Marshall (plan), (suite)
La France est concernée au premier chef : son appareil productif est gravement endommagé ; par ailleurs, les pénuries entraînent des grèves et des troubles sociaux qui font craindre aux Américains un coup de force du Parti communiste. L'aide extérieure est donc indispensable pour assurer l'approvisionnement immédiat du pays en blé et matières premières (dès la fin de 1946, la France vit déjà de crédits américains). Elle est tout aussi nécessaire pour financer les objectifs du premier plan quinquennal de reconstruction et de modernisation (1947-1952). Une fraction de la classe politique - certains gaullistes et les communistes - s'y oppose pourtant, dénonçant le risque de vassalisation politique lié au soutien financier des États-Unis. Mais, pour l'opinion dans son ensemble, l'impératif économique l'em-porte sur toute considération idéologique. Telle est en particulier la position de Jean Monnet : l'aide américaine offre au pays les moyens de travailler - un répit pour apprendre à se passer de toute aide extérieure.
Les modalités.
• Le dispositif se met en place en avril 1948 : 16 pays d'Europe occidentale - l'URSS a décliné l'offre et entraîné ses satellites dans son refus - passent avec les États-Unis un contrat, par lequel chacun s'engage à améliorer sa situation économique et reçoit des subsides pour acheter des marchandises américaines. L'aide est constituée à 90 % de dons et à 10 % de prêts à faible taux. L'Organisation européenne de coopération économique (OECE), qui deviendra l'OCDE, regroupe les bénéficiaires et gère la répartition des crédits. En France, Jean Monnet fait admettre l'utilisation de l'aide dans le cadre du plan quinquennal. Entre 1948 et 1952, le pays reçoit 2 629 millions de dollars, soit 20,2 % des crédits globaux (mais 23,8 % des dons). Le gouvernement français est ainsi remercié de son engagement en faveur de l'Europe et de son attitude compréhensive face au relèvement allemand. Pendant la même période, les sommes allouées assurent 48 % des ressources du Fonds de modernisation et d'équipement (et 72 % pour la seule année 1949). La gestion par le Fonds de la contre-valeur en francs des dollars reçus permet à l'État d'orienter les investissements vers les secteurs jugés prioritaires, l'énergie et la sidérurgie en particulier.
Les implications politiques.
• L'aide Marshall donne donc un coup de fouet à l'investissement, assurant le succès du premier plan quinquennal, qui n'était pas solvable. Par la coopération économique qu'elle institue entre les démocraties occidentales, elle contribue à la construction européenne naissante. Elle permet en outre une libéralisation des échanges et une baisse des tarifs douaniers entre États. Mais, par le système d'alliance militaire venu tôt doubler le soutien financier, elle cristallise en Europe la politique des blocs : le pacte de Bruxelles de 1949, qui se transforme aussitôt en traité de l'Atlantique Nord, place en effet la sécurité de l'Europe sous tutelle américaine. Dans le contexte de la guerre froide, l'assistance économique s'est accompagnée d'un alignement politique.