Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

salon, (suite)

Mondanité et philosophie.

• C'est au XVIIIe siècle que les salons connaissent leur apogée, jusqu'à s'identifier à l'image plus ou moins convenue, mais indéracinable, de la civilisation des Lumières. Le salon de Mme de Lambert (1647-1733), ouvert vers 1690, fréquenté par Fontenelle, Montesquieu, Marivaux, fait la transition entre les règnes de Louis XIV et de Louis XV. Mme de Tencin (1682-1749) prend sa succession. Un autre cercle célèbre, celui de Mme du Deffand (1697-1780), attire à partir de 1730 l'élite aristocratique de France et d'Europe, qui peut y côtoyer, à l'exception de Diderot, les plus brillants Philosophes, dont certains se partagent entre son salon et celui, plus modeste mais plus ouvert aux idées, de Mlle de Lespinasse (1732-1776). Si l'on y ajoute la riche Mme Geoffrin (1699-1777), qui recueille l'héritage du salon Tencin, Mme Necker (1739-1794) et Mme Lavoisier (tournée vers les sciences), on est tenté de conclure que les Lumières parachèvent l'intime liaison, apparue dès le XVIIsiècle, entre l'élite mondaine et les hommes de talent, par la médiation d'une hôtesse capable d'imprimer son style aux réunions. Reste qu'il y a aussi des hôtes masculins, tels Helvétius (1715-1771) et d'Holbach (1723-1789).

Derniers feux.

• Le salon est trop ancré dans la sociabilité pour ne pas renaître de la tourmente révolutionnaire (Mme Helvétius, Mme de Staël), mais il ne s'épanouit de nouveau véritablement qu'avec la Restauration (Mme Récamier, Mme Ancelot). Il semble que le salon du XIXe réduise - peut-être sous l'influence du modèle anglais - la prééminence féminine, et qu'il fasse place aux clivages politiques induits par les bouleversements constitutionnels successifs ; il semble également qu'il s'oriente, sous les noms de « cénacle », « réunion », « lundi », « mardi », etc., vers une convivialité plus étroite, plus privée, plus spécialisée, au service d'écoles ou de partis. Le salon trouve son chant du cygne avec Proust, et meurt sur la ligne Maginot. Toute tentative pour le faire renaître à la télévision dévoile impitoyablement qu'il est incompatible avec le narcissisme, l'emportement idéologique, l'avidité marchande, la rivalité professionnelle, poisons mortels de la conversation entendue, pendant plus de deux siècles, comme art élitaire de lier un commerce élégant sous l'égide des femmes.

Samory Touré,

conquérant et souverain africain (Manyambaladougou, Guinée, vers 1830 [1835 ?] - Ndjolé, Gabon, 1900).

Considéré comme un oppresseur sanglant par les colonisateurs, Samory Touré est un héros de la résistance anticoloniale pour la génération de l'indépendance.

De famille animiste, rattaché par sa mère à la puissante lignée des Kamaras, Samory est dioula (colporteur) comme son père, avant d'apprendre le métier des armes au service du clan musulman des Sisés. À partir de 1861, il devient chef de guerre au service de ses oncles. De l869 à 1881, il construit un empire qui favorise le développement du commerce entre le Haut-Niger et la colonie britannique de Sierra Leone. En 1881, à l'apogée de sa puissance, installé à Bissandougou, ayant conquis le centre islamique de Kankan et vaincu les Sisés, Samory prend le titre d'almany (de l'arabe imam, « celui qui dirige la prière ») et réorganise la société malinkée selon le droit musulman. Il se heurte alors aux Français, qui entreprennent la conquête du Soudan. Repoussé sur la rive droite du Niger, il signe deux traités, dont celui de Bissandougou en 1887 qui le laisse libre d'agrandir son empire vers l'est. Mais, alors qu'il assiège la ville senoufo de Sikasso, une grande révolte, favorisée par Gallieni, éclate dans son empire contre l'islamisation forcée de la société. À peine son autorité rétablie, il est attaqué par le colonel Archinard (1891). Contraint de fuir, il fonde un nouvel empire plus à l'est, mais doit bientôt affronter Français et Britanniques. Malgré plusieurs victoires, il fuit de nouveau en 1898, vers l'ouest cette fois. Capturé par la colonne du capitaine Gouraud, il est exilé au Gabon. Deux de ses fils mourront sous l'uniforme français, dont l'un en 1915 à Gallipoli sous les ordres de Gouraud.

Sanche Sanchez,

dit Mitarra (c'est-à-dire « le Sauvage »), premier duc gascon indépendant du pouvoir central franc (mort en 864).

Sanche Sanchez est le second fils du duc Sanche Loup, fidèle de l'empereur Louis le Pieux, qui meurt dans un combat contre les musulmans d'Espagne (816). Après la mort de son frère aîné (836), Sanche Sanchez reprend l'héritage paternel et impose son pouvoir en Gascogne. Dans les années 840, il est comte de Fézensac et, en 848, il porte pour la première fois le titre de duc. Il affermit son pouvoir sur la région en organisant la défense de la Gascogne contre les Normands qui remontent les vallées de la Garonne et de l'Adour (844, 848, 863-864) et en combattant les Sarrasins, au sud des Pyrénées (861). Indépendant de fait du pouvoir royal, il soutient d'abord la révolte de Pépin II d'Aquitaine, avant de le capturer et de le livrer à Charles le Chauve (852). Après sa mort, sa principauté est divisée entre ses cousins et ses neveux, et sa figure devient vite légendaire. La vie et l'action de Sanche Sanchez témoignent ainsi de l'affaiblissement du pouvoir royal et de l'apparition des premières principautés régionales au cours du IXe siècle.

Sand (Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George),

écrivain (Paris 1804 - Nohant, Indre, 1876).

George Sand s'impose comme la principale figure de femme de lettres dans la France du XIXe siècle. Elle tire de ses origines (qui la rattachent aux rois de Pologne par sa grand-mère, fille naturelle du maréchal de Saxe) et de son éducation (elle est élevée dans l'esprit des Lumières, puis dans l'aristocratique couvent des Dames anglaises, à Paris) une force de caractère et une originalité dont son autobiographie (Histoire de ma vie, 1854-1855) exaltera la singularité : mariée à 18 ans au baron Casimir Dudevant, mère de deux enfants - Maurice et Solange (nés respectivement en 1823 et en 1828) -, elle devient une figure de la vie intellectuelle, à la double destinée de femme libre et d'écrivain. Affichant sa liaison avec Jules Sandeau (été 1830), elle revendique hautement les droits de la passion, établit, à Paris et à Nohant, les bases de son indépendance matérielle, prend part à l'effervescence créatrice et affective du premier romantisme et se sépare définitivement de son mari, en 1836. Elle connaît alors des amours orageuses avec Musset (voyage à Venise, 1833-1834), des liaisons avec Michel de Bourges, Charles Didier et Chopin, des amitiés ferventes avec Marie Dorval et Marie d'Agoult, Delacroix et Flaubert ; mais elle est aussi poursuivie de tenaces haines littéraires (Baudelaire, Barbey d'Aurevilly).