patriotisme. (suite)
Une notion ambivalente.
• Cependant, le terme « patrie » n'est pas neuf et sa polysémie pourrait mettre en danger l'idéal révolutionnaire. Au XVIIIe siècle, d'Holbach l'associe à la « liberté politique » et au « bon gouvernement », alors que Rousseau l'identifie au pays natal qui émeut. Robespierre parvient le plus souvent à associer ces deux aspects de la notion, déclarant le 18 floréal an II : « Oui, cette terre délicieuse que nous habitons [...] est faite pour la liberté et le bonheur [...] ô ma patrie ! [...] Ô peuple sublime, reçois le sacrifice de tout mon être, heureux celui qui est né au milieu de toi ! Plus heureux celui qui peut mourrir pour ton bonheur. » Mais on tente aussi de lever les ambiguïtés de la notion. À Dijon, le 18 mai 1790, l'abbé Volfius déclare que « la patrie n'est point le sol qui nous a vu naître. La vraie patrie est cette communauté politique où tous les citoyens français protégés par les mêmes lois, réunis dans un même intérêt jouissent des droits naturels de l'homme et font partie de la chose publique ». Dans les Fragments d'institutions républicaines, Saint-Just rejoint cette position : « La patrie n'est point le sol, elle est la communauté des affections, qui fait que chacun combattant pour le salut ou la liberté de ce qui lui est cher, la patrie se trouve défendue. » Ce qui unifie la conception révolutionnaire du patriotisme est « l'amour des lois », « l'orgueil de la liberté et de la vertu ». Le dévouement « de sang froid aux périls et à la mort » suppose un attachement sans faille aux valeurs qui enfantent les patriotes révolutionnaires. Mais, lorsque les lois deviennent mauvaises, l'amour de la patrie doit permettre de résister.
Cependant, si le renoncement au droit de conquête devait épurer l'amour de la patrie, en l'an III, le retour d'une conception guerrière conquérante pourrait faire sombrer le patriotisme dans le mépris des lois et la haine des autres nations ; il pourrait perdre sa dimension sacrée et ne s'identifier qu'à la simple défense des intérêts nationaux. De ce fait, aux XIXe et XXe siècles, la notion de patriotisme peut aussi bien être adoptée par une gauche républicaine - qui se réclame de l'amour des lois justes - que par une droite - qui fait porter la charge sacrée du sentiment patriotique sur la mémoire des morts. Après la Première Guerre mondiale, l'ambivalence est à son comble puisque les anciens combattants qui se sont battus au nom des valeurs républicaines contre l'Empire allemand mais aussi pour la reconquête des « provinces perdues » peuvent tous, à bon droit, se réclamer du patriotisme, sans que celui-ci puisse incarner une place précise sur l'échiquier politique. De plus, à gauche, le patriotisme est concurrencé par l'internationalisme, qui n'a plus un Jaurès pour affirmer que les deux termes ne sont pas inconciliables. Si la lutte antifasciste puis la Résistance le remettent à l'honneur - les résistants sont des « patriotes », qu'ils soient communistes ou issus des mouvements patriotes de droite de l'entre-deux-guerres ; l'émission diffusée depuis Londres s'intitule « Honneur et patrie » -, le terme conserve néanmoins une connotation de droite, et sa valeur révolutionnaire semble difficile à restituer.