire.

Diversité des territoires français

Unifiée beaucoup plus tôt que nombre des pays voisins européens, la France n'en a pas moins gardé une très grande diversité tant physique que culturelle, à laquelle se superposent des contrastes économiques et sociaux de plus en plus marqués.

Contrastes juridiques et socio-économiques.

• À la fin du XVIIIe siècle, le cadre territorial a plus ou moins atteint les limites des frontières actuelles. Pourtant, centralisée en droit, l'administration n'est pas uniforme. On est breton, béarnais ou provençal avant d'être français. Certaines lois ne s'appliquent qu'à certaines régions, les poids et les mesures changent de nom et de valeur selon les lieux, et des droits différents sont exigés sur la circulation des marchandises d'une région à l'autre. Les Français du Midi sont jugés selon un droit écrit, le droit romain, ceux du Nord, d'après plus de trois cents coutumes, droit coutumier d'origine germanique ! Les ethnogéographes décrivent également une multitude de contrastes encore visibles dans le paysage contemporain. Ainsi, en 1920, Jean Brunhes dessinait une carte des différents types de toits, mettant en évidence de grandes variétés architecturales entre les régions : toits à faibles pentes et à tuiles courbes du Midi, charpentes imposantes aux fortes pentes, toits recouverts de chaume, d'ardoises ou de tuiles plates typiques surtout du Nord, au-delà d'une ligne qui relierait le Poitou à la Bresse. Nombreuses sont les différences architecturales, grande aussi la diversité des techniques et des objets agricoles, aujourd'hui mis en valeur par les écomusées. L'habitat, qui traduit dans le paysage l'évolution économique et sociale locale, est lui-même un indice d'appartenance régionale hérité du bas Moyen Âge. Le système communautaire à champs ouverts et habitat groupé s'est développé dans les régions à vocation céréalière du Nord et du Nord-Est, tandis que les pays brumeux de la façade atlantique, favorables à l'herbe et donc à l'élevage, ont engendré un habitat dispersé dans un paysage cloisonné de bocage. L'openfield s'étend, mais reste encore l'apanage du Bassin parisien.