site en forme de cuvette dans le nord du Viêt Nam, qui a été le théâtre d'une défaite décisive du corps expéditionnaire français face au Viêt-minh, le 7 mai 1954, prélude à la fin de la guerre d'Indochine.
Pour la France, la bataille de Diên Biên Phu apparaît à la fois comme le terme et le symbole d'une guerre de plus de sept ans, conflit mal engagé, mal conduit, qui a requis des moyens coûteux - et néanmoins insuffisants -, tôt mené sans espoir, tant l'issue inéluctable s'est vite imposée aux forces en présence : la victoire du Viêt-minh, et l'émancipation des colonies d'Extrême-Orient.
En 1953, l'objectif du chef de gouvernement, René Mayer, est de trouver pour les Français une « sortie honorable » du conflit. Le général Navarre, nommé commandant en chef en Indochine en mai, propose un plan pour verrouiller le delta du Tonkin, contenir le Viêt-minh (dont les forces sont commandées par le général Giap) au nord du 18e parallèle, et poursuivre la « pacification » dans le Sud. Ce plan, réaliste mais attentiste, s'avère désastreux pour le moral du corps expéditionnaire engagé dans une guerre généralement jugée ruineuse et impopulaire.
Un choix tactique malencontreux.
• L'armée française, exaspérée par l'attente, cherche l'occasion de porter un grand coup au Viêt-minh. Celui-ci, prenant la mesure de la menace, relance l'offensive au Laos, pour éloigner son adversaire de ses bases du delta : le 13 avril 1953, la chute de Sam Neua lui ouvre la route du Sud. Le général Navarre tombe dans le piège : il décide de livrer une bataille d'arrêt, qu'il veut décisive, et choisit d'installer un camp retranché, très bien équipé, à Diên Biên Phu, le 3 décembre. Le choix du site est récusé par certains experts qui se méfient de cette cuvette isolée, difficile à ravitailler, et bordée de collines où l'ennemi pourra s'abriter. Le commandement français passe outre, doutant de la capacité de Giap d'acheminer des moyens suffisants pour être vraiment menaçant. Le général vietnamien va déjouer ce pronostic : il a compris l'enjeu du combat, majeur pour négocier en position de force à Genève, où des pourparlers sont en cours. Il réussit l'exploit de faire transporter, à dos d'homme, l'ensemble de son artillerie autour de la cuvette, et fait creuser un réseau de tranchées qui permet à ses troupes de relier tous les points d'encerclement. Dès lors, le sort de la bataille est réglé. Noyés sous un déluge de feu, incapables d'enrayer l'avancée de l'adversaire, les soldats du corps expéditionnaire français (constitué de 17 nationalités) perdent une à une leurs positions. En outre, la mise hors d'usage du terrain d'aviation par les canons de Giap bloque leur ravitaillement. Sans l'aide des Anglais et des Américains, qui tablent désormais sur une issue négociée du conflit, les Français ne peuvent résister longtemps. Ils se rendent, le 7 mai 1954, après 57 jours de siège. La victoire est très coûteuse pour le Viêt-minh, dont les pertes s'élèvent à environ 8 000 morts. Sur les quelque 15 000 combattants engagés dans le camp français, on compte 3 000 morts, et près de 10 000 prisonniers, dont seuls 3 900 reviendront de captivité.
L'opinion publique française, tenue en haleine pendant toute la bataille, est abasourdie par la défaite, qui rencontre un retentissement énorme. Le gouvernement Laniel est renversé, et Pierre Mendès France, qui a stigmatisé la politique indochinoise de ses prédécesseurs, est investi, le 18 juin. En outre, la chute de Diên Biên Phu humilie l'armée, et nombre de ses membres en tiendront rancœur au régime. Elle porte donc un coup supplémentaire à la IVe République, contribuant à son affaiblissement. À Genève, les Vietnamiens gagnent leur indépendance. Le prestige de la France est atteint, notamment vis-à-vis des peuples des autres colonies : à Diên Biên Phu, le pays a perdu bien plus que la seule bataille rangée de l'histoire de la décolonisation.