Cent Ans (guerre de).
Au début du XIVe siècle, la France et l'Angleterre connaissent, à l'instar de toute l'Europe occidentale, une crise due à l'arrêt des défrichements et au fléchissement démographique. Mais la crise, si elle a pu favoriser le déclenchement de la guerre de Cent Ans, n'est que la toile de fond d'un conflit qui engage les structures et les mentalités des deux royaumes.
De 1337 à 1453, la succession des affrontements ponctués de trêves transforme la situation sociale, politique, économique et démographique de la France et de l'Angleterre. Faut-il en conclure que la guerre de Cent Ans a modifié le cours de l'histoire ? Elle a assurément précipité ou retardé certaines évolutions, mais elle n'a pas affecté l'essentiel : le passage de l'Europe des princes à l'Europe des États.
Causes et enjeux
Les guerres entre la France et l'Angleterre ont commencé dès la fin du XIe siècle. Mais, en 1154, une nouvelle donne dynastique modifie l'équilibre des forces : Henri Plantagenêt, duc de Normandie et d'Aquitaine, comte d'Anjou, du Maine et de Touraine, devient roi d'Angleterre sous le nom d'Henri II, tout en restant vassal du roi de France pour ses possessions continentales ; il est désormais l'égal du roi de France. Au XIIIe siècle, Philippe Auguste et Louis VIII reprennent à la couronne d'Angleterre la plus grande partie de ses possessions françaises, sans parvenir néanmoins à conquérir la Guyenne. Le lien féodal entre le roi de France et le roi d'Angleterre, duc de Guyenne, est alors rompu. En 1259, Saint Louis, souhaitant « mettre amour » entre ses descendants et ceux d'Henri III, conclut avec ce dernier le traité de Paris, fort contesté de part et d'autre. Henri III redevient pour la Guyenne le vassal du roi de France et lui reconnaît la possession définitive des territoires conquis par Philippe Auguste et Louis VIII. Saint Louis, qui se fait une très haute idée du lien vassalique, apporte au problème une solution féodale, sans se rendre compte qu'elle n'est plus guère adaptée à l'esprit du temps. Les deux royaumes ayant consolidé leurs structures politiques, ce qui était acceptable en 1154 ne l'est plus en 1259. Souverain dans les îles Britanniques et vassal sur le continent, le roi d'Angleterre se trouve dans une position intenable. Et le traité de Paris, qui contient des dispositions territoriales secondaires d'application malaisée, entraîne des discussions, des contestations, et même deux confiscations de la Guyenne décidées par le roi de France, l'une sous Philippe le Bel, l'autre sous Charles IV.
Aux questions territoriales s'ajoute, après la mort de Charles IV (1328), la question dynastique. Les barons et prélats de France préfèrent Philippe de Valois, cousin du défunt roi, à son neveu Édouard III, roi d'Angleterre, fils d'Isabelle de Valois. Leur choix n'est pas déterminé par des considérations juridiques mais par des critères de personnes. Ainsi que l'a noté un chroniqueur anglais, Philippe est « né du royaume » ; de surcroît, il vit à la cour et préside lui-même l'assemblée qui le choisit. À la cour d'Angleterre, le mécontentement est vif. Mais, dans un premier temps, Édouard III accepte de prêter l'hommage pour la Guyenne au nouveau souverain (1329) ; puis il reconnaît par lettres patentes, à la demande du roi de France, que l'hommage prêté doit être tenu pour lige (1331).
Deux autres questions contribuent à envenimer les rapports entre les deux royaumes : celle de Flandre et celle d'Écosse. Si le roi d'Angleterre n'a nul droit sur le comté de Flandre, son pays entretient des relations commerciales privilégiées avec la Flandre, grande importatrice de laines anglaises. Au début du XIVe siècle, le comte de Flandre, Louis de Nevers, devient l'obligé du roi de France. Il se heurte de ce fait à l'hostilité des artisans et paysans chez qui le roi d'Angleterre compte nombre de soutiens fidèles. En revanche, les Écossais, qu'Édouard III souhaite soumettre, reçoivent depuis Philippe le Bel l'appui diplomatique et militaire de la France.
Malgré les efforts de la papauté, désireuse d'entraîner les énergies belliqueuses dans une nouvelle croisade, la guerre ne va pas tarder à éclater entre les deux plus grandes monarchies de l'Occident chrétien. Édouard III, inquiet du transfert dans la Manche d'une partie de la flotte française, rassemble des troupes le long des côtes et envoie du matériel en Aquitaine, tandis que Philippe VI expédie des renforts aux abords de la Guyenne. Édouard III interdit les exportations de laine anglaise vers la Flandre, accueille Robert d'Artois, chassé de France, et fait d'importants efforts financiers pour s'assurer l'appui des princes et seigneurs des Pays-Bas et des pays rhénans.
Le 24 mai 1337, Philippe VI, considérant que son vassal « a manqué à l'obéissance envers lui son seigneur », prononce une nouvelle confiscation de la Guyenne, sans que cette décision soit suivie d'effet. Le 7 octobre 1337, Édouard III revendique la couronne de France. Souhaite-t-il réellement intégrer la France dans son royaume ? Ou bien espère-t-il, en plaçant très haut la barre de ses exigences, obtenir lors de négociations ultérieures la souveraineté définitive sur la Guyenne ? Quoi qu'il en soit, la rupture est consommée. Les adversaires manquent cependant de moyens, et les premières trêves de la guerre de Cent Ans sont conclues dès le début de l'année 1338.
Des victoires anglaises au redressement français
La politique des alliances allemandes menée par Édouard III n'ayant pas eu de résultats probants, le roi d'Angleterre essaie de tirer parti des difficultés que rencontre Philippe VI dans certaines régions de son royaume. En Flandre, la politique anglaise d'embargo sur la laine aggrave la misère des artisans, qui se retournent contre le comte, jugé trop favorable à la France. Sous l'impulsion de Jacques Van Artevelde, les Flamands reconnaissent Édouard III comme roi de France (février 1340). Puis, le 24 juin, la flotte anglaise inflige à son homologue française la lourde défaite de L'Écluse, au large de Bruges. Une nouvelle trêve n'en intervient pas moins dès le mois de septembre. Profitant du conflit qui oppose, en Bretagne, deux prétendants, Jean de Montfort et Charles de Blois, Édouard III, qui soutient le premier, installe des garnisons dans le duché. La guerre reprend à partir de mars 1345. Après l'assassinat de Van Artevelde, la Flandre retourne à la neutralité ; les Anglais, eux, attaquent en Bretagne et dans le Sud-Ouest.