Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

féminisme.

Quand, en 1882, Hubertine Auclert, suffragette avant l'heure, utilise l'adjectif « féministe » pour désigner ceux qui se battent à ses côtés, elle lui attribue un sens nouveau, qu'il a conservé depuis.

Ce terme et le substantif correspondant désignent alors le courant de pensée qui postule l'égalité entre hommes et femmes, et réclame le respect de ce principe dans des domaines plus ou moins étendus. L'emploi rétrospectif de « féministe » est aujourd'hui discuté. Toujours est-il que, depuis l'Antiquité, la polémique est engagée à propos de la nature féminine et des rôles que chacun des sexes doit jouer dans la société. L'idée d'égalité des sexes a déjà ses défenseurs au début du XVe siècle, avec Christine de Pisan, femme de lettres qui s'oppose aux auteurs du Roman de la Rosele Deuxième Sexe (1949), de Simone de Beauvoir. La libération de toutes les entraves à l'épanouissement individuel, y compris de celles qui pèsent sur la sexualité féminine, est à l'ordre du jour. Les droits à l'avortement et à la contraception, la dénonciation du viol comme crime, comptent parmi les principaux acquis. La critique féministe, qui s'attache à dénoncer les effets du sexisme dans la société française, se porte aujourd'hui plus nettement sur la vie politique.

FEN (Fédération de l'Éducation nationale),

organisation regroupant plusieurs syndicats enseignants, qui succède, en 1946, à la Fédération générale de l'enseignement.

Elle défend l'école républicaine et la laïcité, et syndique enseignants, ainsi que personnels administratifs et techniques de l'Éducation nationale. Membre de la CGT, elle acquiert son indépendance lors de la scission syndicale de 1948, mais accepte en son sein des tendances organisées : le Syndicat national des instituteurs (SNI), dominé par Unité, indépendance et démocratie (UID), est proche des socialistes ; le Syndicat national des enseignants du second degré (SNES) et le SNESup (enseignants du supérieur), dirigés après 1967 par Unité et Action (UA), sont proches des communistes ; quant à la sensibilité trotskiste et syndicaliste révolutionnaire, elle s'exprime dans École émancipée. À ces courants s'ajoutent des rivalités entre professeurs et instituteurs, qui s'opposent sur la politique salariale ou sur la pédagogie. UID, maîtresse du SNI, syndicat le plus nombreux, contrôle la direction de la Fédération. Partenaire des pouvoirs publics, la FEN négocie la politique contractuelle, s'appuyant sur la Mutuelle générale de l'Éducation nationale (MGEN), et soutenant la Fédération des conseils de parents d'Élèves (FCPE).

Après l'arrivée de la gauche au pouvoir, Alain Savary, ministre de l'Éducation nationale, applique une politique de rigueur salariale, et retire, en 1984, son projet de service public unifié, défendu par la FEN. Au même moment, l'augmentation du nombre des professeurs, liée à l'objectif d'amener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat, accroît les possibilités de syndicalisation du SNES, le SNI risquant de perdre la direction de la FEN. La rivalité syndicale se fait plus âpre. Le secrétaire général de la FEN propose un corps enseignant unifié, de la maternelle à la terminale, pour étoffer la « clientèle » du SNI et enrayer la progression du SNES, mais c'est un échec, tout comme la revalorisation salariale. La seule réussite, la création des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), qui forment professeurs et instituteurs, ne suffit pas à faire taire les critiques du SNES. En 1992, le nouveau secrétaire général, Guy Le Néouannic, précipite la crise : le SNES est exclu de la FEN avec le SNEP (éducation physique), et fonde la Fédération syndicales unitaire (FSU), tandis que le SNI modifie ses statuts pour pouvoir syndiquer tous les enseignants. En 1994, la FEN, qui comptait 550 000 adhérents en 1978, ne réunit plus que 220 000 membres ; elle n'a pas réussi à s'implanter auprès des professeurs de lycée. L'unité syndicale des enseignants a vécu ; elle ne constitue plus un enjeu politique. En 2000, elle devient l'UNSA-Éducation, rejoignant ainsi une structure de syndicats autonomes interprofessionnels.

Fénelon (François de Salignac de La Mothe),

archevêque et écrivain (château de Fénelon, Périgord, 1651 - Cambrai 1715).

D'ascendance aristocratique ancienne, Fénelon trouve dans sa famille des appuis qui permettront à sa vocation sacerdotale de se doubler d'une carrière ecclésiastique.

L'ascension.

• Fénelon étudie auprès de son oncle, l'évêque de Sarlat, qui fait de lui un chanoine de sa cathédrale (1671), et lui confère le sacrement de l'ordre (1677). Un autre oncle, marquis, lui assure à Paris un premier réseau de relations mondaines et dévotes. Pendant trois ans, Fénelon exerce le ministère paroissial à Saint-Sulpice, puis est nommé, en 1679, supérieur des Nouvelles Catholiques, congrégation fondée pour conduire de jeunes protestantes à la foi catholique. Il participe d'ailleurs directement, après la révocation de l'édit de Nantes (1685), à l'entreprise de conversion des réformés ; son refus de la contrainte et la « douceur » de sa prédication lui valent de notables succès. Dans ces mêmes années 1680, l'abbé Fénelon, déférent ami de Bossuet, devient directeur de conscience des gendres de Colbert, les ducs de Beauvillier et de Chevreuse. C'est à l'intention de Mme de Beauvillier qu'il écrit son traité De l'éducation des filles (1687), où un ton nouveau se fait entendre : « Laissez donc jouer un enfant, et mêlez l'instruction avec le plaisir ; que la sagesse ne se montre à lui que par intervalles et avec un visage riant. » Soutenu par les cercles dévots de la cour, notamment par Mme de Maintenon, Fénelon est choisi en 1689 pour être le précepteur du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV et fils du Grand Dauphin. Son ascension culmine avec sa nomination, en 1695, à l'archevêché de Cambrai. Mais la rupture s'annonce.

La disgrâce.

• Fénelon est hostile à la politique guerrière du roi, qui plonge le pays dans la misère (Lettre à Louis XIV, 1693), et, surtout, il éveille la suspicion de Mme de Maintenon et de Bossuet, en raison de l'aval qu'il donne aux thèses de Jeanne Guyon. Celle-ci, apôtre - aventurière, peut-être - de la vie mystique, prône une oraison de quiétude, dans laquelle on « repose » passivement en Dieu : une telle attitude ne risque-t-elle pas de détourner le chrétien de l'effort personnel nécessaire à sa vie morale et spirituelle ? Pour Bossuet, elle paraît, en tout cas, renouveler l'hérésie du quiétisme, récemment condamnée par le Saint-Siège. Fénelon a beau se justifier, le roi prend le parti de Bossuet : l'archevêque de Cambrai doit se retirer dans son diocèse. Une réprobation pontificale, aussi légère que possible, l'y atteint en 1699, l'année même où commence à paraître l'ouvrage qui lui vaudra la gloire en même temps que la perpétuation de son exil, les Aventures de Télémaque. Ce chef-d'œuvre du roman d'apprentissage, écrit des années auparavant pour le duc de Bourgogne, fait parcourir la Méditerranée antique au fils d'Ulysse, pour son éducation politique, morale et religieuse. Jusqu'en 1914, Télémaque sera l'un des ouvrages les plus lus de toute la littérature. Dans son diocèse, pourtant, Fénelon ne songe à rien moins qu'à une carrière littéraire. Il est accaparé par ses tâches pastorales et par ses projets de réforme politique (Tables de Chaulnes, 1711), qui vont dans le sens d'un « socialisme » agrarien imposé par une aristocratie chrétienne, elle-même présidée par le roi. Mais le duc de Bourgogne, sensible aux idées de son ancien précepteur, meurt en 1712, avant d'avoir pu accéder au trône. Fénelon décède trois ans plus tard, après avoir employé ses dernières forces à lutter contre le jansénisme et à rédiger son testament littéraire sous la forme d'une Lettre à l'Académie (1714) consacrée à la rhétorique et à la poétique.