Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Richelieu (Armand Jean du Plessis, duc de), (suite)

Après le « grand orage » de 1630, le Cardinal eut les mains plus libres pour conduire sa politique, qui s'orientait vers une intervention diplomatique et militaire en Europe : la France soutint financièrement l'offensive de Gustave-Adolphe de Suède, intervint contre le duc de Lorraine, conclut des alliances avec le duc de Bavière et les Hollandais. Finalement, le roi de France déclara la guerre aux autorités espagnoles le 19 mai 1635. Désormais, la conduite du conflit - financement des armées, choix stratégiques, négociations diplomatiques - occupa le Cardinal, qui s'entoura de collaborateurs talentueux, dont le Père Joseph puis Mazarin pour les Affaires étrangères.

Le début de la guerre fut marqué par des campagnes qui échouèrent et par une profonde incursion des armées espagnoles dans le royaume : la prise de Corbie (1636), ville située à 120 kilomètres de Paris, effraya la population de la capitale. La pression fiscale qu'exigeait la poursuite des hostilités suscita en outre des révoltes populaires : en 1636-1637, les « croquants » se soulevèrent dans les villes de Guyenne, et il fallut une petite armée pour venir à bout des insurgés ; en 1639, les « nu-pieds » se révoltèrent autour d'Avranches, et là encore la répression fut terrible.

En 1641, le gouvernement dut affronter le comte de Soissons, un prince du sang qui entra dans le royaume avec une petite armée, fut victorieux, mais trouva la mort par accident sur le champ de bataille. En 1642, Richelieu fut encore la cible de la conjuration menée par Cinq-Mars. Ce favori du roi envisageait de faire un coup d'État contre le principal ministre, avec le soutien de l'Espagne. Le jeune homme se laissa entraîner jusqu'à signer un traité, dont Richelieu obtint une copie qui lui permit de convaincre le roi de cette trahison. Cinq-Mars fut arrêté, jugé, exécuté. Les opposants de l'intérieur trouvaient de l'aide chez les ennemis : Richelieu parvint à neutraliser les premiers pour poursuivre la guerre contre les seconds. Le 4 décembre 1642, le Cardinal s'éteignait alors qu'une victoire française semblait possible.

L'héritage.

• S'il se faisait craindre, Richelieu était aussi soucieux d'être bien informé et il chercha à convaincre. Pour cela, il encouragea la création de la Gazette de Théophraste Renaudot (1631), un périodique d'information au service de l'État. Il s'efforça également de gagner la confiance des hommes de lettres par la création de l'Académie française (1635). Il s'intéressa au théâtre, auquel il accorda un appui financier, et participa lui-même à l'élaboration d'œuvres dramatiques. Ainsi, sa propre réflexion politique se nourrissait au contact des écrivains, dont certains l'aidèrent à formuler ses idées et à les faire accepter.

Richelieu pensait, comme les hommes de son temps, qu'un grand roi devait faire la fortune de ses ministres. La sienne était, à sa mort, de 20 millions de livres. Il avait accumulé les dignités et les charges. Comme grand maître de la Navigation, il rassemblait les revenus de l'ancienne amirauté de France. Il possédait aussi deux duchés-pairies (Richelieu et Fronsac) et de grands biens fonciers en Poitou et en Anjou. Il tira également des profits du domaine royal : il avait ainsi une énorme rente sur les cinq grosses fermes. Il reçut en bénéfice de nombreuses abbayes (Saint-Riquier, Cluny, Marmoutier, Cîteaux, Saint-Benoît-sur-Loire...). Pour marquer l'éclat de son nom, il fit construire, à Richelieu (en Touraine), un château, et une ville nouvelle autour du château. À Paris, il fit édifier le Palais-Cardinal (le Palais-Royal actuel), qu'il légua à la couronne. Proviseur de la Sorbonne, il consacra de vastes sommes pour la construction de nouveaux bâtiments, sur les plans de Jacques Lemercier, en particulier la belle chapelle où il fut enseveli. Si sa vie personnelle fut largement consacrée au travail - son état de santé le conduisait à travailler surtout la nuit -, il ne négligea pas le faste, d'autant plus que Louis XIII y était tout à fait étranger.

Par son testament, Richelieu tenta, dans un souci aristocratique, de donner les moyens à son lignage et à son nom de durer ; il avait établi ses proches parents : son frère, archevêque de Lyon et cardinal, son cousin le maréchal de La Meilleraye, son neveu, grand maître de la Navigation à son tour, son beau-frère, le maréchal de Brézé ; une de ses nièces épousa le Grand Condé, et sa nièce très aimée, Madeleine de Vignerot, fut faite duchesse d'Aiguillon. Richelieu laissait aussi de précieux papiers, des Mémoires et un texte important, le Testament politique.

Richelieu (Armand Emmanuel du Plessis, duc de),

homme politique (Paris 1767 - id. 1822).

Le nom du duc de Richelieu reste attaché à la politique de conciliation qui permit, après la défaite de Waterloo, le retrait de France des armées de la grande coalition. Petit-fils du maréchal de Richelieu (lui-même petit-neveu du cardinal de Richelieu), le duc émigre dès octobre 1789 pour se mettre au service de l'armée russe contre les Turcs. Le tsar Alexandre Ier lui confie le gouvernement d'Odessa (1803), dont il assure le développement et la prospérité. Rentré en France à l'aube de la Restauration, Richelieu est nommé pair de France par Louis XVIII (1814), puis, après le renvoi de Fouché et de Talleyrand, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil (septembre 1815). Fort de l'amitié du tsar Alexandre et de l'appui de l'Angleterre ainsi que de sa loyauté envers le roi, il obtient quelques atténuations des exigences des alliés dans le second traité de Paris (20 novembre 1815). Il préside ensuite à la dissolution de la « Chambre introuvable » dominée par les ultraroyalistes (septembre 1816) et à la mise en place, avec l'appui de Decazes, d'une politique constitutionnelle modérée. Il se retire en décembre 1818 après le départ des troupes d'occupation (traité d'Aix-la-Chapelle, octobre 1818). Il est rappelé au pouvoir au lendemain de l'assassinat du duc de Berry (février 1820), mais son second ministère est marqué par la réaction politique que mènent les ultras à la Chambre (loi du double vote et loi sur la presse, 1820). Il se retire en décembre 1821, pour céder la place à Villèle.