Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

moustérien,

principale civilisation du paléolithique moyen, entre 200 000 ans et 35 000 ans avant notre ère.

En France, le terme « moustérien », du nom de l'abri du Moustier (Dordogne), désigne l'ensemble des outils, principalement en pierre, produits pendant presque tout le paléolithique moyen par l'homme de Néanderthal.

La réalisation de ces outils nécessite des aptitudes psychomotrices plus grandes que celles qu'avait Homo erectus au paléolithique inférieur (la période précédente). Néanmoins, l'évolution s'est faite sans rupture ; on retrouve dans le moustérien une partie des outils du paléolithique inférieur, notamment les bifaces. Cette complexité psychomotrice est révélée par les techniques de fabrication elles-mêmes et par le choix des matériaux. En effet, ce n'est plus l'outil qui est directement taillé par enlèvement d'éclats, mais ce sont les éclats qui deviennent les supports de l'outil, ce qui suppose une intention en deux étapes. L'une des techniques, dite « Levallois » (du nom de la commune des Hauts-de-Seine), consiste à préparer soigneusement le bloc de silex par une série d'enlèvements en laissant en relief l'éclat visé, qui sera finalement retiré. Vers la fin de la période, certains éclats prennent une forme plus régulière et allongée : il s'agit des « lames », fabriquées au moyen d'une technique plus systématique, qui se généralisera au paléolithique supérieur. Les matières premières utilisées sont également sélectionnées avec soin, et certains silex ont été retrouvés à près d'une centaine de kilomètres de leur source géologique.

L'outillage lui-même est plus varié. On voit apparaître les premières pointes, et donc les premières armes de jet, instruments d'une chasse plus efficace. On connaît aussi de larges racloirs, pour le travail des peaux et du bois. Étant donné la longue durée du moustérien, on a pu en isoler différents faciès : moustériens « de tradition acheuléenne » (avec une proportion importante de bifaces), « de type Quina », « à denticulés », « de type Ferrassie », « typique ». Ces faciès ne semblent correspondre ni à des périodes successives, ni à des activités particulières, mais renvoient sans doute à des traditions régionales, qui se sont vraisemblablement interpénétrées au cours du temps. De fait, il manque encore une périodisation interne détaillée du moustérien. En France, le moustérien fait place à la dernière culture liée à l'homme de Néanderthal, le châtelperronien.

Moustier (Le),

abri sous roche situé sur la commune de Peyzac-le-Moustier (Dordogne), et qui a donné son nom au moustérien, la principale civilisation du paléolithique moyen, pendant laquelle vivait l'homme de Néanderthal.

Le site du Moustier se compose en fait de deux abris superposés, creusés dans l'escarpement calcaire qui borde la rive droite de la Vézère. Le site classique, à partir duquel a été défini le moustérien, est l'abri supérieur, qui a été fouillé à partir de 1860, d'abord par les préhistoriens Christy et Édouard Lartet, puis par Denis Peyrony, mais dans les conditions de l'époque, ce qui interdit de comprendre le détail de l'organisation interne des campements. Cet abri a révélé, sur une hauteur d'environ 3 mètres, une succession d'une dizaine de couches géologiques, qui ont permis de reconnaître plusieurs des faciès du moustérien - un « moustérien de tradition acheuléenne », un « moustérien de type Quina », un « moustérien typique », ainsi qu'un « moustérien à denticulés » -, chacun étant caractérisé par des proportions différentes d'outils particuliers. L'occupation moustérienne semble se situer entre 60 000 ans et 40 000 ans avant notre ère ; elle est suivie d'une occupation au début du paléolithique supérieur. Les animaux chassés étaient notamment des chevaux, des bovidés et des cervidés. L'abri inférieur comportait environ 6 mètres de couches et les traces de plusieurs foyers indiquant qu'il fut habité pendant une longue période. Le squelette d'un adolescent néanderthalien y fut exhumé en 1909, dans des conditions rocambolesques, par l'antiquaire suisse Hauser, puis vendu au musée de Berlin, où il disparut pendant la dernière guerre, à l'exception du crâne.

Moyen Âge,

période de l'histoire européenne qui succède à l'Antiquité et précède l'époque moderne.

Le concept de « Moyen Âge ».

• Il s'est forgé lentement chez les humanistes et philologues italiens de la Renaissance, soucieux de retour à l'antique et fort sévères à l'égard de la période antérieure, jugée comme une parenthèse négative et sans intérêt. Le Moyen Âge est donc, à l'origine, une période intermédiaire entre une Antiquité valorisée et un retour à l'antique - qui l'est aussi. Le mot lui-même est inventé en Italie par nostalgie de la gloire de Rome et de la perfection classique. En France, il apparaît chez Nicolas de Clamanges (fin XIVe siècle), puis chez Robert Gaguin (fin XVe siècle), pour stigmatiser une période de barbarie et d'ignorance, mais, ici comme là, le concept ne s'applique à ses débuts qu'aux lettres et aux arts.

Du XVIe au XVIIIe siècle, l'idée de Moyen Âge se diffuse et se transforme pour devenir l'une des trois phases de l'histoire nationale (Antiquité, Moyen Âge, Renaissance ou modernité), cette articulation en trois périodes chassant progressivement la répartition en quatre monarchies ou en sept âges du monde. Au XVIIIe siècle, on en fait une périodisation valable pour toute l'histoire européenne, puis, au XIXe siècle, on tente d'acclimater l'idée à l'histoire universelle et aux autres continents.

Les limites chronologiques du millénaire médiéval.

• Faut-il faire commencer le Moyen Âge en 395 - quand éclate l'Empire romain unitaire - ou en 476 - quand Romulus Augustule est déposé par Odoacre ? Le haut Moyen Âge continue à bien des égards l'Antiquité. De même, faut-il marquer la fin de la période en 1300 (comme le font les Italiens), en 1453 (chute de Constantinople) ou en 1492 (découverte de l'Amérique) ? Par ailleurs, certains partisans d'un long Moyen Âge, tel l'historien Jacques Le Goff, plaident pour une longue durée qui s'étend jusqu'à la Révolution.