Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Algérie (guerre d'). (suite)

Le retour au pouvoir du général de Gaulle, souhaité par les généraux Massu et Salan ainsi que par les comités de salut public d'Algérie, semble d'abord signifier la victoire définitive de la politique d'intégration (bien que le Général évite d'employer ce mot). Mais il substitue rapidement au dogme traditionnel de l'Algérie française le principe de l'autodétermination des habitants de l'Algérie. Implicitement, lors du référendum du 28 septembre 1958 ; puis explicitement, par le discours du 16 septembre 1959, dans lequel il promet aux Algériens qu'ils ont le choix pour leur avenir entre trois options : la « francisation », impliquant l'égalité totale des droits et des devoirs ; la « sécession, où certains croient trouver l'indépendance » dans la rupture totale avec la France ; et le statut d'État autonome associé à celle-ci dans la Communauté.

Cette troisième option, privilégiée par le président de la République, devient l'« Algérie algérienne », puis la « République algérienne », quand la Communauté franco-africaine se disloque durant l'été de 1960. Cette première victoire du FLN est incomplète, puisque de Gaulle refuse jusqu'en novembre 1960 de reconnaître en droit ou en fait le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), proclamé au Caire le 19 septembre 1958. Il invite le FLN à se reconvertir en un parti politique légal après avoir dissous l'ALN et livré ses armes. Au contraire, le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli en janvier 1960, adopte les institutions provisoires de l'État algérien et les statuts provisoires du FLN, parti révolutionnaire virtuellement unique. Pour sortir de l'impasse, de Gaulle se résigne, au début de l'année 1961, à renoncer à tout préalable pour discuter avec le seul FLN sur l'avenir de l'Algérie et des relations franco-algériennes (conformément aux suggestions des colloques juridiques organisés par les forces de gauche à Royaumont, Aix-en-Provence et Grenoble).

Après une longue et difficile négociation, plusieurs fois interrompue, les accords signés à Évian le 18 mars 1962 (suivis par le cessez-le-feu du 19 mars à midi) satisfont les revendications essentielles du FLN en préparant la formation, dans les six mois, d'un État souverain sur l'Algérie du Nord et le Sahara, coopérant avec la France et garantissant les droits des Français d'Algérie conformément à la proclamation du 31 octobre 1954. Mais la France ne reconnaît toujours pas le GPRA comme interlocuteur : elle conserve sa souveraineté sur l'Algérie et la responsabilité suprême du maintien de l'ordre jusqu'au référendum d'autodétermination qui doit ratifier les accords d'Évian et fonder l'État algérien le 1er juillet 1962.

Ainsi, plus de sept années de guerre ont obligé les gouvernements français à inverser leur politique de novembre 1954. Mais leur revirement a été plus lent et moins complet sur la légitimité du FLN que sur le droit de l'Algérie à l'indépendance.

En effet, dès le début de l'insurrection, le point faible du FLN a été sa prétention à représenter le peuple algérien sans l'avoir consulté. La proclamation du 31 octobre 1954 promet au peuple algérien et aux militants nationalistes qu'ils seront appelés à juger les organisateurs du soulèvement et se dit assurée de leur patriotisme, mais l'appel de l'ALN menace les indifférents et les traîtres. La volonté de rassembler tous les patriotes dans un parti unique se manifeste de plus en plus nettement à travers les programmes successifs du Front. Or le peuple algérien ne s'est pas rallié promptement et unanimement, pas plus que les partis nationalistes. Durant sa première année, le FLN a su attirer à lui plusieurs partis nationalistes considérés comme modérés : les centralistes de l'ex-MTLD, l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA) de Ferhat Abbas et l'Association des oulémas. Leurs représentants ont été admis par le congrès de la Soummam dans les instances dirigeantes du Front, et même à la présidence du GPRA (Ferhat Abbas de septembre 1958 à août 1961, puis le centraliste Ben Khedda). Mais la réalité du pouvoir appartient toujours aux chefs politico-militaires du FLN-ALN, anciens de l'OS. Le Parti communiste algérien (PCA, interdit en septembre 1955), après avoir tenté de participer pour son propre compte à l'insurrection, a intégré les membres de ses groupes armés dans l'ALN en juillet 1956, mais a refusé de se dissoudre dans le FLN. Le Mouvement national algérien (MNA), nouveau parti fondé par Messali Hadj après l'interdiction du MTLD, a essayé de se rallier les chefs du FLN, puis les a affrontés dans une sanglante guerre fratricide, en Algérie et en France, dont il est sorti vaincu.

Le peuple algérien ne s'est pas dressé comme un seul homme au premier appel du FLN-ALN, qui reconnaît avoir mis longtemps à « tirer le peuple de sa torpeur, sa peur, son scepticisme » (plate-forme du congrès de la Soummam). Il lui a fallu deux ans pour implanter sa hiérarchie politico-militaire dans toute l'Algérie du Nord et encadrer la majeure partie de ses habitants musulmans. Cependant, les réfractaires ont été nombreux, soit par loyalisme envers la France, soit par refus d'une autorité imposée par la menace ou la violence. Les autorités françaises en ont profité pour recruter de nombreux soldats ou supplétifs musulmans, et pour nier la représentativité des « rebelles ». Le nombre des premiers a toujours dépassé celui des seconds, et l'écart s'est creusé à partir de 1958, jusqu'à atteindre un rapport de 6 contre 1 au début de 1961 (210 000 contre 33 000 selon les archives militaires françaises). Mais il convient de lire ces chiffres, apparemment très favorables à la France, à la lumière de certains correctifs : pressions des autorités visant à compromettre et à engager le maximum de « Français musulmans », manque d'armes de l'ALN, qui ne pouvait de ce fait mobiliser toutes ses forces potentielles, pertes beaucoup plus fortes et renouvellement beaucoup plus rapide des effectifs de l'ALN (qui aurait totalisé 132 290 combattants de 1954 à 1962, ainsi que 204 458 dans l'organisation civile du FLN). Ainsi, les deux camps semblent avoir mobilisé un nombre de partisans comparable, ce qui dément leurs prétentions à représenter la masse du peuple algérien. Celui-ci a en fait été déchiré par une guerre civile inavouée.