Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Italie (guerres d') (suite)

Les Français passent à Rome sans s'y arrêter longtemps, et, enfin, le 22 février 1495, Charles VIII fait son entrée dans Naples, acclamé par une population lasse du gouvernement aragonais et qui a conservé de la sympathie pour le parti angevin. Mais le roi aura peu de temps pour jouir de son succès. Dès le mois suivant se forme, en effet, une ligue entre tous les États italiens - sauf Florence -, soutenue par Ferdinand le Catholique et par l'empereur Maximilien de Habsbourg : Charles VIII décide alors de quitter Naples et d'entamer une retraite avec l'essentiel de ses forces. Sur le chemin du retour, à Fornoue, le 6 juillet 1495, l'armée française bouscule les troupes italiennes, dirigées par le marquis de Mantoue, et réussit à se frayer un passage vers les Alpes.

Lorsqu'en octobre le roi est de retour en France, il a perdu presque toutes ses récentes conquêtes. De ce premier « voyage d'Italie », les hobereaux français rapportent charges honorifiques ou titres de fiefs inconnus, mais aussi tableaux, livres, manuscrits et divers objets précieux - achetés ou dérobés. Ils transmettent l'image d'un pays qui, par son climat, sa beauté et ses richesses, se rapproche, selon leurs dires, de la représentation qu'ils se faisaient du Paradis. Ils n'auront, dès lors, de cesse de l'imiter et d'y retourner : jamais les rois de France ne manqueront de compagnons pour les suivre lors de leurs aventures outre-monts.

Le partage de la Péninsule

La mort prématurée de Charles VIII, le 7 avril 1498, met provisoirement fin à tout dessein d'expédition en Italie. Mais le nouveau roi, Louis XII, reprend vite à son compte les rêves napolitains de Charles, avec d'autant plus d'ambition que lui-même est héritier des Visconti et prétend avoir des droits sur le duché de Milan. Fort de la richesse d'un royaume de France en pleine expansion économique, Louis XII envahit le Milanais en 1499. À partir de 1500, les Français occupent la Lombardie et y resteront une vingtaine d'années - excepté de 1512 à 1515, période durant laquelle les Suisses instaurent un véritable protectorat sur le duché. Assuré de la maîtrise du Milanais et de Gênes, Louis XII veut reconquérir Naples. Soucieux de ne pas affronter Ferdinand le Catholique, il conclut avec lui, en 1500, un traité secret : les Français s'emparent de Naples, des Abruzzes et de la Campanie, tout en laissant les Pouilles et la Calabre à Ferdinand - qui abandonne au passage ses alliés et cousins napolitains... Peu de temps après le duché de Milan, un second grand État italien disparaît dans la tourmente.

Ce faisant, Louis XII prend le risque de modifier la nature même des conflits en Italie. Il y a désormais deux puissances étrangères : la France et l'Espagne, qui font de l'Italie l'enjeu premier de leur lutte pour l'hégémonie sur l'Europe. Cependant, dès décembre 1503, les Français perdent le royaume de Naples, après les défaites de Seminara, de Cerignola et du Garigliano face aux troupes de Gonzalve de Cordoue. L'Italie, « avec deux grands rapaces dans ses entrailles » (Guichardin), est désormais partagée, durablement, en sphères d'influence : les Français au nord et les Espagnols au sud.

En outre, les deux seuls États qui pourraient troubler ce partage des dépouilles - Rome et Venise - en viennent à s'affronter. À Rome, Jules II, dit « le Pape guerrier », joue habilement, depuis 1503, des rivalités entre Français et Espagnols pour asseoir sa domination sur l'Italie centrale ; mais, de ce fait, il se heurte à Venise. La ligue scellée à Cambrai en 1508, réunit toute l'Europe et toute l'Italie contre la Sérénissime. Les armées françaises et impériales remportent une victoire écrasante sur les Vénitiens, à Agnadel, le 14 mai 1509 : la Vénétie est occupée et sa capitale semble perdue. Seul un sursaut de patriotisme, mêlant dans un même combat paysans de « Terre ferme » et jeunes nobles vénitiens, permet de résister à la pression ennemie, puis d'entreprendre une reconquête progressive. Venise est sauvée, mais le traumatisme subi conduit la République à privilégier désormais une politique d'attentisme prudent, voire de neutralité.

Dès 1511, Jules II, inquiet de la force grandissante de Louis XII, suscite contre lui une nouvelle ligue réunissant Ferdinand d'Aragon, Henri VIII d'Angleterre, Venise et les cantons suisses. Selon une tactique que ses successeurs - Léon X et Clément VII, les deux papes Médicis - adopteront eux-mêmes plus tard, il s'appuie sur l'un des « barbares » pour chasser l'autre. Mais, durant la campagne de 1512, le jeune et brillant Gaston de Foix, au terme d'une foudroyante guerre de mouvement, occupe Brescia, puis l'emporte à Ravenne, notamment grâce à l'artillerie du duc de Ferrare. Victoire à la Pyrrhus, car les Français laissent sur le terrain plusieurs milliers des leurs, le généralissime français lui-même trouvant la mort lors d'un dernier assaut, inutile, contre l'infanterie espagnole qui se retirait en bon ordre. Dans les semaines qui suivent, les Français font retraite, et, en 1513, la Lombardie est perdue au profit des Suisses, qui installent à Milan l'un des fils de Ludovic Sforza. Jusqu'en 1515, les affrontements entre Français, Anglais, Espagnols, Suisses et Impériaux se déplacent hors d'Italie, signe que le conflit, parti de la péninsule, est devenu totalement européen.

La rivalité franco-espagnole

François Ier, quelques mois après son avènement en janvier 1515, passe les Alpes à la tête de ses troupes. La bataille contre les Suisses, qui se sont repliés vers Milan, se déroule à Marignan, les 13 et 14 septembre. Cette « bataille de géants », selon le maréchal de France Trivulce, est d'un rare acharnement, faisant plus de quinze mille morts. Durant deux journées, l'issue en reste incertaine. Les lansquenets allemands au service de François Ier et l'artillerie royale décident de la victoire autant que la cavalerie lourde des nobles chevaliers, chantés par la geste nationale. Dès lors, la Lombardie est reconquise, et les Suisses signent avec le roi de France une « paix perpétuelle ». Jamais plus, les montagnards helvètes, persuadés auparavant de leur invincibilité, ne seront tentés de jouer un jeu indépendant sur l'échiquier italien : ils devront se contenter d'être de simples mercenaires au service d'une puissance tierce. De son côté, Léon X s'empresse de rencontrer le vainqueur à Bologne et de signer avec lui un concordat qui règlera les rapports entre la couronne et Rome jusqu'en 1789.