homme politique (Montboudif, Cantal, 1911 - Paris 1974).
Pris dans un repli de mémoire entre la geste gaullienne et les deux septennats de François Mitterrand, Georges Pompidou partage avec Valéry Giscard d'Estaing ce statut incertain de président phagocyté par des voisins aussi présents. Un tel statut historique est d'autant moins équitable que Pompidou fut aux affaires, à la tête du pays, pendant plus d'une décennie : presque un septennat de Premier ministre, d'avril 1962 à juillet 1968, et un quinquennat - puisque son mandat fut interrompu par la mort - de président de la République, de juin 1969 à avril 1974.
Un boursier conquérant.
• On l'a souvent souligné, Georges Pompidou est un pur produit de la méritocratie de la IIIe République. Son père, Léon Pompidou, était fils de paysan ; il devint instituteur, et épousa une institutrice. L'ascension « par le diplôme » va continuer à la génération suivante. Élève très brillant au lycée d'Albi, Georges Pompidou obtient, en 1927, le premier prix de version grecque au concours général. Dès lors, sa voie est tracée : il préparera le concours de l' École normale supérieure (ENS). Hypokhâgneux à Toulouse, khâgneux au lycée Louis-le-Grand, il « intègre » la rue d'Ulm en 1931. Trois ans plus tard, il est reçu premier à l'agrégation de lettres.
Tout, apparemment, destine ce jeune homme à une brillante carrière universitaire, même s'il a aussi suivi, durant son séjour à l'ENS, les cours de l'École libre des sciences politiques (ancêtre de l'actuel Institut d'études politiques, fondé après la Seconde Guerre mondiale). Il commence d'ailleurs à enseigner au lycée Saint-Charles de Marseille et, dès 1938, à 27 ans, est nommé professeur au lycée Henri-IV, à Paris. Et, pourtant, cette route apparemment bien tracée va bientôt bifurquer. Mais, pour lui, contrairement à nombre de jeunes hommes de sa génération, c'est moins la guerre que l'après-guerre qui va constituer un tournant.
« L'agrégé sachant écrire ».
• À l'heure où le destin bascule pour la plupart des futurs barons du gaullisme, qui plongent dans une Résistance qui deviendra identitaire pour eux, Georges Pompidou reste, à cet égard, un homme ordinaire. Il « fait son devoir », en 1939-1940, comme lieutenant au 141e régiment d'infanterie, puis reprend son poste au lycée Henri-IV. Tout au long des années noires de l'Occupation, il rend des services - il vient en aide à des amis juifs victimes des poursuites et des persécutions, il transmet des tracts -, mais il ne jouera jamais un véritable rôle dans la Résistance et, du reste, ne revendiquera à aucun moment le « statut » de résistant.
La rencontre avec le gaullisme a lieu à la Libération. « L'idée de rentrer à Henri-IV alors que la France ressuscitait ne me venait pas à l'esprit », notera Georges Pompidou dans Pour rétablir la vérité. Il écrit donc à un ami du temps de la rue d'Ulm, René Brouillet, directeur adjoint du cabinet du général de Gaulle, et, grâce à lui, entre dans ce cabinet. De Gaulle est alors chef du Gouvernement provisoire de la République française. La petite histoire a retenu qu'il cherche un « agrégé sachant écrire ». Le mot est apocryphe. Toujours est-il que Pompidou s'occupe d'abord de l'Éducation nationale et de l'Information, et sait se faire apprécier peu à peu du Général. Quand celui-ci quitte ses fonctions, en janvier 1946, Georges Pompidou devient maître des requêtes au Conseil d'État. Mais les liens entre les deux hommes, loin de se distendre, vont se resserrer. Si le plus jeune n'est pas de l'aventure du RPF, fondé en 1947, il s'acquitte, avec efficacité, des fonctions de secrétaire général de la Fondation Anne-de-Gaulle, consacrée à l'enfance handicapée. Les deux hommes ont alors acquis une sorte d'intimité. Du reste, en avril 1948, de Gaulle demande à son cadet d'être son chef de cabinet, et, dès lors, nombre de gaullistes voient en lui l'éminence grise du Général.