Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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René d'Anjou, (suite)

Placé par ses héritages au carrefour géographique de plusieurs cultures, le Roi René a contribué à l'essor des échanges intellectuels et artistiques : sa cour, à Angers comme en Provence, accueille des artistes italiens, des peintres ou des sculpteurs flamands et allemands ; à Nicolas Froment, il commande le célèbre retable du Buisson ardent. Homme de lettres et homme de livres, il ouvre son importante bibliothèque aux œuvres italiennes (Pétrarque, Boccace, etc.), dont il facilite les traductions et multiplie les copies enluminées. Son œuvre littéraire, écrite en grande partie après son remariage de passion avec Isabelle de Laval en 1454, s'inscrit dans la tradition allégorique et courtoise dont le XVe siècle voit également le renouveau. Le Livre du Cœur d'amour épris, composé en 1457, raconte, sous la forme classique du songe et du pèlerinage allégoriques, la conquête de Cœur parti à la rencontre de sa Dame. Construit selon un codage symbolique tout imprégné de la dévotion au cœur crucifié du Christ qui se développe considérablement en France dans la seconde moitié du XVe siècle, ce récit se rattache aux grandes quêtes médiévales et spirituelles de l'amour (Roman de la Rose, Quête du saint Graal). Mais ses accents spirituels, en même temps qu'ils donnent un ultime épanouissement à la littérature allégorique, soulignent aussi la mélancolie d'un siècle finissant et d'une religiosité hantée par la mort.

rentes sur l'Hôtel de Ville de Paris,

type spécifique de rente d'État sous l'Ancien Régime.

En 1522, pour la première fois, la monarchie passe contrat avec la municipalité parisienne pour l'émission de rentes dont le paiement est assigné sur une recette fiscale précise. La municipalité, quant à elle, place ces rentes auprès du public et reverse le capital au Trésor ; elle assure ensuite aux rentiers le paiement des arrérages (intérêts) avec l'argent que lui fournissent officiers et fermiers de la monarchie : celle-ci a en effet conservé le contrôle des recettes assignées. Les versements, qui se font par « quartier » (trimestre), sont d'abord effectués par le receveur de la Ville puis par des payeurs des rentes. Perpétuelles, les rentes constituent une forme de crédit public à long terme. Mais, faute d'inspirer suffisamment confiance, l'État doit s'appuyer sur une autre institution : la Ville. Celle-ci joue ensuite régulièrement le rôle de défenseur des intérêts des rentiers.

Les émissions, limitées sous François Ier, prennent une grande ampleur à partir du règne d'Henri II jusqu'à celui d'Henri III. Leur succès, réel, doit être nuancé : certaines opérations relèvent, en effet, de l'emprunt forcé. De plus, certains financiers acquièrent des rentes sans verser le capital en espèces, dans un but spéculatif. Malgré la prise en charge d'une partie des arrérages par le clergé à partir de 1561 (contrat de Poissy), des retards sérieux se produisent bientôt. L'ampleur (théorique) du fardeau, qui atteint 3,4 millions de livres à l'avènement d'Henri IV, incite Sully à mener une politique de réduction drastique : un tri est opéré entre les rentes, et les versements sont réduits autoritairement. En 1610, ils n'atteignent plus que 2 millions. Une explosion se produit de 1621 à 1660, qui se traduit par 20 millions d'arrérages supplémentaires. Dans sa détresse, liée aux guerres, la monarchie aurait même vendu des rentes au denier 4 (25 % d'intérêt), voire au denier 2... Colbert reprend la politique de Sully et les rentiers subissent une banqueroute des deux tiers. Les difficultés de la fin du règne de Louis XIV obligent de nouveau à multiplier les rentes perpétuelles. Mais celles-ci connaissent une nette désaffection au XVIIIe siècle, au profit des rentes viagères. Cependant, malgré les réductions du taux de la rente (5 % en 1710) et les retranchements divers, elles constituent toujours un élément de la dette de 1789. Elles seront intégrées, lors du règlement financier révolutionnaire, dans le grand livre de la dette publique d'août 1793.

réparations,

indemnités financières imposées à l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale. « L'Allemagne paiera » : tel est le leitmotiv qui anime l'essentiel de la politique extérieure française au début des années 1920.

Une pomme de discorde.

• L'idée de réclamer des dommages de guerre à un pays considéré comme l'agresseur s'impose avant la fin des hostilités et figure dans les conventions de l'armistice du 11 novembre 1918. Victime d'immenses destructions, la France, dont le territoire a subi la plupart des combats livrés sur le front occidental, entend financer une grande partie de sa reconstruction par le biais des réparations qu'elle exige de l'Allemagne : le traité de Versailles, conclu en juin 1919, en énonce le principe, notamment dans son article 231, mais les textes demeurent imparfaits et imprécis, les Alliés n'étant pas tombés d'accord sur le montant des sommes à exiger ni sur les modalités de remboursement. Les vainqueurs de la Grande Guerre, divisés, s'en remettent à des commissions ad hoc pour résoudre la question : une commission des réparations est ainsi créée au printemps 1920.

Pour la France, qui se voit attribuer, en juillet 1920, 52 % du total des réparations, l'affaire est liée de manière très étroite à celle des dettes de guerre contractées auprès de la Grande-Bretagne et, surtout, des États-Unis, qui font montre d'intransigeance en la matière. Partisans d'une politique de fermeté à l'égard de l'Allemagne, les Français se heurtent à leurs alliés d'hier, qui préconisent une attitude plus souple. En effet, les Britanniques, estimant que le relèvement allemand est une condition indispensable à l'équilibre européen, pensent qu'en procédant de la sorte la France place la République de Weimar dans une position délicate. De fait, l'Allemagne ne respecte pas les échéances fixées, et les troupes françaises, en guise d'avertissement, occupent quelques villes de la Ruhr (mars 1921). Mais, après la conférence de Washington, Aristide Briand, président du Conseil en place, soucieux de ne pas laisser son pays s'isoler, se montre plus conciliant. En butte aux attaques des tenants d'une ligne ferme, parmi lesquels figure le président de la République, Alexandre Millerand, il est contraint à la démission en janvier 1922. Les Allemands, en proie à de graves difficultés politiques et économiques, demandent alors un moratoire. Raymond Poincaré, qui a succédé à Briand, décide de prendre des gages en occupant, en janvier 1923, avec l'aide des Belges, le bassin industriel de la Ruhr. Outre qu'elle accélère la dégradation économique du pays, menaçant même l'Allemagne d'asphyxie, cette initiative crée une situation très difficile, marquée par des sabotages et des attentats contre les forces d'occupation.