Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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pomme de terre. (suite)

D'un côté, l'introduction de la pomme de terre dans l'alimentation des Français constitue un progrès historique : sans elle, l'essor démographique des XVIIIe et XIXe siècles n'aurait pas été possible. Mais elle est ressentie par les intéressés comme une dégradation de leur ordinaire : ainsi en Alsace où, vers 1775, ce tubercule est devenu « la ressource des habitants qui sont trop pauvres pour se nourrir de pain pendant l'année entière ».

Pompadour (Jeanne Antoinette Poisson, marquise de),

favorite de Louis XV (Paris 1721 - Versailles 1764).

Fille de la galante Mme Poisson et d'un financier - Pâris-Duverney ou peut-être Le Normant de Tournehem, qui dirige ses premiers pas dans le monde -, elle reçoit chez les ursulines une excellente éducation, puis acquiert le ton des salons et un goût très sûr au contact du milieu des fermiers généraux parisiens. Mariée à 19 ans à Charles Guillaume Le Normant, seigneur d'Étiolles, neveu de son mentor, elle est poussée dans les bras de Louis XV en février 1745, après la mort de la duchesse de Châteauroux, maîtresse de ce dernier. L'installation d'une bourgeoise comme favorite du roi est à Versailles une révolution psychosociale, mais aussi esthétique : les manières brillantes et les goûts de la ville s'introduisent désormais à la cour. Créée marquise en juillet 1745, « la Pompadour » est pendant cinq ans la maîtresse du roi. Se cantonnant ensuite dans un rôle d'amie de cœur et d'organisatrice des plaisirs royaux, elle multiplie aussi les attitudes de dévotion ; elle améliore ses relations avec la famille royale - les Enfants de France l'avaient surnommée « maman putain » - et consolide une relative influence politique au profit de ses amis et adulateurs, tels Soubise, Bernis et Choiseul. Elle reçoit comme une véritable reine solliciteurs, courtisans, ministres et diplomates.

Mais le rôle de « Sa Majesté Cotillon », ainsi que la surnomme Frédéric II de Prusse, se fait surtout sentir dans le domaine de l'esprit et des arts. Elle protège Voltaire, les Encyclopédistes, ou encore Quesnay, chef de file des physiocrates. Tournehem est directeur général des Bâtiments de 1746 à 1751 ; lui succède jusqu'en 1773 le marquis de Marigny, frère de la Pompadour. Celle-ci aménage ses nombreux châteaux de plaisance successifs, tel celui de Bellevue à Meudon, ou encore l'hôtel d'Évreux (l'Élysée) à Paris. Elle appuie l'édification du Petit Trianon à Versailles, de l'École militaire à Paris, dont Pâris-Duverney dirige les travaux à partir de 1751. Ses goûts se manifestent dans ses nombreuses toilettes et dans les décorations qu'elle fait réaliser : l'ébéniste Œben et le peintre Boucher sont de ses protégés et contribuent à créer ce qu'on appellera le « style Pompadour ». À sa mort, elle lègue à son frère et au roi une fortune bien gérée.

Le long rôle de premier plan que joue la Pompadour au cœur du règne personnel de Louis XV fait d'elle l'un des symboles de ce règne, et la figure par excellence de la favorite. À une époque où s'affirme l'opinion publique, les « poissonnades » (libelles injurieux à son encontre qui circulent dans Paris) montrent aussi que la favorite royale a une fonction de « paratonnerre », détournant les mécontentements de l'institution monarchique.

Pompidou (Georges),

homme politique (Montboudif, Cantal, 1911 - Paris 1974).

Pris dans un repli de mémoire entre la geste gaullienne et les deux septennats de François Mitterrand, Georges Pompidou partage avec Valéry Giscard d'Estaing ce statut incertain de président phagocyté par des voisins aussi présents. Un tel statut historique est d'autant moins équitable que Pompidou fut aux affaires, à la tête du pays, pendant plus d'une décennie : presque un septennat de Premier ministre, d'avril 1962 à juillet 1968, et un quinquennat - puisque son mandat fut interrompu par la mort - de président de la République, de juin 1969 à avril 1974.

Un boursier conquérant.

• On l'a souvent souligné, Georges Pompidou est un pur produit de la méritocratie de la IIIe République. Son père, Léon Pompidou, était fils de paysan ; il devint instituteur, et épousa une institutrice. L'ascension « par le diplôme » va continuer à la génération suivante. Élève très brillant au lycée d'Albi, Georges Pompidou obtient, en 1927, le premier prix de version grecque au concours général. Dès lors, sa voie est tracée : il préparera le concours de l' École normale supérieure (ENS). Hypokhâgneux à Toulouse, khâgneux au lycée Louis-le-Grand, il « intègre » la rue d'Ulm en 1931. Trois ans plus tard, il est reçu premier à l'agrégation de lettres.

Tout, apparemment, destine ce jeune homme à une brillante carrière universitaire, même s'il a aussi suivi, durant son séjour à l'ENS, les cours de l'École libre des sciences politiques (ancêtre de l'actuel Institut d'études politiques, fondé après la Seconde Guerre mondiale). Il commence d'ailleurs à enseigner au lycée Saint-Charles de Marseille et, dès 1938, à 27 ans, est nommé professeur au lycée Henri-IV, à Paris. Et, pourtant, cette route apparemment bien tracée va bientôt bifurquer. Mais, pour lui, contrairement à nombre de jeunes hommes de sa génération, c'est moins la guerre que l'après-guerre qui va constituer un tournant.

« L'agrégé sachant écrire ».

• À l'heure où le destin bascule pour la plupart des futurs barons du gaullisme, qui plongent dans une Résistance qui deviendra identitaire pour eux, Georges Pompidou reste, à cet égard, un homme ordinaire. Il « fait son devoir », en 1939-1940, comme lieutenant au 141e régiment d'infanterie, puis reprend son poste au lycée Henri-IV. Tout au long des années noires de l'Occupation, il rend des services - il vient en aide à des amis juifs victimes des poursuites et des persécutions, il transmet des tracts -, mais il ne jouera jamais un véritable rôle dans la Résistance et, du reste, ne revendiquera à aucun moment le « statut » de résistant.

La rencontre avec le gaullisme a lieu à la Libération. « L'idée de rentrer à Henri-IV alors que la France ressuscitait ne me venait pas à l'esprit », notera Georges Pompidou dans Pour rétablir la vérité. Il écrit donc à un ami du temps de la rue d'Ulm, René Brouillet, directeur adjoint du cabinet du général de Gaulle, et, grâce à lui, entre dans ce cabinet. De Gaulle est alors chef du Gouvernement provisoire de la République française. La petite histoire a retenu qu'il cherche un « agrégé sachant écrire ». Le mot est apocryphe. Toujours est-il que Pompidou s'occupe d'abord de l'Éducation nationale et de l'Information, et sait se faire apprécier peu à peu du Général. Quand celui-ci quitte ses fonctions, en janvier 1946, Georges Pompidou devient maître des requêtes au Conseil d'État. Mais les liens entre les deux hommes, loin de se distendre, vont se resserrer. Si le plus jeune n'est pas de l'aventure du RPF, fondé en 1947, il s'acquitte, avec efficacité, des fonctions de secrétaire général de la Fondation Anne-de-Gaulle, consacrée à l'enfance handicapée. Les deux hommes ont alors acquis une sorte d'intimité. Du reste, en avril 1948, de Gaulle demande à son cadet d'être son chef de cabinet, et, dès lors, nombre de gaullistes voient en lui l'éminence grise du Général.