Pippinides, (suite)
Les Pippinides sont les héritiers de l'union des deux plus grandes familles d'Austrasie au VIIe siècle : la famille de Pépin l'Ancien, possessionnée dans la moyenne vallée de la Meuse, et la famille d'Arnoul (mort vers 643), dont le patrimoine s'étend entre la Meuse et la Moselle et autour de Worms. À l'origine, leur puissance est favorisée par Clotaire II (584-629), qui tient à les rétribuer pour leur soutien lors de la guerre interne à la famille royale mérovingienne (faide royale, 570-613) : Arnoul reçoit alors l'évêché de Metz, capitale de l'Austrasie, et Pépin, la mairie du palais d'Austrasie. L'un et l'autre sont en outre chargés de l'éducation du fils du roi, le jeune Dagobert Ier, puis du fils de Dagobert, Sigebert III. Entre 643 et 656, Grimoald, fils de Pépin, exerce une véritable tutelle sur Sigebert III, et en 656 essaie même d'imposer son fils, Childebert l'Adopté, comme roi des Francs : mais cette première tentative échoue, et Grimoald et son fils sont assassinés en 662.
Dès lors, les Pippinides vont s'efforcer d'accroître leur puissance tout en respectant la légitimité des rois mérovingiens. Ils adoptent précocement, avant le VIIIe siècle, la règle de patrimonialité de l'honor familial (biens et titres) et la succession en ligne directe et patrilinéaire. Parallèlement, ils se constituent un très important réseau de fidélités au sein des aristocraties austrasienne et neustrienne. Ils s'appuient sur les sièges épiscopaux de Metz et de Reims ainsi que sur un vaste réseau de fondations monastiques familiales en Austrasie (Nivelles, Fosses, Stavelot, Malmédy, Lobbes), et prennent le contrôle de certaines grandes abbayes de Neustrie (Fontenelle, Saint-Wandrille, Saint-Denis). À partir de 687, ils parviennent à s'imposer comme maires du palais pour tout le royaume franc. Ils exercent dès lors pleinement le pouvoir : Pépin II (vers 640-714), issu du mariage d'un fils d'Arnoul avec une fille de Pépin l'Ancien, reçoit le titre de « prince des Francs » et désigne lui-même le successeur du roi au sein de la famille mérovingienne en 691, en 695 et en 711. En 737, son fils Charles Martel, qui depuis sa victoire sur les Arabes à Poitiers (732) apparaît comme le défenseur de la Chrétienté, ne désigne pas de successeur au roi mérovingien Thierry IV.
Dans le même temps, les Pippinides établissent des liens privilégiés avec la papauté en soutenant activement les missionnaires anglo-saxons en Germanie, Willibrord et Boniface. En 743, les deux fils de Charles Martel, Carloman et Pépin le Bref, rétablissent cependant sur le trône un roi mérovingien, Childéric III. Mais, à la suite de la retraite de Carloman (747) et grâce à l'appui de la papauté et des élites aristocratiques laïques et ecclésiastiques d'Austrasie et de Neustrie, Pépin le Bref se fait couronner et sacrer roi des Francs, en 751, après avoir déposé Childéric III. Il inaugure, avec ses fils Carloman et Charlemagne, la dynastie carolingienne.