Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lionne (Hugues de), (suite)

De noblesse dauphinoise, neveu d'Abel Servien, le secrétaire d'État à la Guerre, il travaille avec son oncle dès 1630. Remarqué par Mazarin, il devient son collaborateur, effectuant de nombreuses missions en Italie et participant aux négociations qui aboutissent aux traités de Westphalie et des Pyrénées (il est le rédacteur habile de celui-ci). Enfin, il est ministre d'État en 1659. Son intelligence, sa capacité de travail, son expérience, la recommandation de Mazarin, expliquent que Louis XIV lui pardonne son amitié avec Fouquet et force les Brienne à lui vendre, en 1663, la charge de secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Avec Le Tellier à la Guerre et Colbert aux Finances, Hugues de Lionne forme l'équipe de confiance du jeune roi. Il déploie son énergie et fait preuve de souplesse pour donner à la France de nouveaux alliés, au service de la politique de prestige voulue par Louis XIV - traités avec la Suède (1661), la Lorraine, l'Angleterre, les Provinces-Unies, le Danemark (1662) -, maintenant ainsi l'isolement espagnol. Lors de la guerre de Dévolution, il penche pour une paix rapide. Il cherche à désamorcer l'hostilité de l'empereur en proposant un partage secret des possessions espagnoles à la mort du roi d'Espagne Charles II. L'isolement des Provinces-Unies est sa dernière grande œuvre ; ce libertin meurt usé par le travail, alors que la guerre de Hollande va mettre à l'épreuve le réseau d'alliances qu'il a patiemment tissées.

lit de justice,

sous la monarchie d'Ancien Régime, séance solennelle du parlement présidée par le roi.

L'expression désigne à l'origine, au XIVe siècle, le mobilier (estrade, siège, dais et tentures fleurdelisées) mis en place lorsque le roi vient en parlement exercer son pouvoir judiciaire. Puis, à partir du XVIe siècle, elle désigne les séances solennelles où le roi vient en grande pompe manifester sa puissance souveraine. Le premier véritable lit de justice se tient ainsi en juillet 1527, quand François Ier, à l'occasion du procès du connétable de Bourbon, rappelle à l'ordre un parlement que la captivité du roi avait enhardi. Par la suite, le lit de justice devient l'un des principaux cérémonials d'État, où le roi associe le parlement à des décisions importantes, tout en signifiant sa prééminence et son monopole législatif. Ainsi, des « lits d'avènement » se tiennent, sans attendre le sacre, pour inaugurer le règne d'enfants rois et légitimer une régence (1610, 1643, 1715) ; ou encore des « lits de majorité », pour signifier la prise de pouvoir, au moins théorique, par un roi devenu majeur (1563, 1614, 1651, 1723).

En dehors de ces temps forts, les lits de justice sont un instrument de gouvernement qui permet au roi de passer outre les remontrances du parlement et d'imposer l'enregistrement d'ordonnances ou d'édits contestés. Cette procédure, fréquemment utilisée dans la première partie du XVIIe siècle, est suspendue sous Louis XIV, qui, en retirant au parlement son droit de remontrances, en supprime la raison d'être. Louis XV et Louis XVI lui redonnent de l'importance pour tenter de briser une opposition parlementaire qui essaie d'entraver les velléités réformatrices de la monarchie.

livre,

monnaie de compte en usage du VIIIe au XVIIIe siècle.

Tout comme le sou (ou sol), la livre, monnaie fictive non matérialisée par des pièces, demeure seule constante lorsque les multiples espèces métalliques changent de valeur selon leur teneur en or ou en argent, mais aussi au gré de la conjoncture économique et des flux de métal précieux. Charlemagne l'impose comme unité numérique après avoir substitué l'argent à l'or (781). Il renforce ainsi le denier d'argent, monnaie des rois francs, en décidant qu'il sera taillé 240 deniers par livre d'argent. Dès lors, la livre compte 20 sous, chaque sou comptant 12 deniers. Mais la livre varie selon la qualité des monnaies des nombreux ateliers monétaires, dont le monopole échappe aux Carolingiens. Pendant plusieurs siècles coexistent ainsi livres provinois, tournois et parisis. Et si, au XIIIe siècle, Louis IX adopte la livre tournois pour la comptabilité du royaume, celle-ci ne devient l'unique monnaie de compte qu'en 1667. En 1726, après des siècles de continuelles dévaluations de la monnaie métallique et suite à l'échec du système de Law, la valeur de la livre tournois est fixée à un peu moins de 4,5 g d'argent fin, valeur légèrement corrigée en 1785 et que l'on retrouve dans le franc germinal. Sous la Révolution, le franc devient l'unité monétaire légale (15 août 1795), mais la valeur des pièces d'Ancien Régime qui continuent de circuler reste définie par rapport à la livre. Ce n'est que sous le Consulat, avec la loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803) que le franc de 5 grammes d'argent remplace définitivement la livre tournois comme unité monétaire.

livre d'heures,

ouvrage de dévotion privée, très répandu à la fin du Moyen Âge, destiné aux laïcs.

La liturgie des heures appartient à la spiritualité traditionnelle des moines et des chanoines réguliers, qui se réunissent pour réciter les prières prescrites aux différentes heures canoniales de la journée (prime, laudes, tierce, sexte, none, vêpres, complies). À partir du XIIIe siècle, cette pratique est adoptée par un certain nombre de laïcs. Les livres d'heures sont alors créés pour répondre à cette demande spirituelle et remplacent progressivement les psautiers. Ils présentent le plus souvent trois ensembles de textes différents : un noyau principal invariant (calendrier, offices de la Vierge, psaumes pénitentiels, litanies de saints, office des morts et suffrages) ; des textes secondaires très souvent présents (fragments des Évangiles, Passion selon saint Jean, prières à la Vierge, dont l'Obsecro te, les heures de la Croix, celles du Saint-Esprit, ainsi que diverses autres prières) ; une partie qui varie selon la volonté des commanditaires, comprenant de nombreuses prières en latin ou en français. Les livres ainsi composés sont, après 1300, les plus répandus (on en compte plusieurs milliers d'exemplaires en France). Certains sont richement enluminés (les Très Riches Heures du duc de Berry, par exemple) et figurent dans les inventaires au même titre que les bijoux et l'orfévrerie. Comme en témoigne un poème d'Eustache Deschamps, l'acquisition d'un livre d'heures, richement décoré et bien relié, représente pour la femme d'un bourgeois le signe évident de la réussite.