Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
Q

quiétisme,

courant mystique qui recherche l'abandon en Dieu.

Son inspirateur est le théologien espagnol Miguel de Molinos (1628-1696), devenu à Rome, à partir de 1663, un directeur de conscience recherché, notamment par les religieuses. Son Guide spirituel (1675) prône un désintéressement absolu, allant jusqu'à l'indifférence au péché et au salut personnel : le « pur amour » pour Dieu mène ainsi à la passivité de l'âme. Cette doctrine est condamnée par la bulle Coelestis pastor (1687), et son auteur, enfermé dans un couvent où il finira ses jours.

L'exigence spirituelle de Molinos, qui pousse à l'extrême des tendances souvent présentes dans la mystique antérieure, trouve en France un écho chez le Père Lacombe et sa disciple, Mme Guyon. Le zèle de cette dernière, à qui Mme de Maintenon a confié l'éducation des jeunes filles de l'institution de Saint-Cyr, inquiète sa protectrice, qui alerte Bossuet. L'évêque de Meaux, le Père Tronson, supérieur de la compagnie de Saint-Sulpice, et l'évêque de Châlons, Noailles, réunis en des « conférences d'Issy », condamnent Mme Guyon, qui se soumet. Celle-ci a cependant trouvé en Fénelon, promu archevêque de Cambrai, un admirateur qui, tout en reconnaissant les faiblesses théologiques de sa protégée, est sensible à la pureté de sa recherche. Se faisant fort d'étayer la doctrine par la tradition spirituelle de l'Église, il publie, en janvier 1697, son Explication des maximes des saints sur la vie intérieure, à laquelle Bossuet répond la même année par des Instructions sur les états d'oraison puis par une Relation sur le quiétisme (1698). La cour et les ordres religieux se divisent, et il faut toute l'autorité de Louis XIV, qui soutient Bossuet, pour obtenir d'Innocent XII la condamnation du livre de Fénelon (1699). Au-delà des péripéties, où l'évêque de Meaux apparaît parfois plus soucieux d'ordre que de vérité, la « querelle du pur amour » révèle des oppositions spirituelles pro-fondes. Bossuet, dont la foi est nourrie des Pères de l'Église, se refuse au sentimentalisme ; il est rétif à l'expérience mystique lorsque celle-ci risque d'éloigner les fidèles des enseignements du magistère. Fénelon, son cadet - et longtemps son protégé -, témoigne pour une piété plus sensible, plus personnelle, secouant le formalisme d'une religion des œuvres. Vaincu, le quiétisme s'incline devant un catholicisme intellectualiste qui coupe court à l'efflorescence mystique de la première moitié du XVIIe siècle ; mais il annonce aussi un désir d'émancipation qui prend place dans la « crise de la conscience européenne » (Paul Hazard), à l'orée du XVIIIe siècle.

Quinet (Edgar),

écrivain et homme politique (Bourg-en-Bresse 1803 - Versailles 1875).

La figure d'Edgar Quinet accompagne près d'un siècle d'histoire du mouvement romantique et républicain. De brillantes études le conduisent à Paris, où il devient l'élève de Victor Cousin et le condisciple de Michelet. Sous l'influence de l'idéalisme éclectique de Cousin, il traduit les Idées sur la philosophie de l'histoire de l'humanité de Herder, en 1827-1828. Esprit universel, épris d'idées libérales, européen avant la lettre, il séjourne à Heidelberg en 1827-1828, visite la Grèce en 1829, acclame la révolution qui éclate à Paris en juillet 1830, puis découvre l'Italie en 1832-1833. Son œuvre, multiforme et abondante, intéresse tout à la fois la poésie, l'histoire de la littérature et celle des nationalités ou des religions. Revenu en France (1836), il est nommé professeur de littérature étrangère à l'université de Lyon (1839) ; il obtient la chaire de langues et littératures du sud de l'Europe au Collège de France (1841). De cette nouvelle tribune, il combat le catholicisme aux côtés de Michelet (Des jésuites, 1843 ; l'Ultramontanisme, 1844) et critique l'insuffisance de la mutation spirituelle opérée par la Révolution (Christianisme et Révolution française, 1845). Suspendu de cours en 1846, il est élu représentant du département de l'Ain aux Assemblées constituante (1848) et législative (1849). Il siège à l'extrême gauche républicaine et anticléricale, réclame la séparation de l'Église et de l'État et la laïcité de l'école (l'Enseignement du peuple, 1850). Exilé au lendemain du coup d'État de 1851, il se réfugie en Belgique puis en Suisse, publie une autobiographie (Histoire de mes idées, 1858), refuse l'amnistie de 1859 et se sépare du fatalisme historique de Thiers (Philosophie de l'histoire de France, 1855) comme du mysticisme démocratique de Michelet (la Révolution, 1865 ; Critique de la Révolution, 1867). Rentré en France à la chute de l'Empire, il est élu député républicain à l'Assemblée nationale (1871).