Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

cathares. (suite)

L'histoire de la lutte contre le catharisme rencontre celle de l'intégration du midi de la France au royaume capétien. Après une seconde croisade royale, le comte de Toulouse Raimond VII capitule lors du traité de Paris (ou de Meaux) de 1229. Le meurtre de deux inquisiteurs à Avignonet, non loin de Toulouse, en 1242, fournit l'occasion d'une dernière expédition militaire du roi de France, qui aboutit à la prise du château de Montségur, sanctuaire spirituel et militaire du catharisme, et à la mise à mort des « parfaits » qui s'y trouvaient.

Le catharisme ne se termine pas dans les flammes du bûcher de Montségur le 17 mars 1244, comme une histoire dramatisée à outrance voudrait nous le faire croire. Dans le nord de la France, et en Albigeois, des foyers de catharisme demeurent, même s'ils sont progressivement circonscrits. À la fin du XIIIe siècle, un « renouveau cathare » se développe même dans les hautes vallées pyrénéennes du comté de Foix, comme à Montaillou, où, de 1317 à 1325, l'inquisiteur Jacques Fournier (futur pape d'Avignon, sous le nom de Benoît XII) traque les secrets des hérétiques. Mais il ne s'agit, en l'occurrence, que d'un phénomène résiduel : le catharisme, déjà insignifiant en 1300, disparaît complètement quelque trente ans plus tard.

Ce lent et progressif effacement doit évidemment beaucoup au travail impitoyable de l'Inquisition. La férocité de l'inquisiteur Robert le Bougre dans la France du Nord frappe les esprits, et, concernant le Midi, nombreux sont les témoignages d'hostilité à l'égard de l'Inquisition, qui, d'une certaine manière, contrarie l'autonomie urbaine dans cette région de consulats. Pourtant, on ne doit pas surestimer l'ampleur des persécutions. Si l'on prend l'exemple d'Albi, l'une des villes les plus soumises à l'action inquisitoriale, on constate que, de 1286 à 1329, 58 personnes seulement ont subi des peines afflictives, ce qui représente moins du quart de la population cathare albigeoise estimée à environ 250 croyants, à la fin du XIIIe siècle, sur 8 000 à 10 000 habitants.

La nouvelle pastorale et la reconquête des élites.

•  Sans doute l'Église n'a-t-elle pas conçu de contradiction entre la persécution et la persuasion ; en ayant développé la seconde, elle a œuvré, de manière plus efficace, à la reconquête des élites. En 1203, Innocent III envoie l'abbé de Cîteaux, Arnaud Amauri, en Languedoc. Mais la parole fulminante des cisterciens habités par un « christianisme de combat » n'entame en rien les convictions cathares. L'enracinement de l'hérésie dans les élites oblige l'Église à inventer ce que Jacques Le Goff a appelé une « parole nouvelle ».

Celle-ci est portée par saint Dominique, chanoine castillan fondateur de l'ordre des Frères prêcheurs, qui lance, en 1206, une grande campagne de prédication en Lauragais. Vivant dans l'humilité et dans l'ascèse, il se présente comme plus parfait que les « parfaits », ce qui ne l'empêche pas, au cours de controverses publiques, d'opposer aux cathares ses arguments théologiques. Alors que la parole cistercienne écrase et intimide, la parole dominicaine associe les fidèles, s'articule logiquement, et s'adresse à leur jugement. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le gothique méridional de la cathédrale d'Albi ou celui de l'église des Jacobins de Toulouse trouvent une expression architecturale à cette nouvelle pastorale : cet art antihérétique redouble d'austérité pour retourner contre les cathares ses arguments les plus forts. Grâce au volume ample et désencombré de la nef unique, la parole nouvelle peut se déployer triomphalement. Et la multiplication des chapelles au pourtour des églises permet aux élites urbaines, qui les financent et s'y font inhumer, d'exprimer avec force leur retour au sein de l'Église.

Qui veut trouver une cause essentielle à l'effacement du catharisme doit la chercher dans l'essor des ordres mendiants. En contrôlant l'Inquisition et en développant une pastorale mieux adaptée aux attentes des élites urbaines, les Frères prêcheurs sont les principaux protagonistes de cette évolution. Recrutant à la fois dans la noblesse et dans les nouvelles élites économiques, substituant à la contemplation mystique une liturgie de l'action, les ordres mendiants proposent une synthèse sociale qui, auparavant, était assumée par le catharisme.

D'une manière générale, la crise cathare a obligé l'Église à trouver des réponses aux nouvelles attentes spirituelles du XIIIe siècle. Contre le pessimisme cathare, la théologie positive - qui se développe, notamment, à partir de l'université de Toulouse - affirme la beauté du monde, et déploie une pensée naturaliste. Face à la tentation dualiste qui rejette la chair comme maudite, l'Église repose la question du corps, et prône avec vigueur un christianisme de l'Incarnation. Devant l'inquiétude des élites, la théologie dominicaine, notamment celle de saint Thomas d'Aquin, restreint le champ du péché en infléchissant la doctrine sur le prêt à intérêt vers des positions plus réalistes. La pastorale elle-même propose des voies nouvelles pour obtenir le salut : le purgatoire, la confession, les indulgences. Enfin, l'Église prend conscience d'un élément essentiel, que le catharisme avait révélé : une mutation dans la représentation de la « mort de soi ». Le sacrement du consolamentum a sans doute joué un rôle déterminant dans la séduction exercée par la foi cathare : ce rituel a offert un viatique profondément rassurant pour rejoindre l'au-delà. L'orthodoxie, qui travaille, à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, à l'encadrement et à la socialisation de la mort, en a tiré les leçons.

cathédrales.

La cathédrale est l'église de l'évêque, celle où il a son siège (cathedra). L'histoire de cet édifice se confond avec celle de la cité, dont il est, du moins au nord de la Loire, le monument le plus prestigieux et, fréquemment, le plus ancien.

L'oubli de sa signification et des symboliques que son décor déploie n'en a paradoxalement pas diminué le prestige. Aujourd'hui encore, et l'exemple de la récente construction de la cathédrale d'Évry le montre, le sentiment existe qu'il ne peut y avoir de ville véritable sans cathédrale.