Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Lameth (Charles Malo François, comte de),

maréchal et homme politique (Paris 1757 - Val d'Oise 1832).

Lieutenant dans le régiment de La Rochefoucauld (1774), capitaine trois ans plus tard, il combat dans l'armée d'Amérique septentrionale (1780), où il devient aide maréchal général des logis. Il est l'un des premiers membres de la Société des amis des Noirs (1788). Élu de la noblesse aux états généraux de 1789, il attend l'ordre du roi pour rejoindre la salle commune des débats. Il intervient à de nombreuses reprises à l'Assemblée, où il défend des positions libérales en s'opposant régulièrement au pouvoir royal. Lors de la fuite de Louis XVI à Varennes, il estime, contrairement à son frère Alexandre, qu'il s'agit « d'un crime de lèse-nation ». Membre du Club des jacobins, il le quitte pour rejoindre celui des feuillants. Après la déclaration de la guerre, il devient maréchal de camp (1792). Arrêté avec sa famille, il est finalement libéré. Il émigre alors à Hambourg avant de revenir définitivement en France après le 18 Brumaire. Il reprend du service dans l'armée d'observation de l'Elbe, puis est nommé gouverneur de Würzburg (1809). La même année, il est fait chevalier de la Légion d'honneur et son nom est inscrit sur l'Arc de triomphe à Paris. En 1814, il se rallie à la Restauration et devient lieutenant général. À la mort de son frère Alexandre, il est élu député de l'arrondissement de Pontoise (1829). Réélu lors des élections de 1830, il soutient la monarchie de Juillet.

La Mettrie (Julien Offray de),

médecin et philosophe (Saint-Malo 1709 - Berlin 1751).

Ce fils de marchand préfère la médecine à la théologie, et suit à Leyde les cours de Boerhaave, dont il traduit les œuvres en français. Il compose lui-même des traités médicaux, mais ne se contente pas de ces textes techniques. Installé à Paris en 1742, il manifeste bientôt sa hardiesse par des pamphlets contre les autorités médicales (Saint Cosme vengé, 1744 ; Politique du médecin de Machiavel, 1746) et par des traités de philosophie matérialiste aux titres déjà provocateurs : Histoire naturelle de l'âme (1745), l'Homme-machine (1747), l'Homme-plante (1748), qui réduisent l'homme à son organisation physique. Ces principes fondent une morale qui renoue avec l'épicurisme antique et critique le stoïcisme, souvent revendiqué par le christianisme : l'Anti-Sénèque (1748), le Système d'Épicure (1750). Il couronne son œuvre philosophique par l'Art de jouir (1751) et Vénus métaphysique (1752).

La Mettrie est plusieurs fois inquiété et attaqué en raison de ses audaces. Il perd son poste de médecin des gardes-français, puis celui de médecin-chef des hôpitaux militaires du Nord ; ses livres sont condamnés et brûlés. Après s'être enfui aux Pays-Bas, il trouve refuge, en 1748, auprès de Frédéric II de Prusse, qui partage son matérialisme. Sa mort à la suite d'une indigestion semble être une invention du même ordre que le prétendu suicide de Lucrèce... Des philosophes comme Diderot ou d'Holbach, plus soucieux que lui de reconstruire un ordre social, se démarquent de La Mettrie, longtemps considéré comme un penseur paradoxal et scandaleux ; sa philosophie n'est réhabilitée que depuis peu.

Lamoignon (famille de),

dynastie de magistrats parisiens qui apparaît au XVIe siècle avec Charles (dans le Nivernais 1514 - Paris 1572), docteur en droit, avocat, conseiller au parlement, maître des requêtes, puis conseiller d'État.

Au XVIIe siècle s'imposent son fils Chrétien (Paris 1567 - id. 1636), seigneur de Basville, conseiller au Parlement, président aux enquêtes, président à mortier ; puis le fils de celui-ci, Guillaume (Paris 1617 - id. 1677), conseil-ler au parlement, maître des requêtes, conseiller d'État. Guillaume Lamoignon est premier président au parlement de Paris lorsque s'ouvre le procès Fouquet (mars 1662) ; mais la manière libérale dont il préside aux débats incite le roi à le remplacer par le chancelier Séguier. Fouquet emprisonné, il rentre en grâce et participe alors à l'élaboration des ordonnances civile (1667) et criminelle (1670) de Colbert (Code Louis). Sa conception de la justice l'oppose toutefois au pouvoir : il veut faire assister l'accusé d'un avocat, abolir la question, empêcher les prévenus de prêter serment pour leur éviter de se damner. Pussort, oncle de Colbert, s'y oppose.

À la fin du siècle, François-Chrétien (Paris 1644 - id. 1709), fils aîné de Guillaume, incarne la quatrième génération de cette famille de robe. Avocat général, président à mortier, hautement cultivé (son père avait pour amis Bussy-Rabutin, Turenne, le Père Rapin, le chancelier Boucherat...), il se lie à Bourdaloue, Regnard, Racine, Mme de Sévigné, sa voisine. Dédicataire de la sixième Épître de Boileau, il entre à l'Académie des inscriptions en 1704. Mais le plus célèbre représentant de cette génération reste son frère Nicolas (Paris 1648 - id. 1724), seigneur de Basville, conseiller au parlement, maître des requêtes, intendant de Poitiers, puis de Montpellier (1685-1718). Il y reçoit le surnom de « tyran du Languedoc » pour avoir persécuté les protestants cévenols et ravagé le Gévaudan.

Au XVIIIe siècle, Guillaume II (Paris 1683 - id. 1772), neveu du précédent, seigneur de Malesherbes et de Blanc-Mesnil (terre héritée des Potier), devient à son tour avocat général, président à mortier, premier président de la Cour des aides. En 1750, il succède au chancelier d'Aguesseau. Mais, trop lié aux jésuites, décrié par les philosophes des Lumières, il est exilé en 1763 et doit démissionner en 1768. Il laisse toutefois à la monarchie un fils : Malesherbes.

Lamoricière (Christophe Louis Léon Juchault de),

général et homme politique (Nantes 1806 - château de Prouzel, près d'Amiens, 1865).

Élève de l'École polytechnique, puis de l'école d'application de Metz, il fait ses premières armes au siège d'Alger, en 1830, et débute une brillante carrière : capitaine en 1831, colonel en 1837 après le siège de Constantine, où il est grièvement blessé, il devient général en 1840. En 1844, il contribue à la victoire de l'Isly et, en 1847, il reçoit la soumission d'Abd el-Kader. Lors de la chute de Louis-Philippe (février 1848), il cherche, sans succès, à imposer la régence de la duchesse d'Orléans. Représentant de la Sarthe à l'Assemblée constituante de 1848, il devient ministre de la Guerre dans le gouvernement du général Cavaignac après les journées de juin. Réélu à l'Assemblée législative de 1849, il s'oppose au prince-président, qui le fait incarcérer lors du coup d'État du 2 décembre 1851, puis bannir hors de France, où il ne rentre qu'en 1857. En 1860, avec l'accord de Napoléon III, il prend la tête des troupes pontificales en guerre contre le Piémont-Sardaigne, mais la brusque invasion de la Romagne par les troupes piémontaises ne lui laisse pas le temps d'organiser sa défense. Battu à Castelfidardo le 18 septembre 1860, il doit finalement capituler à Ancône. Peu après sa mort, un imposant mausolée lui sera élevé dans la cathédrale de Nantes (1879). Royaliste imprégné d'idées saint-simoniennes, Lamoricière manifesta des talents d'administrateur et une certaine intelligence de l'Algérie. Il organisa le premier bataillon de zouaves, et anima les bureaux arabes, destinés à gérer les territoires militaires. S'opposant à la colonisation militaire prônée par Bugeaud, il défendit la cause de la colonisation libre, par concessions à des compagnies financières.