Calvin (Jean), (suite)
Une pensée exigeante.
• La Genève calvinienne n'est pas une théocratie : l'autorité temporelle peut intervenir lorsque l'Église a besoin qu'une coercition soit exercée, mais l'Église a pour mission de rappeler à l'État ses finalités. Le système ainsi mis en place n'est pas sans rencontrer des contestations, qui émanent de la notabilité bourgeoise ou de dissidents religieux, tel Michel Servet, condamné au bûcher en 1553. Il tire sa force de la dynamique même du travail de Calvin, ministre de la Parole, professeur, commentateur des livres bibliques, polémiste, rédacteur de multiples lettres adressées aux fidèles de toute l'Europe. En résumé, la pensée calvinienne se fonde sur le « constat » d'un écart entre la toute-puissance de Dieu et la corruption de l'homme, incapable, du fait du péché d'Adam, de connaître Dieu par sa propre volonté. C'est à partir de l'appréhension de la majesté divine que l'appel d'une foi donnée par Dieu peut être reçu : la foi, qui fait de l'homme un réceptacle de la souveraineté de Dieu, dispose du fil directeur qu'est l'Écriture, expression de la miséricorde divine appréhendée dans l'illumination du Saint-Esprit. Calvin élabore ainsi une théologie de la grâce sécurisante, fondée sur la promesse gratuite donnée en Jésus-Christ, mais aussi sur une prédestination double, prédestination au salut ou à la damnation éternelle. Il refuse le culte des images et des reliques, nie l'existence du Purgatoire. Il considère que les sacrements ne sont que de simples signes qui entretiennent la foi et n'en conserve que deux : le baptême, témoignage de ce que l'homme est dans une promesse de purification du péché, et la Cène, mémorial et assurance du rachat, présence réelle spirituelle. La vie chrétienne est définie comme une éthique exigeant humilité, mesure, espérance et certitude, une célébration continue de la gloire de Dieu. Calvin reconnaît par ailleurs au magistrat la détention d'un office divin qui fait de lui le « protecteur » de la chose publique et qui interdit au sujet de se rebeller, sauf dans des conditions très particulières. Sa pensée est certainement une scansion dans le processus de « désenchantement du monde », mais l'historiographie récente met en garde contre le stéréotype qui constiturait à ne voir en Calvin que l'inventeur d'un système : elle insiste sur l'ambivalence d'un homme oscillant entre ordre et tension, pragmatisme et angoisse.