Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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François Ier. (suite)

Décidé à entreprendre une nouvelle guerre en Italie, le roi doit en même temps faire face aux conséquences de la controverse juridique très féodale concernant l'héritage de Suzanne de Bourbon, morte le 28 avril 1521, qui l'oppose au plus puissant de ses vassaux, le connétable Charles de Bourbon. Durant l'été 1523, ce dernier prend le parti de l'empereur ; en septembre, il fuit la France, avant de prendre la tête d'une armée qui envahit la Provence en juillet 1524. Toutefois, la résistance de Marseille le contraint à battre en retraite. Le royaume est alors épuisé financièrement après un semestre d'incertitudes, la chute du roi ne semblant pas impossible. Pourtant, contre toute attente, François Ier décide de confier la régence à sa mère et de poursuivre l'armée impériale. Conduisant ses troupes à marche forcée vers la Lombardie, il reprend Milan le 26 octobre, puis met le siège devant Pavie, qui résiste, permettant ainsi aux Impériaux de reconstituer leurs forces et d'attaquer. Dans la nuit du 23 au 24 février 1525, les arquebusiers espagnols déciment la lourde cavalerie française : il s'ensuit un véritable massacre dans les rangs des fantassins mais aussi de la noblesse du royaume. Le roi lui-même est fait prisonnier, et peut écrire à Louise de Savoie au soir du combat : « De toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie qui est saulve. »

Heureusement pour François Ier, Louise de Savoie, bien secondée par le chancelier Duprat, réussit à maintenir la cohésion du pays - le parlement, les « bonnes villes » et les grands seigneurs soutenant la régente - puis à réorganiser l'armée et à engager d'habiles tractations diplomatiques en jouant de l'inquiétude que fait naître la puissance de Charles Quint. Pendant ce temps, le roi demande à être conduit d'Italie en Espagne, où, après des négociations acharnées, le traité de Madrid est signé le 14 janvier 1526 : en échange de sa libération, François accepte de céder, outre ses droits sur Milan et Naples, le duché de Bourgogne, ainsi que plusieurs villes de l'Artois et Tournai ; ultime humiliation, il promet la réhabilitation de Charles de Bourbon et de ses complices. Comme garantie du respect de toutes ces clauses, Charles obtient aussi que lui soient livrés les deux fils aînés du souverain. Toutefois, à peine libéré, François Ier met sur pied une ligue anti-impériale - avec le pape, avec Francesco Sforza, duc de Milan, et avec Venise -, qui constitue un moyen de pression pour faire libérer ses enfants sans rendre la Bourgogne. Par ailleurs, peu après, il se fait délier de son serment par une assemblée de notables : les engagements de la personne royale s'effacent devant les devoirs sacrés du souverain. À la suite du sac de Rome par les Impériaux en mai 1527, il envoie même une nouvelle armée en Italie, sous le commandement de Lautrec. Mais celle-ci, après des victoires éphémères en Lombardie, connaît une déroute pendant l'été 1528, devant Naples. À l'issue d'autres défaites au cours de l'année suivante dans le nord de la Péninsule, l'heure est aux négociations : de longues tractations se concluent à Cambrai en juillet 1529. Signée au début du mois d'août par Louise de Savoie et Marguerite de Habsbourg, la « paix des Dames » reprend, pour l'essentiel, les clauses du traité de Madrid, à l'exception de la cession de la Bourgogne mais avec, en sus, de très lourds engagements financiers qui vont grever un budget français déjà mis à mal. La confirmation du futur mariage - prévu également à Madrid - de François, veuf depuis 1524, avec Éléonore de Habsbourg, sœur de l'empereur, scelle cette nouvelle paix.

Le gouvernement du royaume

Les guerres quasi continuelles et les traités onéreux acceptés par François Ier contraignent l'administration royale à faire preuve d'une efficacité grandissante, en particulier dans le domaine des finances. Néanmoins, si les levées d'argent sont très importantes tout au long de ces trois décennies, et si l'on a recours régulièrement à des impôts extraordinaires ou à des ventes d'offices, la pression fiscale ne semble pas croître plus rapidement que sous les règnes précédents. Au prix, toutefois, d'une croissance exponentielle de la dette, et d'une série d'emprunts plus ou moins forcés auprès des « bonnes villes » (d'où, par contre coup, la multiplication des taxes locales). Au milieu des années 1520, est lancée une série d'enquêtes concernant les gens de finance : après la défaite de Pavie, ils deviennent les boucs émissaires idéaux, responsables de la déroute, et le baron de Semblançay, le premier d'entre eux, est même condamné à mort sans grand motif, en août 1527. La commission de la Tour carrée est créée, en novembre 1527, pour engager ces poursuites : plus d'une centaine de procès donnent lieu à des condamnations et à des confiscations de biens, qui sont une source de revenus non négligeable. La situation financière catastrophique incite aussi les proches de François et de Louise de Savoie à favoriser une centralisation relative de la levée des impôts et, surtout, une rationalisation de la gestion de la trésorerie, pour mieux contrôler les dépenses. La création de la charge de trésorier de l'épargne en 1523 réduit ainsi progressivement le pouvoir des généraux des finances des grandes provinces, tout comme celui des anciens trésoriers de France. Une nouvelle réforme, en février 1532, fixe le siège de l'épargne au Louvre et y fait verser tous les revenus royaux.

Les réformes en matière de justice et d'armée sont moins importantes. Les premières peuvent être essentiellement rapportées à l'édit de Villers-Cotterêts (août 1539) : souvent rappelé au nom de la seule clause sur l'obligation d'utiliser le français dans les actes officiels, ce texte comporte en fait près de deux cents clauses, qui, entre autres, réglementent l'état civil paroissial, réforment les procédures judiciaires et suppriment les confraternités. Mais il est bien difficile d'évaluer le degré d'application d'une telle ordonnance royale. Quant aux réformes de l'armée, elles se réduisent avant tout à la tentative avortée de création d'une infanterie française permanente, conformément à l'édit sur les légions du 24 juillet 1534 : leur manque d'efficacité en temps de guerre fait toutefois délaisser peu à peu cette ambitieuse réorganisation.