Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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matines de Bruges, (suite)

Philippe le Bel prend sa revanche deux ans plus tard, à Mons-en-Pévèle, et il impose aux Flamands le rigoureux traité d'Athis-sur-Orge en 1305. Le prestige du roi capétien est rétabli, mais les troubles continuent dans une Flandre affectée par une crise économique et sociale qui ébranle les structures féodales .

Maupeou (René Nicolas Charles Augustin de),

magistrat et homme politique (Paris 1714 - Le Thuit, Eure, 1792).

Issu d'une grande dynastie parlementaire, il connaît lui-même une ascension rapide au sein du parlement de Paris, et Choiseul le fait entrer au gouvernement comme chancelier en 1768. Légiste compétent et sévère, Maupeou refuse toute atteinte à l'autorité royale : il désavoue l'agitation de ses collègues parlementaires et entend mettre un terme à la crise qui affaiblit la monarchie depuis bientôt dix ans. Lorsque les parlementaires engagent une épreuve de force, en janvier 1771, il se révèle un homme à poigne. Les magistrats en grève sont d'abord exilés en province ; puis, comme ils refusent de se soumettre, le parlement de Paris est dissous : l'édit du 23 février 1771 lance une réforme judiciaire inédite. Le ressort du tout-puissant parlement de Paris est partagé entre six conseils supérieurs, dont les fonctions, purement judiciaires, sont celles de cours d'appel. Désormais, les magistrats sont nommés et appointés par l'État. Par suite de la suppression des « épices » (gages versés aux juges par les plaideurs), la justice devient gratuite. Parallèlement, un nouveau « parlement » est formé, qui conserve l'enregistrement des lois et le droit de remontrance. La réforme est ensuite étendue aux parlements de province. Ce « coup de majesté » du chancelier Maupeou constitue une triple révolution : judiciaire, bien sûr, mais aussi sociale, puisque la suppression de la vénalité et de l'hérédité des charges brise l'oligarchie parlementaire ; politique, enfin, puisque l'opposition des magistrats, qui avait jusqu'alors fait échouer toutes les réformes fiscales, est anéantie.

En quelques mois, le nouveau système se met en place, en dépit de la vigoureuse campagne déclenchée contre son initiateur. Non seulement le roi, mais aussi les dévots et les Philosophes, temporairement réunis contre les magistrats, soutiennent le chancelier. Quand en juin 1771, le duc d'Aiguillon, rejoint Maupeou et Terray, une sorte de triumvirat ministériel semble reprendre en main le pays. Mais il ne survit pas à la mort de Louis XV. En 1774, comme les autres anciens ministres, Maupeou est écarté par Maurepas, car le jeune Louis XVI se veut populaire et réconciliateur. En novembre, la réforme est annulée ; les parlements sont rétablis. Retiré en Normandie, Maupeou ne pourra qu'assister à la faillite d'une monarchie incapable de se réformer.

Maurepas (Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de),

homme politique (Versailles 1701 - id. 1781).

Chevalier de Malte, petit-fils du chancelier de Pontchartrain, il devient secrétaire d'État à la Maison du roi « chargé de la Marine, des affaires de Paris et de la Police » (1718). Mais la polysynodie du Régent et l'instauration du Conseil de Marine ne lui permettent d'entrer en fonctions qu'en 1723. Intelligent mais léger, il est l'objet de railleries : « jeune homme qui ne sait même pas de quelle couleur est la mer » ! Néanmoins, il apprend vite, devient membre de l'Académie des sciences (1725) et de l'Académie des inscriptions (1726) et, malgré le pacifisme de Fleury, obtient un budget décent, améliore les ports de Brest, Toulon, Cherbourg , Bayonne, maintient cadres et constructions navales, et oppose ainsi à l'Angleterre, durant la guerre de la Succession d'Autriche (1744-1748), une marine honorable. Avant sa disgrâce (1749), il a visité Toulon, Marseille, Rochefort, réalisé des enquêtes sur les pêches, patronné les premières missions scientifiques d'exploration (mesure du méridien), supprimé le corps des galères devenu obsolète, créé des écoles de santé. Mais, une « poissonnade » dirigée contre Mme de Pompadour lui étant attribuée, le roi l'exile à Bourges (1749), puis à Pontchartrain. Rentré en grâce à l'avènement de Louis XVI, Maurepas devient ministre d'État (1774), président du Conseil des finances ; il favorise le départ de Maupeou (1774), le rappel des parlementaires, fait appel à Turgot, Malesherbes, Vergennes, Sartine. Mais sa frivolité l'empêche souvent de les soutenir contre les cabales de cour.

Maurras (Charles),

écrivain et théoricien politique (Martigues, Bouches-du-Rhône, 1868 - Saint-Symphorien, près de Tours, 1952).

Issu d'une famille de la petite bourgeoisie, il accomplit ses études secondaires au collège diocésain d'Aix-en-Provence, où il se lie d'amitié avec Henri Bremond. Ayant perdu l'ouïe à l'âge de 13 ans, il affronte avec douleur le problème du mal et se détache peu à peu de la foi catholique. Bachelier à 17 ans, il monte à Paris pour suivre des études supérieures, mais s'oriente rapidement vers une carrière de journaliste et de critique littéraire. Les Annales de philosophie chrétienne, l'Observateur français, la Revue encyclopédique Larousse, accueillent ses articles. La précocité de son talent, le ton vif de ses écrits, éveillent l'attention de ses aînés, tel Taine.

Un nationalisme exclusif et un catholicisme politique.

• Maurras forge ses idées et ses conceptions politiques dans le contexte de la vague nationaliste issue du boulangisme, reprenant et développant des thèmes alors récurrents - antisémitisme, antiprotestantisme, antimaçonnisme, vive conscience de la décadence. Fervent disciple de Mistral, il adhère au groupe parisien du félibrige, s'opposant ainsi à un jacobinisme qui prétend cantonner la Provence à un pur « rôle de mécanique administrative ». Cette prise de position annonce sa ligne politique ultérieure : la primauté de la lutte pour la restauration d'un État fort, qui préserve l'autonomie des provinces, réintègre le monde ouvrier délaissé par le vieux parti républicain, et renforce l'identité française. En effet, Maurras estime celle-ci menacée par les juifs, les métèques, les protestants et les francs-maçons, auxquels la République, selon lui, ouvre très largement ses portes. Son nationalisme n'est pas seulement exclusif : il substitue au christianisme une autre religion, celle de la déesse « France », dont le catholicisme constitue l'armature historique. Son Enquête sur la monarchie (1900-1909) conclut, après le choc de l'affaire Dreyfus, à l'urgence de rétablir « la monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée ». La formule définit la cohérence du système. En rejetant le parlementarisme, le « pays réel », enraciné dans un riche réseau d'organisations locales et professionnelles, retrouvera sa voie. Telle est la « politique naturelle » qui redonnera à la patrie « une tête libre et un corps vigoureux ». La monarchie rêvée n'est plus celle de l'Ancien Régime. Autant de convictions que Maurras exprime régulièrement dans les colonnes de l'Action française, devenue un quotidien en 1908.