Rethel (bataille de),
bataille remportée par les troupes du maréchal du Plessis-Praslin sur celles de Turenne, pendant la Fronde, le 15 décembre 1650.
Turenne, qui guerroie en Champagne pour le parti des princes contre les troupes fidèles à Mazarin, s'empare de Mouzon avec l'aide de l'Espagne, après un long siège ; sitôt après, la plupart des unités espagnoles se retirent pour prendre leurs quartiers d'hiver. Le 9 décembre 1650, Plessis-Pralin en profite pour mettre le siège devant Rethel, base arrière que Turenne, par ailleurs bien appuyé sur ses possessions de Sedan, a fait occuper. Le 14, le commandant de la place, Degli Ponti, peut-être acheté, capitule. L'armée de secours de Turenne, arrivée trop tard, engage le combat le lendemain, au sud-ouest de Vouziers, près du village de Sommepy. L'armée royale, supérieure en nombre, écrase les troupes de la Fronde, malgré leur belle défense, et capture 4 000 prisonniers, dont de nombreux officiers. Parmi les 2 000 morts, figure Philippe, frère cadet de l'Électeur palatin ; Turenne lui-même manque d'être capturé. La nouvelle plonge Paris dans l'affliction : « Je n'eus toute la nuit chez moi que des pleureux et des désespérés », rapporte le cardinal de Retz. Mazarin ne profite pas longtemps de ce succès. Par son ampleur même, la défaite pousse les adversaires du cardinal à s'unir et à obtenir son exil en février 1651. Pour sa part, Turenne, rentré à Paris en mai, prend ses distances avec la Fronde, avant d'accepter en février 1652 le commandement de l'armée royale, aux côtés du maréchal d'Hocquincourt, qui l'a combattu à Rethel.
Rétif (ou Restif) de La Bretonne (Nicolas Edme Rétif, dit),
écrivain (Sacy, Yonne, 1734 - Paris 1806).
Fils de paysan, passé de la charrue à la plume, Rétif tire de cette expérience du déracinement une grande partie de son inspiration. Envoyé à l'école janséniste de Bicêtre, il est ensuite mis en apprentissage dans une imprimerie d'Auxerre, puis travaille à Paris. De l'artisanat typographique, il passe à la création littéraire, et prend le nom à consonance aristocratique de « Rétif de La Bretonne » : ses premiers romans, la Famille vertueuse (1767) et Lucile ou les Progrès de la vertu (1768), se placent résolument sous le signe de la vertu mais explorent les échanges entre désir, pathétique et morale. Rétif compose et publie avec frénésie une œuvre abondante, à la fois répétitive et inventive. Même s'il n'est pas aussi autodidacte qu'il le prétend, il échappe à la formation classique, ce qui le rend d'autant plus libre de mêler fiction et théorie, récit romanesque et théâtre, autobiographie et fantastique. Ses ambitions théoriques, qui associent audace réformatrice et conformisme intellectuel, s'expriment dans une série d'œuvres qu'il nomme les « graphes » : il échafaude ainsi une réforme de la prostitution (le Pornographe, 1769), du théâtre et du statut des comédiens (la Mimographe, 1770), du statut des femmes (les Gynographes, 1777), de la vie sociale (l'Andrographe, 1782), des lois (le Thesmographe, 1789). Le besoin de se raconter est manifeste, que ce soit par le roman - le Paysan perverti, paru en 1775, relate la déchéance du paysan monté à Paris et puni dans l'excès de ses ambitions -, ou par l'autobiographie - Monsieur Nicolas ou le Cœur humain dévoilé (1796-1797). Grand succès de librairie, le Paysan perverti est complété en 1784 par la Paysanne pervertie. Après avoir évoqué une vie rurale et patriarcale dans la Vie de mon père (1779), Rétif explore les bas-fonds de la capitale et montre sa fascination pour la prostitution et la sexualité dans les Nuits de Paris (1788-1794), dont le volume VIII, la Semaine nocturne (1790), est souvent titré les Nuits révolutionnaires. Le refus des canons classiques, la force des fantasmes et le modèle nouveau du journalisme expliquent le choix des formes ouvertes, des recueils de nouvelles infiniment extensibles, voués à la peinture des femmes (les Contemporaines, 1780-1785, ne comptent pas moins de cinquante volumes). Vivant de plus en plus dans la marginalité, Rétif tourne finalement son invention littéraire vers le fantastique : son dernier ouvrage, les Posthumes (1802), est un défi au temps qui passe, à l'âge qui vient, à la société qui change.
Retz (Jean François Paul de Gondi, cardinal de),
ecclésiastique et écrivain (Montmirail 1613 - Paris 1679).
Coadjuteur de son oncle (de 1643 à 1654) avec le titre d'archevêque in partibus de Corinthe, puis archevêque de Paris, Retz s'agita dans la Fronde et s'illustra dans les lettres.
Issu d'une famille de banquiers florentins arrivés à Lyon lors du mariage de Catherine de Médicis (1533), Gondi compte dans sa parenté un maréchal de France (son grand-oncle, premier duc de Retz), cinq généraux de galères dont son père, deux dignitaires ecclésiastiques (l'évêque de Paris de 1598 à 1622 et le premier archevêque du diocèse de 1622 à 1654, ses oncles). Tonsuré en 1623, élève des jésuites, bachelier en 1631, il manifeste une ambition qui agace, au point qu'en 1651 La Rochefoucauld tentera de l'étrangler entre les deux battants d'une porte ! Mondain, duelliste, amateur de femmes, esprit brillant (premier à la licence de théologie, en 1638), il est aussi un intrigant et conspire contre Richelieu avec le comte de Soissons. Aussi n'est-il nommé coadjuteur de Paris qu'après la mort du Cardinal. Sacré en 1644, il devient populaire en prêchant, mais reste galant. Pendant la Fronde, qui débute en 1648, il donne la mesure de son inconstance : éconduit par Mazarin, il lève un régiment de chevau-légers - les Corinthiens - puis se rapproche du roi (1650) contre Condé, dans l'espoir de revêtir la pourpre cardinalice. En attendant, il travaille à l'union de la Fronde parlementaire et de la Fronde des princes, et contribue à l'exil de Mazarin (février 1651) ; il empêche alors le roi de quitter le Palais-Royal (9-10 février 1651), puis se rapproche de la reine (avril). Enfin créé cardinal en février 1652, il est arrêté au Louvre en décembre pour avoir à nouveau comploté contre Mazarin. Enfermé à Vincennes, contraint de démissionner de son archevêché, incarcéré à Nantes, il s'évade, gagne Machecoul (duché de Retz), Belle-Isle (fief des Gondi), Saint-Sébastien, Piombino, et Rome, enfin, en 1654. Là, il révoque sa démission, provoquant l'ire de Louis XIV, et contribue à l'élection du pape Alexandre VII. Endetté, il s'enfuit une nouvelle fois dans plusieurs pays d'Europe. En 1661, la mort de Mazarin le ramène à Paris, où il démissionne à nouveau de son archevêché, en contrepartie de l'abbaye de Saint-Denis qui lui est attribuée. Il se retire à Commercy, publie sa Conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque (1665), échoue dans une mission auprès du pape (1665-1666), participe aux conclaves de 1667, 1670, et 1676, et multiplie les retraites. Il paie alors ses dettes et rédige ses Mémoires (1662-1677), dans lesquels l'écrivain se révèle supérieur au politique. Sans souci de la rhétorique, il croque personnages et événements de la Fronde, élevant parfois jusqu'à la maxime ses talents aigus d'observation. Retz est inhumé dans l'abbaye de Saint-Denis mais, en raison d'une interdiction de Louis XIV, aucune inscription ne figure sur sa tombe.