Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

contraception.

L'emploi de méthodes anticonceptionnelles est ancien, et a entraîné en France de vifs débats idéologiques et juridiques.

On trouve trace de philtres et de potions dès l'Antiquité, et d'actes « contre nature » dans les pénitentiels médiévaux, mais ces techniques semblent réservées à la sexualité illicite des prostituées et des clercs. En outre, le condom, ou préservatif, mentionné dès 1564, est plus antivénérien qu'anticonceptionnel.

Diffusion des pratiques restrictives.

• C'est à partir du XVIIe siècle que les élites commencent à limiter leur descendance, au nom du contrôle des instincts que prône par exemple Mme de Sévigné. Au cours du XVIIIe siècle, cette pratique se répand dans les mœurs. L'intendant Montyon ne note-t-il pas, en 1778, que « ces funestes secrets inconnus à tout animal autre que l'homme ont pénétré dans la campagne » ? Il s'agit du coitus interruptus, le retrait sexuel, procédé élémentaire mais certainement connu depuis des temps anciens, qui devient une habitude commune. Pourquoi a-t-on voulu alors limiter les naissances autrement que par le retard de l'âge du mariage ? La volonté d'éviter les conséquences de l'acte sexuel est sans doute motivée par ce que l'historien Philippe Ariès qualifie de « calcul sur la génération future », dans une période de relative prospérité qui donne l'habitude de la prévision. En outre, la mortalité infantile diminue ; de nombreuses naissances ne sont donc plus nécessaires pour s'assurer une descendance. Même si les révolutionnaires sont populationnistes, la Révolution - période de mutation culturelle et de déchristianisation - favorise une généralisation du processus de restriction volontaire des naissances. Ce malthusianisme persiste dans la première moitié du XIXe siècle et s'accentue par la suite : la population augmente, en effet, bien moins en France que dans d'autres pays en Europe et la fécondité décline, si bien que le taux de reproduction tombe au-dessous de l'unité dans les années 1851-1860, alors qu'il est de 1,34 en Angleterre et de 1,29 en Allemagne. Les nouveaux procédés anticonceptionnels ne sont pourtant diffusés en France qu'après 1914 (préservatif en caoutchouc vulcanisé apparu vers 1845, diaphragme inventé en 1880 aux États-Unis, puis, à la fin des années vingt, stérilet produit en Allemagne et « méthode Ogino » venue du Japon). Le processus de dépopulation, aggravé par les effets de la Première Guerre mondiale, suscite l'inquiétude des autorités : en 1920 est votée une loi réprimant l'avortement mais aussi la « propagande antinataliste » ou le fait d'avoir « décrit ou divulgué ou offert de révéler des procédés propres à prévenir la grossesse ou encore facilité l'usage de ces procédés ». Toutefois, ces mesures n'ont guère de résultats sur la natalité. Des amendements sont réclamés en vain par les premiers partisans du planning familial et une partie de la gauche, qui défendent l'idée que la contraception limiterait les avortements.

Vers la libéralisation.

• La polémique est relancée avec l'invention de la « pilule » en 1953 et la mise en vente de ce procédé contraceptif aux États-Unis en 1960. La campagne de l'élection présidentielle de 1965 est l'occasion d'un débat public. Selon des sondages, la majorité des Français souhaite alors une libéralisation de la contraception. À la fin de l'année 1967, la loi Neuwirth (du nom du député gaulliste qui l'a défendue) est votée par la droite modérée, le centre et la gauche, malgré l'hostilité d'une partie des gaullistes qui avancent des arguments nationalistes, religieux ou moraux (telle la nécessité de ne pas banaliser l'acte sexuel). Si cette loi autorise la vente de la pilule dans les pharmacies sur prescription médicale, les décrets d'application ne sont pas promulgués avant 1969 et 1972. Malgré les résistances des milieux catholiques (encyclique Humanae vitae, juillet 1968), la libéralisation de la contraception est finalement imposée par l'évolution générale de la société. En 1974, alors qu'est votée la loi Veil rendant licite l'interruption volontaire de grossesse, une loi supprime l'autorisation parentale pour les mineures qui souhaitent prendre la pilule et permet le remboursement par la Sécurité sociale des frais relatifs à la contraception orale. Aussi, la contraception se développe-t-elle : 6 % des femmes de 20 à 44 ans utilisent la pilule en 1970, 25 % en 1975, 32 % en 1988 ; 9 % des femmes portent un stérilet en 1975, 17 % en 1988. Avec l'apparition du sida, le préservatif retrouve son rôle prophylactique à partir des années 1980 ; la publicité pour les contraceptifs est autorisée en 1990. À cette date, pourtant, 40 % des premiers rapports sexuels auraient lieu sans aucune contraception ; cela est sans doute dû plus à des problèmes d'information et d'éducation en la matière qu'à l'opposition doctrinale, fortement réaffirmée, de l'Église catholique.

La libéralisation se poursuit dans les années 2000 avec la mise en vente libre de la « pilule du lendemain », distribuée gratuitement aux mineures.

Contre-Révolution,

désigne à la fois un mouvement politique et une doctrine qui se sont opposés à la marche de la Révolution française. Le terme recouvre cependant un ensemble disparate, dont l'examen historique permet de rendre compte.

Émigrés et militants

• . « Contre-Révolution » est forgé à partir de 1790, pour qualifier les premières oppositions à toutes les mutations politiques et sociales qui viennent de se produire : l'expression désigne alors les premiers « émigrés » - tels le comte d'Artois, le prince de Condé - qui ont quitté la France pour protester contre la puissance nouvelle de l'Assemblée constituante, la violence populaire exprimée lors du 14 juillet et des 5 et 6 octobre 1789, et la diminution du rôle du roi. Ce refus des mesures libérales s'enracine dans un courant historique et idéologique très organisé, qui a mené campagne depuis 1788, afin de limiter le pouvoir royal au profit des parlements et des corps intermédiaires conduits par les nobles et les élites traditionnelles, et qui a exclu le doublement de la représentation du tiers état aux États généraux. En Bretagne, dans le Poitou, en Provence, cette position a entraîné des affrontements, parfois violents, avec les réformateurs. En 1789, ces hommes, déçus de la faiblesse royale face à leurs adversaires politiques, rejettent toutes les demandes du Tiers, incitent le roi à résister, s'érigent en un groupe à l'Assemblée et constituent des réseaux dans le pays. En 1790, c'est autour d'eux que s'organisent, aux frontières, avec l'aide de princes allemands, des armées d'émigrés.