salon, (suite)
Mondanité et philosophie.
• C'est au XVIIIe siècle que les salons connaissent leur apogée, jusqu'à s'identifier à l'image plus ou moins convenue, mais indéracinable, de la civilisation des Lumières. Le salon de Mme de Lambert (1647-1733), ouvert vers 1690, fréquenté par Fontenelle, Montesquieu, Marivaux, fait la transition entre les règnes de Louis XIV et de Louis XV. Mme de Tencin (1682-1749) prend sa succession. Un autre cercle célèbre, celui de Mme du Deffand (1697-1780), attire à partir de 1730 l'élite aristocratique de France et d'Europe, qui peut y côtoyer, à l'exception de Diderot, les plus brillants Philosophes, dont certains se partagent entre son salon et celui, plus modeste mais plus ouvert aux idées, de Mlle de Lespinasse (1732-1776). Si l'on y ajoute la riche Mme Geoffrin (1699-1777), qui recueille l'héritage du salon Tencin, Mme Necker (1739-1794) et Mme Lavoisier (tournée vers les sciences), on est tenté de conclure que les Lumières parachèvent l'intime liaison, apparue dès le XVIIe siècle, entre l'élite mondaine et les hommes de talent, par la médiation d'une hôtesse capable d'imprimer son style aux réunions. Reste qu'il y a aussi des hôtes masculins, tels Helvétius (1715-1771) et d'Holbach (1723-1789).
Derniers feux.
• Le salon est trop ancré dans la sociabilité pour ne pas renaître de la tourmente révolutionnaire (Mme Helvétius, Mme de Staël), mais il ne s'épanouit de nouveau véritablement qu'avec la Restauration (Mme Récamier, Mme Ancelot). Il semble que le salon du XIXe réduise - peut-être sous l'influence du modèle anglais - la prééminence féminine, et qu'il fasse place aux clivages politiques induits par les bouleversements constitutionnels successifs ; il semble également qu'il s'oriente, sous les noms de « cénacle », « réunion », « lundi », « mardi », etc., vers une convivialité plus étroite, plus privée, plus spécialisée, au service d'écoles ou de partis. Le salon trouve son chant du cygne avec Proust, et meurt sur la ligne Maginot. Toute tentative pour le faire renaître à la télévision dévoile impitoyablement qu'il est incompatible avec le narcissisme, l'emportement idéologique, l'avidité marchande, la rivalité professionnelle, poisons mortels de la conversation entendue, pendant plus de deux siècles, comme art élitaire de lier un commerce élégant sous l'égide des femmes.