droite (suite)
Depuis les années cinquante, c'est pour l'essentiel en dehors du gaullisme et souvent contre lui que s'est affirmée la tendance la plus dure du national-populisme. Le mouvement Poujade est à la fois antifiscal et violemment antiparlementaire. Au nom de l'Algérie française, des militaires tentent un coup d'État (1961), et les hommes de l'Organisation armée secrète (OAS) pratiquent un activisme qui les mène à l'organisation d'attentats terroristes. Leur échec en 1962 réduit alors l'extrême droite, pour deux décennies, à une existence groupusculaire. Mais, à partir de 1983-1984, le rejet violent par une partie de l'opinion de l'expérience socialiste ou, au contraire, les déceptions que celle-ci a provoquées, et surtout la persistance d'une crise que ni la gauche ni la droite modérée ne parviennent à juguler lui ont ouvert un espace politique. En exploitant les thèmes de l'immigration, de l'insécurité, de l'identité française menacée, en mettant en avant ses projets de « préférence nationale », le Front national de Jean-Marie Le Pen parvient, avec des scores de 10 à 15 % des voix, à s'imposer comme une composante stable de la vie politique. Il obtient de grands succès dans l'ancienne clientèle « poujadiste » des PME, mais plus encore parmi les employés, les ouvriers et les chômeurs. S'il ne s'agit pas de fascisme, son appartenance au « national-populisme » ne fait pas de doute.
Persistance des clivages ?
On peut, en conclusion, évoquer trois grands problèmes. Celui de la persistance du clivage droite-gauche, tout d'abord. On annonce son effacement en invoquant l'effondrement des idéologies « totalisantes », ainsi que les contraintes de l'économie mondialisée qui limitent la liberté des choix politiques. Mais, même si c'est parfois avec scepticisme, la grande majorité des Français continuent de s'inscrire dans le cadre de l'affrontement droite-gauche : la plupart des élections révèlent, surtout au second tour, la persistance de cette bipolarisation.
On a, d'autre part, remis en cause la tripartition de la droite française. Jean Touchard et Jean Charlot, l'un et l'autre fins connaisseurs du gaullisme, ont ainsi contesté son rattachement au « bonapartisme ». Certes, des nuances s'imposent. L'influence relative des trois grands courants a changé. Le « légitimisme » est devenu résiduel. Le rapprochement, depuis le début des années quatre-vingt, du libéralisme conservateur d'ascendance « orléaniste » et du gaullisme aux lointaines affinités « bonapartistes » est incontestable. La division de la droite autoritaire, déjà notée par René Rémond, entre une tendance plutôt conservatrice et une autre plus violemment protestataire se concrétise dans l'opposition actuelle entre le néogaullisme et le Front national. Mais, globalement, la cohérence et la valeur explicative de la théorie des « trois droites » paraissent peu contestables à nombre d'historiens et de politologues.
Enfin, une évolution du rapport des forces entre droite et gauche a marqué les deux siècles de leur existence. La Révolution a été une défaite de la droite traditionaliste, dont la revanche n'a guère duré qu'une dizaine d'années (1820-1830). Ce sont l'orléanisme puis le bonapartisme qui lui ont succédé de 1830 à 1870-1848 n'ayant été qu'une parenthèse. De la crise du 16 mai 1877 (quand les tenants de l'Ordre moral sont remplacés par des républicains) jusqu'à la Première Guerre mondiale, les droites sont restées minoritaires et écartées du pouvoir, si l'on excepte quelques années de gouvernement des « progressistes ». L'entre-deux-guerres leur a été plus favorable : alliées ou non aux radicaux, elles ont dominé durant une quinzaine d'années sur vingt. À partir de 1946, et sauf à quatre reprises (1956, 1981, 1988, 1997), elles ont été toujours majoritaires dans le corps électoral. Très solidement implantées dans les classes dirigeantes, la paysannerie, les classes moyennes non salariées, elles peuvent en effet s'appuyer aussi sur une minorité appréciable des salariés non manuels et même de la classe ouvrière.