Schweitzer (Anton)
Chef d'orchestre et compositeur allemand (Coburg 1735 – Gotha 1787).
Après avoir occupé divers postes, il séjourna de 1772 à 1774 à Weimar, où fut créé en mai 1773 son singspiel Alceste (livret de Wieland), un des premiers grands succès du genre. En 1780, il succéda à Jiri Antonin Benda comme directeur de la musique à Gotha.
Sciarrino (Salvatore)
Compositeur italien (Palerme 1947).
Autodidacte, il commence à écrire vers l'âge de douze ans. Après avoir vécu à Rome et à Milan (où il enseigne de manière intermittente au Conservatoire) et dirigé le Teatro Communale de Bologne, il se retire à Città di Castello. Sciarrino cultive un son recherché, parfois hédoniste. Attiré par le théâtre, il le pratique avec des mots, des personnages (Amore e Psyche, opéra en trois actes, 1973 ; Perseo e Andromeda, opéra pour voix, bande magnétique et « live electronic », d'après Jules Laforgue, 1990) ou sans personnages (Vanitas, « nature morte en un acte », pour voix, violoncelle et piano, 1981 ; Lohengrin, « action invisible » pour soliste, instruments et voix amplifiées, 1982-1984) et même sans texte (Caprici pour violon, 1976 ; La Malinconia pour violon et alto, 1981), dans un style allusif et nostalgique où les références à la musique du passé sont fréquentes. Sciarrino écrit souvent pour cordes (Sei quartetti brevi, 1967-1992), et en traite le timbre avec imagination. L'image y est souvent fragile, instable, volontairement fatiguée. On lui doit aussi De la nuit pour piano (1971), Variazioni pour violoncelle et orchestre (1974), Kindertotenlied pour soprano, ténor en écho et petit orchestre, sur un texte de Rückert (1978), Un'immagine di Arpocrate pour piano et orchestre avec chœur, sur des fragments de Goethe et de Wittgenstein (1974-1979), Autoritratto della notte pour orchestre (1982), Variazione su uno spazio ricurvo pour piano (1990). Il est lauréat de plusieurs prix de composition (S.I.M.C. 1971 et 1974, etc.).
Scimone (Claudio)
Chef d'orchestre italien (Padoue 1934).
Après des études de direction auprès de Zecchi, Ferrara et Mitropoulos, il fonde à l'âge de vingt-cinq ans l'ensemble I Solisti Veneti, qu'il dirige au long de toute sa carrière. À la tête de cet ensemble, il interprète les œuvres de Tartini et Vivaldi, deux de ses compositeurs de prédilection, mais s'intéresse aussi au répertoire du bel canto (Rossini, Donizetti), ainsi qu'à la création contemporaine (Bussotti, Luis de Pablo, Marius Constant). Depuis ses débuts, et malgré son intense activité à la tête des Solisti Veneti, il dirige aussi d'autres orchestres, dont, de 1979 à 1986, celui de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne.
scordatura (en all. verstimmung)
Modification apportée à l'accord habituel d'un instrument à cordes et permettant d'étendre la tessiture, de faciliter certains problèmes techniques ou de varier la couleur de l'instrument.
scotch snap (angl. pour [mot à mot] « claquement écossais »)
Expression indiquant la rétrogradation d'un rythme avec note pointée, la note brève venant en première position (sur le temps) et la longue (pointée) en seconde position : rythme populaire en Italie aux XVIIe et XVIIIe siècles et alors appelé dans les pays germaniques « rythme lombard ».
On en trouve dans le thème principal du Moderato e maestoso initial de la symphonie en ré majeur no 42 de Haydn (1771), ou encore dans le trio du quatuor en ré mineur K.421 de Mozart (1783). Le menuet de la symphonie en mi bémol majeur no 103 (Roulement de timbales) de Haydn (1795) l'utilise de façon très spirituelle et subtile.
Scott (Cyril)
Compositeur, poète et musicographe britannique (Oxton 1879 – Eastbourne 1970).
Ses premières tentatives de composition datent de l'âge de sept ans. À douze ans, il partit pour Francfort, où il travailla au conservatoire avec Uzielli (piano) et Humperdinck (composition). Revenu à Liverpool, où il fut élève pour le piano de Steudner-Welsing, il repartit à Francfort pour travailler la composition avec Ivan Knorr. Avec plusieurs camarades, dont Percy Grainger, il constitua le groupe de Francfort.
L'influence du poète Stefan George élargit son horizon. En 1898, il se fixa à Liverpool. En 1900, sa Première Symphonie était jouée à Darmstadt. De la même période datent ses premiers poèmes. Entre 1901 et 1909, il écrivit des œuvres pour piano, des mélodies, un Quatuor avec piano, sa 2e Symphonie (1903). Passionné de religions orientales et de théosophie, il chercha à en donner une application musicale en écrivant une Sonate pour piano et violon, et une Sonate pour piano sans armature de clef ni mesure (1910).
Parmi ses œuvres passées à la postérité, il faut retenir ses pièces pour piano et ses mélodies, écrites dans un style se rattachant à l'impressionnisme, qui l'a fait surnommer le « Debussy anglais ». Scott a également composé deux opéras, The Alchimist (1925) et Maureen O'Hara (inachevé). On lui doit aussi un livre intitulé Music, its secret influence through the ages (1933).
Scotus (Johannes Eriugena ou Erigena, dit John)
Philosophe et théologien irlandais (en Irlande v. 810 – sans doute en Angleterre v. 880).
La seule information certaine que nous ayons sur sa vie est sa présence à l'école de la cour de Charles le Chauve, en France, où il enseigne la grammaire et la dialectique, à partir de 850 environ. Il est connu pour ses traductions de Denys l'Aréopagite et de Maximus Confessor, et pour deux ouvrages philosophiques, le De predestinatione (v. 851) et le De divisione naturae (v. 866), le plus important de ses écrits, dont plusieurs passages concernent la musique. On y rencontre, en particulier, une des allusions les plus anciennes faites à l'organum, première forme de polyphonie. Ses théories, de tendance panthéiste, ont été condamnées par l'Église catholique à plusieurs reprises au IXe, puis au XIIIe siècle.
Scriabine (Alexandre Nicolaïevitch)
Pianiste et compositeur russe (Moscou 1872 – id. 1915).
Né d'un père diplomate et d'une mère pianiste qui meurt un an après sa naissance, il entra à l'école des Cadets de Moscou, mais très vite renonça à la carrière militaire pour la musique. Admis au même moment au conservatoire de Moscou dans les classes de Safonov (piano), Arensky (harmonie, contrepoint), Taneev (composition), il y obtient un premier prix de piano en 1892. Sans attendre cette récompense, il avait entrepris une carrière de pianiste qui attira sur lui l'attention de Belaïev, alors même qu'il composait encore sous l'influence de Chopin. Sa vie durant, il poursuivit ses tournées de concerts (exclusivement consacrés à ses œuvres) que seules interrompirent ses années d'enseignement (piano) au conservatoire de Moscou (1898-1903). Ses premières tournées en Europe lui apportèrent la révélation de Wagner, de Liszt (qui lui proposa un élargissement des procédés d'écriture pianistique), de Strauss, Debussy et Ravel. Il trouva en Vera Ivanova Issakovitch (qu'il épousa en 1897) une fervente propagandiste : même après leur séparation en 1905, après que Scriabine eût rencontré Tatiana de Schloezer, elle devait continuer à jouer ses œuvres. À son départ du conservatoire de Moscou, il résida à l'étranger entre ses tournées (États-Unis, 1906-1907), d'abord en Suisse puis en Belgique, où il côtoya les cercles théosophiques de Bruxelles, qui confirmèrent son penchant au mysticisme. Rentré à Moscou en 1911, il ne devait s'en éloigner que pour des concerts londoniens (1913 et 1914). Un mal infectieux, consécutif à une piqûre de mouche charbonneuse à la lèvre, l'emporta en 1915.
« Il se pourrait bien qu'il soit fou », notait Rimski-Korsakov, après avoir entendu au piano Scriabine jouer des passages du Poème de l'extase. Il est vrai que la personnalité de Scriabine est complexe, pleine de contradictions même ; sa remise en question du système tonal, sa volonté d'organiser ou de réorganiser la musique s'entourent de considérations philosophico-mystiques et d'un sentiment romantique exalté confinant à la morbidité et l'emphase qui explique le jugement de « décadence » qui a été jeté sur sa musique à partir de 1925-1930. La musique est pour lui « une force théurgique d'une puissance incommensurable appelée à transformer l'homme et le cosmos tout entier » (Marina Scriabine). Il rejoint, là, la conception de l'art de symbolistes tel Ivanov, un compagnon des dernières années, ou, sans le savoir, la pensée du poète romantique allemand Novalis. La musique est donc pour lui un moyen de libération et cette idée a pu nourrir les points de vue marxistes auxquels il adhère passagèrement lors de son séjour en Suisse, fondant son socialisme sur la pitié et l'amour de l'homme. Il refuse néanmoins « toute concession au grand nombre » et tout emprunt au folklore ; en cela, son art reste essentiellement aristocratique.
Il est un novateur et son originalité s'exerce d'abord dans le domaine harmonique, bien que les autres aspects de son langage en soient difficilement dissociables. En effet, parti de l'influence de Chopin (cf. les 24 Préludes et, en général, toute son œuvre jusqu'en 1903), il découvre à travers Wagner l'hyperchromatisme. En outre, Wagner l'oriente vers des œuvres orchestrales de style néoromantique (cf. la 1re et la 2e Symphonie). La libération de la tonalité n'intervient qu'à l'issue de cette étape intermédiaire et prend la forme de l'accord mystique (do, fa dièse, si bémol, mi, la, ré, pour Prométhée), c'est-à-dire d'un accord de 6 sons, formé de quartes justes et altérées et fondé sur la résonance harmonique. Par ce biais, Scriabine évite le piège de l'attraction tonale. Il lui accorde, en outre, une valeur mystique dans la mesure où il le comprend comme un « principe unificateur » et un moyen de refléter « l'harmonie des mondes ». Dans ses dernières sonates, toute armure disparaît même à la clef : la mobilité de l'œuvre devient une dimension de l'atonalité. Mais, dépassant Wagner, à qui il reproche d'avoir maintenu l'autonomie du texte et de la musique, Scriabine tente la fusion des arts et des sens, car « le mystère » ne peut être qu'un acte total. Dans cette optique, il utilise pour Prométhée (1910) des projections colorées établies sur la base d'une table de correspondances du spectre des hauteurs sonores et du spectre des couleurs (do = rouge, sol = orange, ré = jaune brillant, la = vert, mi = blanc bleuâtre, etc.).
Il s'agit en somme d'un clavier lumineux dont il imputa l'échec, lors de la création de Prométhée, au mauvais fonctionnement de la machine de l'Anglais Remington. Ses recherches devaient trouver leur aboutissement dans le Mystère que la mort ne lui permit pas d'achever. Selon son ami Oscar von Riesemann, il envisageait de « faire circuler l'air de la nature elle-même dans l'acte à la fois artistique et liturgique du Mystère : le bruissement des feuilles, le scintillement des étoiles, les couleurs du lever et du coucher de soleil devaient y trouver place » avec la participation active du public. Stockhausen ne dit pas, ne fait pas autre chose depuis Sternklang, Cage non plus.
Cette rupture avec le monde occidental annonce les nouvelles relations Orient-Occident dans la musique à partir des années 60, une fois dépassé le stade des emprunts conscients (Messiaen). En effet, outre les recherches de timbres (célesta, cloches, clochettes, tam-tam dans le Poème de l'extase [1905-1907], gong dans Prométhée), Scriabine, à partir de 1905, après avoir découvert Nietzsche et Schopenhauer, se tourne vers la philosophie hindoue, parallèlement au théosophisme : alors commencent « l'ascension vers le soleil » et l'accession « par l'extase à la fusion avec le cosmos », dont les œuvres de 1903 à 1915 sont les préliminaires. La fougue, la violence, si caractéristiques de son style, l'amènent d'autre part à faire éclater le cadre formel de la sonate, soit qu'il rejette le schéma de la forme sonate pour le monothématisme (cf. 4e Sonate, 1904, 2e partie), soit qu'il se tourne (dernières Sonates, 3e Symphonie, Poème de l'extase, Prométhée) vers une construction continue en un mouvement qui, seule, par l'absence de cloisonnement, peut rendre compte de l'élan de sa pensée. Alors qu'à sa mort en 1915 Scriabine était considéré comme le chef de file des modernistes et qu'un public sans cesse grandissant s'enthousiasmait pour ses œuvres, alors même qu'il exerçait une influence certaine sur Miakovski, Medtner, Szymanovski, Krioukov ou Feinberg, il est aujourd'hui toujours aussi méconnu ou mal compris parce qu'il y a eu, trop longtemps, polarisation sur son discours souvent obscur ou primaire. Néanmoins, au-delà de ce débordement, ce « romantique total » (B. de Schloezer) ne clôt pas seulement une époque, il mérite toute notre attention si nous nous penchons sur les sources de la musique du XXe siècle.