Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Premier Mai, (suite)

Le 1er mai 1920, la CGT lance une grève générale à partir du mouvement des cheminots de Paris. Mais son déroulement laisse percer les premiers « déchirements du monde ouvrier » (Annie Kriegel), entre les hésitations de la masse et l'impatience de la fraction révolutionnaire. Après les grandes manifestations de mai 1936, symbole des espoirs représentés par la gauche, et en attendant celles de 1947, où éclatent les désillusions de l'après-guerre, le 1er mai connaît une récupération officielle sous le régime de Vichy qui le décrète « fête du travail », alors même qu'il est choisi en 1942 pour l'organisation de vastes manifestations patriotiques anti-allemandes en zone libre. En 1955, le choix fait par le pape Pie XII de célébrer au 1er mai la fête de saint Joseph « charpentier » participe de cet effort de dépolitisation.

Devenu la fête officielle du travail, le 1er mai (chômé et payé) reste encore aujourd'hui pour nombre de travailleurs un moment symbolique où se jaugent l'unité syndicale, la popularité des partis traditionnels de représentation ouvrière, ou le poids des tensions sociales.

Premier ministre.

Au gré des régimes qui se succèdent en France, la fonction de Premier ministre émerge au fur et à mesure que se structurent les organes de gestion de l'État : premier parmi les ministres ou chef du gouvernement, il peut être aussi le plus haut responsable de l'administration.

Enfin, l'avènement des régimes parlementaires lui confère un rôle vis-à-vis de la représentation nationale qui siège à l'Assemblée.

Les antécédents.

• La fonction de Premier ministre est inconnue au Moyen Âge. Mais, sans remonter à saint Éloi ou à Pépin de Landen, on peut distinguer, assez tôt, dans l'entourage du monarque un conseiller privilégié qui, par la faveur du prince, jouit d'une délégation d'autorité et peut diriger les services, domestiques ou publics, du souverain : ainsi Suger, chancelier et régent durant la croisade de Louis VII, ou Enguerrand de Marigny, qui en vient à superviser l'ensemble des affaires du royaume dans les dernières années du règne de Philippe le Bel.

Longtemps, sous l'Ancien Régime, le chancelier, chef d'une administration nécessaire et structurée, fait figure de Premier ministre, tel Duprat auprès de François Ier, et plus encore Michel de L'Hospital auprès des derniers Valois. Mais c'est Richelieu qui, le premier, énonce le principe du « ministériat » : le roi ne pouvant assurer personnellement toutes les charges de l'État, il a recours à ses conseillers, dont l'un a une autorité supérieure, « meut tous les autres ». Cette fonction d'homme de confiance du souverain, même si elle n'est pas nécessairement formalisée par le titre de principal ministre, subsiste jusqu'à la Révolution ; s'y illustrent notamment Mazarin, Colbert, Fleury, Choiseul ou Turgot. Sous la Révolution, dans un premier temps, le roi est seul chef de l'exécutif, exerçant ce pouvoir sans l'aide d'un Premier ministre responsable devant l'Assemblée ; puis, dans un second temps, l'Assemblée prend en main tous les pouvoirs, désignant en son sein un exécutif collégial : dans les deux cas, il n'existe donc aucune des prérogatives qui sont celles d'un Premier ministre d'un régime parlementaire. De même, sous le Consulat et l'Empire, l'organisation des pouvoirs ne laisse aucune place à cette fonction.

Une fonction à la confluence des différents pouvoirs.

• La Restauration est une époque charnière. Certes, le roi, soucieux d'éviter un système de cabinet à l'anglaise, récuse la fonction de Premier ministre, qui n'est pas mentionnée dans la Charte. Néanmoins, l'institution se fixe au fil de la pratique parlementaire, entre 1815 et 1848 : un président du Conseil des ministres apparaît, chargé de constituer le cabinet. Il est la figure marquante du gouvernement, dont il dirige les travaux et qu'il représente devant les Chambres : ainsi parle-t-on d'un ministère Richelieu ou Villèle, Perier ou Guizot. Le Second Empire, régime autoritaire, marque une régression en la matière, même si la fonction de principal ministre a pu être exercée par des hommes comme Fould ou Rouher.

Sous la IIIe République, on ne parle toujours pas de Premier ministre, mais de président du Conseil. Nommé par le président de la République, il constitue le ministère, mais il n'est encore que primus inter pares, n'importe quel ministre pouvant poser la question de confiance devant les Chambres ; en outre, il assure souvent lui-même la charge d'un département ministériel. Toutefois, dans les années 1930, le président du Conseil parvient à concentrer dans ses mains la réalité des tâches qui seront dévolues à un Premier ministre : chef de l'administration, il dispose désormais de services propres, installés à Matignon (1935) ; chef du gouvernement, il dirige l'équipe des ministres et gouverne souvent par décrets-lois.

La IVe République sanctionne cet état de fait : le président du Conseil est le véritable responsable de la politique nationale, bénéficiant personnellement de la confiance de l'Assemblée, votée sur un programme. Mais cette dépendance à l'égard de la représentation nationale fait sa faiblesse, les majorités parlementaires étant souvent des alliances de circonstance.

Le Premier ministre sous la V• e République

. En réaction, le général de Gaulle restaure le rôle du président de la République et crée la fonction de Premier ministre. Celui-ci se trouve à la charnière de l'exécutif et du législatif : nommé par le président, il forme le gouvernement, qui détermine et conduit la politique de la nation (article 20 de la Constitution) ; responsable devant l'Assemblée, il est le chef de la majorité parlementaire. Mais la pratique du pouvoir du Général et de ses successeurs et, surtout, l'onction que confère le suffrage universel au président de la République à partir de la réforme de 1962 contribuent à restreindre le rôle du Premier ministre : ce dernier est le plus haut collaborateur du chef de l'État ; il met en œuvre davantage qu'il ne conçoit la politique de la nation. Se trouve sans doute ainsi rétablie la fonction de principal ministre, à la fois chef des fonctionnaires et chef de l'équipe gouvernementale. Toutefois, durant les périodes de cohabitation, le Premier ministre, leader d'une majorité parlementaire hostile au président, retrouve des marges de manœuvre pour appliquer un programme qui lui est propre.