Pascal (Blaise),
mathématicien et philosophe (Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623 - Paris 1662).
Fils d'un magistrat auvergnat amateur de sciences, Blaise Pascal montre un génie mathématique précoce. À Paris, où son père s'installe en 1631, il fréquente les milieux savants et écrit à 16 ans un Essai pour les coniques. De 1640 à 1647, la famille Pascal réside à Rouen : c'est là que Blaise invente une machine arithmétique capable d'effectuer les quatre opérations (1642-1643) et se livre à une série d'expériences qui remettent en question la prétendue « horreur » de la nature pour le vide (Expériences nouvelles touchant le vide, 1647). Mais à Rouen, Pascal découvre aussi la spiritualité de Saint-Cyran, un ami du théologien Jansénius - qui donnera son nom au jansénisme, une doctrine condamnée par l'Église. On date de 1646 cette première « conversion » de Pascal au Jansénisme. L'année suivante, atteint d'une grave maladie, il revient à Paris où, hormis quelques voyages en Auvergne et telle retraite à Port-Royal-des-Champs, il demeurera jusqu'à sa mort. Il y connaît, surtout après le décès de son père (1651), une période « mondaine » durant laquelle il fréquente les salons - occasion pour lui de vulgariser ses recherches scientifiques, mais aussi de rencontrer, en la personne d'un Méré ou d'un Mitton, des « libertins » qui marient l'indifférence religieuse au culte de l'« honnête homme ».
Pascal cependant, dont la sœur Jacqueline est entrée au monastère de Port-Royal, éprouve peu à peu le besoin de changer de vie : l'expérience mystique du 23 novembre 1654, consignée dans le Mémorial, détermine sa seconde - et définitive - « conversion ». Mettant sa plume au service de Port-Royal, il se lance, pour défendre le janséniste Antoine Arnauld menacé de condamnation par la Sorbonne, dans une forme piquante de polémique : la série des dix-huit Provinciales, publiées anonymement ou sous un pseudonyme de janvier 1656 à mai 1657, vient éclairer pour le lecteur profane, grâce à un dialogue fictif étincelant d'ironie, la complexité des problèmes théologiques en débat. Si Pascal ne réussit pas à sauver de la « censure » les positions d'Arnauld relatives à la grâce, il disqualifie dans l'opinion la morale, jugée laxiste, des jésuites, principaux adversaires des jansénistes.
Mais bientôt un autre projet le retient : celui d'écrire une Apologie de la religion chrétienne. Il s'y était, en quelque sorte, préparé dans l'opuscule De l'esprit géométrique en mettant au point sa logique et sa rhétorique, et dans l'Entretien avec M. de Sacy sur les rapports du christianisme et de la philosophie. Pascal compte d'abord centrer son argumentation sur la notion de miracle, puis il élargit sa perspective aux dimensions de la condition humaine, qu'il veut montrer - dans la ligne de saint Augustin - profondément corrompue par le péché originel, mais aussi restaurée par le Christ. Ce sont les fragments de cette œuvre inachevée qui forment le texte des Pensées, où l'auteur unit la rigueur dialectique du savant à l'optimisme tragique du croyant qui affirme un Dieu à la fois présent et caché. Parallèlement, Pascal révèle en 1658, après un défi lancé aux mathématiciens d'Europe, les propriétés de la courbe appelée « roulette » : les fondements du calcul infinitésimal sont posés. Mais la maladie interrompt ses activités en 1659, non sans donner matière à la célèbre Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies. À partir de 1660, il consacre ses dernières forces à son Apologie et, tout à la fin, à la réalisation de la première société de transports publics urbains (les « carrosses à cinq sols »). Il meurt le 19 août 1662 dans la communion de l'Église, sans avoir rien renié de son attachement à Port-Royal.
Pascal est l'un des derniers génies universels dans l'histoire de l'humanité. On ne trouve plus guère, après lui, d'écrivain de premier rang qui soit en même temps maître en théologie, en philosophie, et découvreur de territoires nouveaux pour la physique et la mathématique. Sa force est sans doute d'avoir synthétisé en formules fulgurantes la classique vision religieuse du monde matériel comme figure du monde spirituel et la moderne vision scientifique de l'homme privé de centre et de sens dans l'infinité de l'univers.
Pasteur (Louis),
homme de science (Dole 1822 - Villeneuve-l'Étang, près de Paris 1895).
Louis Pasteur est une figure héroïque universellement connue et qui, pour ses contemporains de la fin du XIXe siècle, le dispute en gloire à Victor Hugo. Il doit ce statut à son immense œuvre scientifique et au personnage qu'il a incarné, celui du savant d'origine modeste, fils de ses seules œuvres, celui de l'homme à l'écoute de son temps, celui de l'humaniste sensible aux souffrances des humbles.
Louis Pasteur est le fils d'un modeste tanneur. Après des études secondaires au collège de Besançon, il entre à l'École normale supérieure pour y faire des études de chimie. Reçu à l'agrégation en 1846, il soutient dès 1847 une thèse de cristallographie sur « l'étude des phénomènes relatifs à la polarisation rotatoire des liquides ». Dès l'année suivante, il occupe une chaire à l'université de Strasbourg ; en 1853, ses travaux sont couronnés par l'Académie des sciences, puis il reçoit la Légion d'honneur ; il devient doyen de la nouvelle faculté des sciences de Lille un an plus tard. À 30 ans, il est donc reconnu comme l'un des maîtres de l'Université et de la science françaises. Ses travaux sur les tartrates et les formes dissymétriques de cristallisation des acides tartriques et paratartriques ne sont accessibles qu'aux spécialistes. Ils ont fait de Pasteur un expérimentateur hors pair et l'ont conduit à s'interroger sur les rapports et les clivages entre la matière inerte et la matière vivante.
Les travaux sur la fermentation.
• À Lille, Pasteur s'intéresse aux problèmes de fermentation. Qu'il soit alcoolique ou lactique, ce phénomène était, pour les plus grands esprits du temps comme l'Allemand Liebig, provoqué par des agents chimiques : les ferments. Pasteur bouleverse cette interprétation en affirmant que la levure, à l'origine de la fermentation, est un être vivant, et donc que la fermentation n'est pas un phénomène physico-chimique, mais un attribut de la vie de la levure. Il développe ces idées dans Mémoire sur la fermentation appelée lactique (1857) et Mémoire sur la fermentation alcoolique (1860), puis dans Mémoire sur la fermentation acétique (1864). Il démontre que les levures sont constituées de germes microscopiques qui se reproduisent plus ou moins bien selon le milieu dans lequel ils se trouvent, que l'on peut par conséquent les cultiver ou les neutraliser. Ainsi, certaines formes de chauffage les bloquent, constatation qui ouvre la voie au mode de conservation appelé « pasteurisation ». Les théories de Pasteur reçoivent des applications très concrètes dans l'amélioration de la fabrication tant du vinaigre que de la bière.