René d'Anjou, (suite)
Placé par ses héritages au carrefour géographique de plusieurs cultures, le Roi René a contribué à l'essor des échanges intellectuels et artistiques : sa cour, à Angers comme en Provence, accueille des artistes italiens, des peintres ou des sculpteurs flamands et allemands ; à Nicolas Froment, il commande le célèbre retable du Buisson ardent. Homme de lettres et homme de livres, il ouvre son importante bibliothèque aux œuvres italiennes (Pétrarque, Boccace, etc.), dont il facilite les traductions et multiplie les copies enluminées. Son œuvre littéraire, écrite en grande partie après son remariage de passion avec Isabelle de Laval en 1454, s'inscrit dans la tradition allégorique et courtoise dont le XVe siècle voit également le renouveau. Le Livre du Cœur d'amour épris, composé en 1457, raconte, sous la forme classique du songe et du pèlerinage allégoriques, la conquête de Cœur parti à la rencontre de sa Dame. Construit selon un codage symbolique tout imprégné de la dévotion au cœur crucifié du Christ qui se développe considérablement en France dans la seconde moitié du XVe siècle, ce récit se rattache aux grandes quêtes médiévales et spirituelles de l'amour (Roman de la Rose, Quête du saint Graal). Mais ses accents spirituels, en même temps qu'ils donnent un ultime épanouissement à la littérature allégorique, soulignent aussi la mélancolie d'un siècle finissant et d'une religiosité hantée par la mort.