Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Sieyès (Emmanuel Joseph, dit l'abbé), (suite)

Considéré comme « l'une des clés de la révolution » (Jean-Denis Bredin), Sieyès incarne la victoire sur l'Ancien Régime tout en appartenant à cette bourgeoisie heureuse de confier à Napoléon le soin d'achever la Révolution.

Sigebert III,

roi d'Austrasie (633 ou 634/656).

Fils aîné de Dagobert Ier, Sigebert est proclamé roi des Austrasiens à l'âge de 3 ans pour satisfaire le désir d'autonomie de l'aristocratie locale par rapport à la Neustrie. Son gouvernement est placé sous la tutelle des grandes familles de la région, représentées par le duc Adalgisel et par l'évêque de Cologne Cunibert, puis par Pépin de Landen, qui devient maire du palais en 639. La mort de ce dernier (640) ouvre cependant une crise politique opposant le parti des Pippinides, mené par Grimoald, fils de Pépin, à celui d'Otton, qui parvient à s'emparer de la mairie du palais. Ce n'est qu'à la suite de plusieurs révoltes, et notamment d'une expédition manquée contre le duc des Thuringiens Radulf, que Grimoald peut reprendre la charge de maire du palais ; il exerce par la suite une influence croissante sur le jeune roi. Tous deux participent à la fondation des monastères de Stavelot et Malmédy (646), sur la demande de Rémacle, successeur de saint Éloi comme abbé de Solignac, dans le Limousin, qui cherche à fonder une abbaye royale en Austrasie.

Vers 646, Sigebert contracte un mariage, qui reste plusieurs années sans descendance ; c'est la raison pour laquelle Grimoald parvient à faire adopter par le roi son propre fils, rebaptisé du nom mérovingien de Childebert - adoption qui donne à celui-ci droit au trône. Par la suite, le couple royal a un fils, prénommé Dagobert ; mais lorsque Sigebert tombe gravement malade au début de l'année 656, Grimoald confie le jeune Dagobert à l'évêque de Poitiers, qui l'expédie en Irlande.

Sigebert meurt le 1er février 656 ; il est enterré dans l'abbaye Saint-Martin de Metz, qu'il avait lui-même fondée. Autour de sa tombe se développe un culte que réactive au XIe siècle la rédaction d'une Vie de saint Sigebert, par Sigebert de Gembloux. Mais, jusqu'au XVIe siècle, ce culte ne prospère qu'à Metz et à Stavelot-Malmédy, où l'ancien roi est vénéré comme saint fondateur. En revanche, lorsqu'en 1603 le duc de Lorraine Charles III fait transférer les reliques du saint de Metz à la primatiale (future cathédrale) de Nancy, Sigebert devient non seulement l'un des protecteurs de la ville, mais aussi un saint patron de la Lorraine. On l'invoquait à Nancy en cas de calamités publiques, lors de processions solennelles décrétées par les magistrats de la ville.

Silhouette (Étienne de),

éphémère contrôleur général des Finances en 1759 (Limoges 1709 - château de Bry-sur-Marne 1767).

D'une famille originaire de Bayonne, il est le fils d'un receveur des tailles à Limoges fraîchement anobli, dont la fortune lui ouvre une carrière de magistrat administrateur : conseiller au parlement de Metz (1735), maître des requêtes (1745), chancelier-garde des Sceaux du duc d'Orléans (1746-1757), commissaire pour le règlement des limites de l'Acadie (1749), commissaire du roi auprès de la Compagnie des Indes (1751). Il voyage en Europe, apprécie l'Angleterre, traduit Alexander Pope et Bolingbroke dès 1729, et écrit sur la Chine. Protégé de la Pompadour et du maréchal de Belle-Isle, il devient contrôleur général des Finances le 4 mars 1759, et ministre d'État. De cet homme réputé original et éclairé, qui autorise la fabrication et l'importation des « indiennes » et crée au contrôle général une Bibliothèque des finances (juridique et administrative), on attend un financement miraculeux de la coûteuse guerre de Sept Ans. Mais, après avoir réalisé des économies et lancé un emprunt, il prévoit, par son édit de « subvention générale », une augmentation des droits des fermes, la taxation de dépenses somptuaires et la création d'un troisième impôt du vingtième qui, après ceux de 1749 et 1756, inquiète les privilégiés. L'édit est difficilement enregistré par le parlement de Paris en septembre, cependant que, orchestrée par une campagne de libelles, l'impopularité croissante de Silhouette menace le crédit public : il démissionne le 21 novembre. Bertin, qui lui succède, abandonne la subvention générale au profit d ... mesures similaires. Retiré dans son château de Bry, le ministre déchu se serait amusé à dessiner des profils obtenus par ombres chinoises : ainsi s'expliquerait l'origine du nom commun « silhouette ».

Simon (Jules François Suisse, dit Jules),

philosophe et homme politique républicain libéral (Lorient 1814 - Paris 1896).

Normalien (1833) et agrégé de philosophie (1836), il devient suppléant de Victor Cousin à la Sorbonne en 1839. Député des Côtes-du-Nord à l'Assemblée constituante de 1848, il siège parmi les modérés, mais n'est pas réélu aux législatives d'avril 1849. Son cours à la Sorbonne est suspendu le 16 décembre 1851 parce qu'il a dénoncé en chaire le coup d'État du 2 décembre. Sous le Second Empire, il publie une série d'ouvrages (le Devoir, 1854 ; la Religion naturelle, 1856 ; la Liberté, 1859, etc.) dans lesquels il définit son libéralisme républicain : rejetant aussi bien l'absolutisme traditionnel que l'absolutisme révolutionnaire, il associe loi morale - tirée de sa foi en Dieu –, affirmation de la liberté de l'individu, et éloge de la famille et de la propriété. Défenseur de l'idée d'association, il milite en faveur du mouvement coopératif et devient même membre de l'Association internationale des travailleurs (AIT), en 1865, ce qu'il refusera de reconnaître après la Commune. Élu dans la Seine aux législatives de 1863, réélu dans la Seine et dans la Gironde en 1869, il est un opposant résolu à l'Empire et critique sévèrement la déclaration de guerre contre la Prusse.

En tant qu'élu de Paris, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale au soir de la révolution du 4 septembre. Il a alors en charge l'Instruction publique. Avec ses collègues du Gouvernement provisoire restés à Paris, il s'oppose fermement à la Délégation de Bordeaux, dominée par Gambetta. En effet, ce dernier refuse la capitulation, mais est finalement contraint de démissionner. Représentant de la Marne à l'Assemblée législative élue en février 1871, Jules Simon conserve son poste de ministre de l'Instruction publique dans le nouveau gouvernement dirigé par Thiers, mais ne réussit pas à faire admettre l'enseignement obligatoire par la majorité conservatrice de l'Assemblée, et démissionne le 18 mai 1873. Il reste un homme influent, président du groupe parlementaire de la Gauche républicaine, et défend, dans ses Souvenirs du 4 septembre (1874), l'action qu'il a menée au sein du gouvernement de la Défense nationale.