Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Louis XI (suite)

Bien que Louis XI n'ait pu éviter l'installation des Habsbourg aux portes du royaume de France, le bilan de son œuvre territoriale est considérable. Le Roussillon et la Cerdagne sont réunis au royaume en 1475, le Maine et la Provence en 1481. À l'exception de la Bretagne, l'autorité royale s'étend sur la totalité du royaume. Toutes ces années d'efforts soutenus ont usé la santé du roi, qui est victime d'attaques à partir de 1479 et se retire de plus en plus fréquemment à Plessis-lez-Tours, au cœur de la Touraine. Dans une atmosphère de superstition dévote, en proie à la crainte obsessionnelle du complot, il meurt d'une crise d'apoplexie le 9 avril 1483.

Grandeurs d'un règne controversé

Malmené dès son vivant par plus d'un chroniqueur, Louis XI n'a pas plus tôt disparu que sa mémoire est conspuée d'une manière à peu près unanime : « Fourbe insigne connu d'ici jusqu'aux Enfers,/ Abominable tyran d'un peuple admirable », écrit l'évêque Thomas Basin dans son Histoire de Louis XI. Une légende noire ne tarde pas à se répandre, que cristallisera quelques siècles plus tard un imaginaire romantique friand de figures méphistophéliques. Les historiens contemporains se sont dépris de cette vision affective pour s'intéresser à la dynamique d'un règne situé à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance. Héritier d'un royaume médiéval que le système de la féodalité condamne à d'inquiétants mouvements centrifuges, Louis XI laisse à ses successeurs un État en voie de centralisation. Toute son action procède d'une volonté d'harmonisation politique et institutionnelle, qui ne recule certes pas devant la tentation autocratique. À l'encontre d'une noblesse qui multiplie rébellions individuelles, coalitions et trahisons, il use de sanctions impitoyables - exécutions (duc de Nemours, connétable de Saint-Pol) ou emprisonnements à vie (duc d'Alençon). Les corps intermédiaires sont soumis à la volonté d'un roi qui entend juger et trancher seul les questions publiques : s'il crée de nouveaux parlements à Bordeaux, Dijon et Perpignan, il n'hésite pas à retirer aux assemblées locales des affaires que son propre Conseil règle sans appel ; quant aux états généraux, ils ne sont convoqués qu'une fois, en 1468, et dans le seul but d'entériner l'action du roi contre les féodaux. L'Église elle-même n'échappe pas à cette étroite subordination : imposant lui-même ses candidats aux évêchés, le roi exige des prélats qu'ils se fassent les instruments dociles de sa politique. Processus long, obscur et sinueux, la centralisation qui s'amorce ne peut guère se mesurer qu'à l'échelle des siècles. Louis XI n'en perçoit pas moins l'enjeu fondamental, avec l'acuité toute pragmatique qui le caractérise : la puissance de l'État doit s'imposer à la société et en pénétrer toutes les articulations, sous peine de laisser subsister une mosaïque d'archaïsmes et de turbulences. Moderne, Louis XI l'est également par sa remarquable compréhension des évolutions sociales et économiques : ses nombreuses tournées d'inspection dans les villes et les campagnes françaises lui permettent de prendre la mesure concrète des ressources et des pesanteurs du royaume. Assurant la promotion de la bourgeoisie - au sein de laquelle il recrute les officiers royaux -, son action politique s'appuie sur un essor économique dont les activités nouvelles (soierie, imprimerie) et les foires (Lyon, Caen, Rouen) sont les vecteurs prépondérants. Louis XI a d'ailleurs l'habileté, dans sa lutte contre le Téméraire, d'ajouter la dimension économique à la guerre et à la diplomatie : le blocus infligé aux Flamands entraîne une diminution substantielle des revenus de la maison de Bourgogne, et n'est pas un facteur négligeable de sa ruine.

S'arrachant à la psychologie désuète et aux clichés réprobateurs, l'historiographie récente assigne désormais à Louis XI une place essentielle dans la dynamique de modernisation du royaume : la figure du fourbe de mélodrame s'est à peu près estompée. Cet infléchissement de perspective ne saurait, pour autant, faire oublier l'extraordinaire tempérament d'un souverain qui échappe à nos rationalisations : esprit infatigable, avide de comprendre et de transformer son temps, tacticien subtil, il est aussi ce monarque terrorisé par la mort, couvert de reliques et cherchant névrotiquement à fléchir le Ciel. Celui dont la ténacité politique entendait se soustraire aux canons de la morale traditionnelle est le même qui s'enferme, au soir de sa vie, dans une foi frileusement idolâtre. Incarnation complexe d'un âge où se redessinent les rapports de l'homme et du monde, Louis XI n'est-il pas, indissociablement, le dernier souverain médiéval et le premier « prince » de la Renaissance ?

Louis XII,

roi de France de 1498 à 1515 (Blois 1462 - Paris 1515).

Fils du duc et poète Charles d'Orléans et de Marie de Clèves, Louis est longtemps un facteur de dissensions dans le royaume. En effet, les Orléans, premiers des princes du sang, sont les traditionnels rivaux de la famille régnante des Valois.

Un esprit rebelle.

• Pendant presque dix ans, Louis va défier l'autorité royale. En 1482, il complote avec le duc de Bretagne François II et, en 1485, s'élève contre le gouvernement de la régente Anne de Beaujeu, en tant que lieutenant général de l'Île-de-France. Au cours des deux années suivantes, il prend les armes à plusieurs reprises contre le jeune roi Charles VIII, mais finit à chaque fois par se soumettre. Le 28 juillet 1488, alors qu'il combat aux côtés des Bretons dans la guerre qui les oppose au roi, il est fait prisonnier à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier ; il ne sera libéré qu'en juin 1491. En 1495, dans le cadre des guerres d'Italie, il décide, non sans audace, de conquérir la cité lombarde de Novare. Ce faisant, il sert le roi, ennemi des Milanais, mais agit aussi pour son propre compte, car il estime que le duché de Milan lui revient légitimement, en tant que dernier descendant des Visconti. Assiégée dans Novare de juillet à septembre, son armée est sauvée par la paix de Verceil, qui permet à Louis de regagner la France... tout en l'obligeant à renoncer à déposer le duc de Milan. Cependant, la mort du dauphin de France quelques mois plus tard fait du duc d'Orléans l'héritier présomptif du trône : il y accède le 7 avril 1498, quand Charles VIII meurt accidentellement, à l'âge de 27 ans.