Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Brissot de Warville (Jacques Pierre Brissot, dit),

journaliste et homme politique (Chartres, Eure-et-Loir, 1754 - Paris 1793).

Chef le plus en vue des girondins pendant la Révolution et principal rival de Robespierre dans les premiers mois de la Convention.

Brissot est en 1789 un homme de lettres raté doté d'une mauvaise réputation. Personnage double, à la fois vertueux et intrigant, d'un caractère léger et confus donnant prise à ses adversaires politiques, ce fils d'un traiteur de Chartres connaît en effet des débuts peu brillants. En 1774, il abandonne le droit pour s'installer à Paris et satisfaire ses ambitions littéraires, ajoutant à son nom celui « de Warville » par anglomanie ; mais il ne parvient qu'à se compromettre dans la « Librairie clandestine ». Il fait cependant deux expériences journalistiques : il collabore de 1778 à 1783 au Courrier de l'Europe, journal franco-anglais, et fonde à Londres le Journal du lycée de Londres (1784-1785), qui est un échec. Défenseur de la liberté, il prend parti pour l'indépendance américaine, puis, en 1782, pour la révolution genevoise, rencontre en Suisse Mirabeau et, surtout, le banquier genevois Clavière, dont il devient l'ami. Si, en 1784, il est emprisonné pour dettes à Londres, puis embastillé à Paris pour des pamphlets contre la reine, et rapidement libéré en échange de renseignements sur les bas-fonds littéraires, son sort s'améliore dès sa sortie de prison : il participe alors aux affaires financières de Clavière, avec lequel il rédige un ouvrage sur les États-Unis, fonde une éphémère société gallo-américaine, puis, en 1788, la Société des amis des Noirs, qui combat l'esclavage dans les colonies, et se lie avec Sieyès, Condorcet ou encore La Fayette.

L'engagement révolutionnaire.

• Au cours d'un voyage aux États-Unis, il apprend la convocation des États généraux et rentre en France, mais ne peut se faire élire député. Cependant, le 6 mai 1789, il lance le Patriote français, journal bravant la censure, aussitôt interdit, puis relancé le 28 juillet, qui fait de lui un précurseur de la presse libre. Sa feuille, qui connaît un grand succès jusqu'au 2 juin 1793, défend l'égalité civique et la prépondérance du pouvoir législatif tout en s'opposant aux excès populaires. Membre de la Commune de Paris en juillet 1789 et du Comité de législation, il ne s'impose sur la scène politique qu'à l'été 1791, jouant après Varennes un rôle de premier plan dans le mouvement républicain ainsi qu'au Club des jacobins. Élu député, membre du Comité diplomatique, il dirige la politique étrangère de la Législative, dont il devient le leader de l'automne 1791 au printemps 1792, ses partisans étant alors dénommés « brissotins ». Sa politique belliciste fait l'unanimité, à l'exception de Robespierre. La guerre, qui doit selon Brissot affermir la Révolution en opposant le principe de la liberté universelle à celui du despotisme, est aussi une arme politique censée lui permettre de l'emporter sur ses adversaires royalistes et feuillants, et forcer le roi à prendre parti. Cette période, durant laquelle il apparaît comme le chef du parti girondin, marque son apogée, mais son étoile décline avec les premières défaites militaires, tandis que, soucieux de maintenir le ministère girondin, il se met en retrait du mouvement républicain et ne joue aucun rôle dans la chute de la monarchie le 10 août 1792. Réélu à la Convention, il s'y montre farouchement hostile à la démocratie directe et au mouvement populaire, dénonce avec virulence le pouvoir de la Commune et des sections de Paris. Il est exclu du Club des jacobins le 12 octobre 1792. Lors du procès du roi, il vote pour le sursis. Discrédité aux yeux d'une partie de l'opinion et compromis par la retentissante trahison de Dumouriez, avec lequel il est lié, il perd le long duel qui l'oppose à Robespierre, de l'automne 1792 au printemps 1793, pour le contrôle de la Convention. Décrété d'arrestation avec les principaux chefs girondins à la suite des journées des 31 mai et 2 juin 1793, il attire sur lui la vindicte du Tribunal révolutionnaire, qui l'accuse d'avoir voulu rétablir la monarchie, et meurt guillotiné le 31 octobre.

Broglie (Albert, duc de),

homme politique (Paris 1821 - id. 1901).

Descendant de Necker par Mme de Staël, fils d'un ministre de Louis-Philippe, incarnant un libéralisme aristocratique et catholique moins attaché aux Orléans qu'à la prépondérance des notables, il quitte la diplomatie pour ne pas servir Napoléon III, anime l'Union libérale avec Thiers, est député de l'Eure en 1871. Chef de la coalition conservatrice qui écarte Thiers en 1873, vice-président du Conseil de Mac-Mahon, il mène la politique de l'Ordre moral, pourchassant presse républicaine et enterrements civils, nommant tous les maires... Sachant une restauration légimitiste impossible, il veut proroger les pouvoirs de Mac-Mahon dans l'espoir de permettre le retour des Orléans après la mort du comte de Chambord, prétendant au trône. Pour y parvenir, il négocie avec les républicains et obtient une prolongation du mandat présidentiel pour sept ans (au lieu de dix, comme il espérait). Les légitimistes, trahis, se joignent aux républicains et aux bonapartistes pour le renverser en 1874. En 1875, il se prononce en faveur d'un Sénat représentant les notables mais doit encore négocier avec les républicains, qui s'allient ensuite aux légitimistes, et l'empêchent d'être sénateur inamovible. Élu sénateur de l'Eure, rappelé à la tête du gouvernement par Mac-Mahon après le 16 mai 1877, il ne peut empêcher les républicains de rester majoritaires malgré les mesures de répression.

Cet échec met fin à sa carrière politique. Son orléanisme, qui ne bénéficiait pas de vraies racines dans le pays, trop libéral pour les légitimistes, était trop violemment conservateur pour les républicains.

Broglie (Louis, prince, puis duc de),

physicien (Dieppe 1892 - Paris 1987).

Il est issu d'une illustre famille du Piémont établie en France depuis le XVIIe siècle. Après des études d'histoire, Louis de Broglie se tourne vers la physique, suivant l'exemple de son frère aîné, Maurice, secrétaire de la première conférence internationale de physique (Bruxelles, 1911). Le physicien Anatole Abragam a résumé, non sans humour, la découverte de Louis de Broglie : « On sait que le photon, qui est une onde, est aussi une particule ; pourquoi l'électron, qui est une particule, ne serait-il pas aussi une onde ? » La question de la nature corpusculaire - selon Newton - ou ondulatoire - selon Huygens et Maxwell - de la lumière constitue, en effet, l'un des problèmes essentiels de la physique à l'aube du XXe siècle. Einstein vient de démontrer la double nature - matière et rayonnement - de la lumière. En 1924, Louis de Broglie étend ce principe au domaine des particules matérielles. Son raisonnement est validé expérimentalement en 1927. Pour ces travaux, Louis de Broglie reçoit, en 1929, le prix Nobel de physique. Titulaire de la chaire de physique théorique de l'Institut Henri-Poincaré, membre de l'Académie des sciences en 1933, puis de l'Académie française en 1944, il poursuit ses études sur la mécanique ondulatoire, cherchant à concilier les implications probabilistes de ses découvertes et une théorie causale du comportement des particules. Avec Heisenberg, Pauli, Dirac, Schrödinger, etc., Louis de Broglie a permis grâce à une série d'observations et d'intuitions, l'élaboration d'une théorie solide et vérifiée : la mécanique quantique.