Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Gaule (suite)

Ces mouvements, en partie à la faveur des échanges culturels, permettent aussi le développement d'un art original, l'art celtique, fondé sur une prédilection pour les motifs géométriques curvilignes et pour une certaine stylisation des représentations humaines ou animales. Cet art est surtout connu par les objets de parure en métal, la statuaire restant essentiellement en bois.

Vers la civilisation urbaine

Une fois les mouvements celtiques stabilisés, voire parfois en reflux, comme en Turquie ou en Italie du Nord, et les migrations ne pouvant plus servir d'exutoires à la croissance démographique, on assiste à nouveau à un renforcement de la hiérarchie sociale. Dans la moitié nord de la France, qui appartient à la zone celtique originelle, celle-ci se manifeste à travers l'émergence des oppidums : ces places fortes qui atteignent couramment une centaine d'hectares, sont entourées de murailles de bois et de terre (le fameux murus gallicus), et regroupent des activités à la fois artisanales, commerciales, politiques et religieuses. L'un des mieux connus est celui du mont Beuvray (Bibracte), situé sur une hauteur du Morvan, mais il existe aussi des oppidums en plaine, comme à Villeneuve-Saint-Germain ou à Variscourt-Condé-sur-Suippe, dans l'Aisne.

À la différence des oppidums du midi de la France, de taille plus restreinte (quelques hectares), et dont la répartition anarchique évoque une situation de compétition politique et économique au sein des élites indigènes, ceux du nord, de plus grande taille, s'insèrent dans un maillage régulier, structurant le territoire des différents « peuples » gaulois. Les noms de ceux-ci, au nombre d'une soixantaine, nous ont été rapportés par les historiens romains, et on considère que leurs frontières se sont grossièrement transmises, au travers de l'administration romaine, jusque dans les actuelles limites des diocèses. Sur le territoire de ces peuples figure tout un réseau de villages, de hameaux et de grandes fermes. Celles-ci se développent parallèlement aux oppidums et sont l'indice d'une aristocratie terrienne en plein essor. Les relations commerciales avec l'Italie et la Narbonnaise ne cessent de s'intensifier, et on trouve, à partir du IIe siècle avant J.-C., quantité d'amphores à vin sur différents sites gaulois.

On peut donc considérer ces territoires ethniques comme autant d'« États » naissants, qui s'appuient sur des embryons de villes, une aristocratie terrienne et, dès le IIe siècle, un monnayage. Les premières monnaies gauloises, propres à chaque « peuple » ou « cité » (civitas, dans la terminologie romaine), imitent au départ les statères d'or de Philippe de Macédoine, mais s'en affranchissent bientôt, pour dériver vers des thèmes originaux et stylisés, considérés comme l'une des réussites de l'art celtique.

Certains de ces peuples occupent des positions régionales dominantes, tels les Ambiens dans la Somme, les Bituriges en Berry, les Arvernes dans le sud du Massif central, ou les Éduens en Bourgogne et dans la vallée de la Saône. Des sanctuaires sont connus, soit dans les oppidums, soit en dehors, comme à Gournay-sur-Aronde ou à Ribemont-sur-Ancre, et souvent à proximité de frontières ethniques. Ils sont en général liés à la guerre : on y expose les trophées, voire les corps des guerriers ennemis. Les traces de ces rituels sont encore mieux conservées dans le Midi, à Glanum, Saint-Blaise ou Nages, mais surtout à Entremont et à Roquepertuse. Y ont été mis au jour des portiques en pierre, dont les piliers étaient ornés de têtes de guerriers morts, réelles ou sculptées, et des statues de guerriers armés, debout ou assis en lotus. De telles sculptures, en pierre ou en bronze, se rencontrent aussi dans le Nord. Ces sanctuaires devaient être gérés par une caste de prêtres, les druides, dont César nous dit l'importance politique, au point que toute activité leur sera interdite peu de temps après la conquête.

La conquête des Gaules par Rome

Elle commence en 124 avant J.-C. avec l'annexion de tout le Midi méditerranéen, Provence et Languedoc, qui devient la Gaule Transalpine (la Gaule Cisalpine étant l'Italie du Nord). Depuis le IIIe siècle, les importations italiques ont pris une part croissante dans le commerce avec les populations du Midi, tandis que Rome a repris l'Espagne et ses marges à Carthage, à la suite de la deuxième guerre punique (218-201 avant J.-C.). Marseille, en butte aux pressions des indigènes, notamment de la puissante Confédération des Saliens, dont la capitale est Entremont, près d'Aix-en-Provence, appelle les armées romaines à son aide. Entremont est détruit et, malgré quelques révoltes ultérieures, la pacification achevée. De nombreux colons romains, anciens soldats ou plébéiens, s'installent ; une route littorale, la voie domitienne, est construite. Les cœurs urbains protohistoriques se transforment en villes romaines : Narbonne (première colonie romaine, fondée en 118 avant J.-C.), Arles, Orange, etc., tandis que Marseille reste pour un temps indépendante.

Les Romains entretiennent avec le reste de la Gaule des relations commerciales - certains marchands italiens s'installant même dans les oppidums - mais aussi diplomatiques, malgré le passif légué par la guerre. Ainsi, les Éduens sont proclamés dès 125 avant J.-C. « amis et frères du peuple romain ». Il est vrai qu'une autre menace se fait désormais sentir, celle des Germains. Deux peuples germaniques, les Cimbres et les Teutons, réussissent même à traverser la Gaule en la ravageant, avant d'être écrasés in extremis par Marius en 101 avant J.-C., près de Verceil. Cette menace reste constante, même si la limite culturelle entre Celtes et Germains semble très floue, la frontière du Rhin que désignera César par la suite correspondant sans doute plus à des commodités stratégiques qu'à une réalité ethnique.

Telle est la situation générale que trouve César en Gaule lorsqu'il devient gouverneur de la Cisalpine en 58 avant J.-C. Il décrit lui-même la Gaule indépendante comme « divisée en trois parties » culturellement bien distinctes : dans le Sud-Ouest, l'Aquitaine, où au moins une partie de la population parlait sans doute des langues apparentées au basque ; dans le Centre, la Gaule « classique » ; dans le Nord, les « Belges ». Ces derniers, établis sur un territoire qui comprend tout le nord de la France, Champagne et Picardie y comprises, ainsi qu'une partie de la Belgique et de l'Allemagne, sont les moins touchés par l'influence méditerranéenne, et sont parfois considérés comme étant « d'origine germanique ».