Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

patriotisme. (suite)

Une notion ambivalente.

• Cependant, le terme « patrie » n'est pas neuf et sa polysémie pourrait mettre en danger l'idéal révolutionnaire. Au XVIIIe siècle, d'Holbach l'associe à la « liberté politique » et au « bon gouvernement », alors que Rousseau l'identifie au pays natal qui émeut. Robespierre parvient le plus souvent à associer ces deux aspects de la notion, déclarant le 18 floréal an II : « Oui, cette terre délicieuse que nous habitons [...] est faite pour la liberté et le bonheur [...] ô ma patrie ! [...] Ô peuple sublime, reçois le sacrifice de tout mon être, heureux celui qui est né au milieu de toi ! Plus heureux celui qui peut mourrir pour ton bonheur. » Mais on tente aussi de lever les ambiguïtés de la notion. À Dijon, le 18 mai 1790, l'abbé Volfius déclare que « la patrie n'est point le sol qui nous a vu naître. La vraie patrie est cette communauté politique où tous les citoyens français protégés par les mêmes lois, réunis dans un même intérêt jouissent des droits naturels de l'homme et font partie de la chose publique ». Dans les Fragments d'institutions républicaines, Saint-Just rejoint cette position : « La patrie n'est point le sol, elle est la communauté des affections, qui fait que chacun combattant pour le salut ou la liberté de ce qui lui est cher, la patrie se trouve défendue. » Ce qui unifie la conception révolutionnaire du patriotisme est « l'amour des lois », « l'orgueil de la liberté et de la vertu ». Le dévouement « de sang froid aux périls et à la mort » suppose un attachement sans faille aux valeurs qui enfantent les patriotes révolutionnaires. Mais, lorsque les lois deviennent mauvaises, l'amour de la patrie doit permettre de résister.

Cependant, si le renoncement au droit de conquête devait épurer l'amour de la patrie, en l'an III, le retour d'une conception guerrière conquérante pourrait faire sombrer le patriotisme dans le mépris des lois et la haine des autres nations ; il pourrait perdre sa dimension sacrée et ne s'identifier qu'à la simple défense des intérêts nationaux. De ce fait, aux XIXe et XXe siècles, la notion de patriotisme peut aussi bien être adoptée par une gauche républicaine - qui se réclame de l'amour des lois justes - que par une droite - qui fait porter la charge sacrée du sentiment patriotique sur la mémoire des morts. Après la Première Guerre mondiale, l'ambivalence est à son comble puisque les anciens combattants qui se sont battus au nom des valeurs républicaines contre l'Empire allemand mais aussi pour la reconquête des « provinces perdues » peuvent tous, à bon droit, se réclamer du patriotisme, sans que celui-ci puisse incarner une place précise sur l'échiquier politique. De plus, à gauche, le patriotisme est concurrencé par l'internationalisme, qui n'a plus un Jaurès pour affirmer que les deux termes ne sont pas inconciliables. Si la lutte antifasciste puis la Résistance le remettent à l'honneur - les résistants sont des « patriotes », qu'ils soient communistes ou issus des mouvements patriotes de droite de l'entre-deux-guerres ; l'émission diffusée depuis Londres s'intitule « Honneur et patrie » -, le terme conserve néanmoins une connotation de droite, et sa valeur révolutionnaire semble difficile à restituer.

patronage,

tutelle exercée sur une église qui autorise son « patron » à désigner le « desservant » et à percevoir la dîme et les différents revenus paroissiaux.

Par tradition ou à la suite de la création de nouvelles paroisses villageoises, aux XIe et XIIe siècles, dans le cadre de l'enchâtellement ou de grands défrichements collectifs, de nombreux seigneurs laïcs se considèrent comme les fondateurs ou les protecteurs privilégiés d'un grand nombre d'églises rurales. Les églises et les dîmes qui leur sont attachées sont alors intégrées à leur patrimoine. Mais la réforme grégorienne, qui entend confier aux seuls ecclésiastiques la direction de l'Église, dénonce cette emprise des laïcs, qu'elle considère comme délictueuse. À partir des années 1070-1080, moines et évêques réformateurs cherchent à contraindre les seigneurs laïcs - au besoin, en recourant à l'excommunication ou à l'anathème - à abandonner leur droit de patronage au profit des clercs. La pression exercée par les clercs et la résistance opposée par les laïcs varient beaucoup d'une région ou d'un diocèse à l'autre, mais un lent mouvement de restitution s'opère, qui dure parfois jusqu'au XIIIe siècle. Dans de nombreuses régions, en particulier méridionales, ces restitutions fragilisent la situation économique de certaines familles de la petite et de la moyenne aristocratie seigneuriale, pour lesquelles les dîmes représentaient une source de revenus non négligeable. Par ailleurs, ces restitutions bénéficient surtout aux établissements monastiques qui contrôlent désormais, au détriment des évêques, une grande partie des églises paroissiales.

paulette (édit de la),

déclaration royale du 12 décembre 1604 qui permet aux officiers du roi d'être dispensés de la clause des quarante jours pour céder leur charge.

Il leur suffit désormais de payer, en échange, un droit annuel d'un soixantième de la valeur de l'office et un droit de résignation d'un huitième ; si l'officier meurt sans résigner, l'office reviendra directement aux héritiers : c'est pourquoi on désigne communément la paulette par « édit des femmes » car elle profite essentiellement aux veuves des officiers.

Cet édit, créé par Sully, officialise le caractère patrimonial de l'office royal, malgré l'opposition du chancelier Bellièvre, attaché à la conception ancienne d'une monarchie tempérée par un corps d'officiers méritants. Cependant, les charges des premiers présidents, des procureurs et des avocats du roi des cours souveraines, des lieutenants généraux civils, des baillis et des sénéchaux dans les présidiaux en sont exclus. Mais, ainsi que le déplorera le cardinal de Richelieu, la couronne, toujours en manque d'argent, ne respecte pas ces restrictions. Charles Paulet acquiert la Ferme du droit annuel pour neuf ans, moyennant un versement annuel de 900 000 livres pour le Trésor. À l'exception d'un court intermède entre 1618 et 1620, l'affermage de la paulette est renouvelé, assorti d'un prêt, sorte d'impôt déguisé. Malgré les récriminations de la noblesse, le droit annuel est trop avantageux pour que la couronne le supprime. L'État fidélise le « quatrième état » et obtient une rentrée régulière d'argent. Quant aux officiers, ils s'assurent une indépendance et une possible promotion sociale. En 1771, Terray uniformise le droit annuel pour tous les offices en confondant le prêt et la taxe qui, désormais, s'élève au centième de la valeur de la charge.