Instrument de musique à clavier et à cordes frappées, d'encombrement réduit, ce qui le rend aisément transportable.
Les débuts du clavicorde sont mal connus ; l'instrument semble dériver du monocorde déjà employé par Pythagore au VIe siècle avant J.-C. pour ses expériences acoustiques. Le monocorde (qui donne plus tard « monocordion » et « manicordion ») se compose d'une corde musicale tendue entre deux chevalets fixés sur une caisse de résonance, généralement rectangulaire. Un troisième chevalet, mobile, permet de diviser la longueur de la corde en deux parties et de démontrer ainsi les rapports fondamentaux existant entre les sons émis et les différentes longueurs de corde. Le clavicorde est né le jour où un artisan a imaginé d'adapter au monocorde primitif le clavier des orgues « positifs » et de remplacer le chevalet mobile par des lamelles métalliques fixées perpendiculairement à l'arrière des touches du clavier et appelées tangentes. Lorsqu'on enfonce une touche, la corde correspondante est mise en vibration par la tangente qui la frappe en un point bien déterminé, la subdivisant ainsi en deux parties. Une ligature de feutre étouffe la section la plus courte de chaque corde. La section la plus longue vibre aussi longtemps que la pression est maintenue sur la touche et le son finit par s'éteindre de lui-même. Si l'on relâche rapidement cette même touche, la note émise est instantanément étouffée par la bande de feutre. Pendant toute la durée du son, la tangente reste donc au contact de la corde, comme le prolongement direct du doigt du musicien, contrairement au piano moderne, par exemple, où le marteau quitte la corde après la frappe. En imprimant à la touche de subtiles variations de pression, le musicien peut donc obtenir, contrairement aux autres instruments à clavier, une sorte de « vibrato » qu'il peut doser à son gré.
Pendant tout le haut Moyen Âge et jusqu'à la fin du XIIIe siècle, le manicordion est utilisé comme instrument de musique mélodique et non plus comme simple appareil d'expérimentation acoustique. L'augmentation du nombre de ses cordes et leur groupement par « paires » accordées à l'unisson, permettent assez tôt le jeu polyphonique. Survivance de l'antique monocorde, une même paire de cordes (on disait un « chœur ») peut produire plusieurs notes conjointes grâce à des tangentes appartenant à plusieurs touches consécutives. Ainsi peut-on produire deux, trois et jusqu'à quatre notes sur un même chœur. Cette économie de moyens va encore dans le sens de la réduction des dimensions d'un instrument déjà peu encombrant. Ce type de clavicorde est dit « lié » (angl. fretted clavichord ; all. gebunden Klavichord). C'est sous cette forme qu'il apparaît un peu partout en Europe occidentale aux environs de l'an 1400. Un poème en allemand de 1404, Der Minne Regeln, cite déjà le « clavichordium » aux côtés du « clavicymbalum » comme instrument de musique représentatif de l'amour courtois.
Les premiers témoignages iconographiques du clavicorde apparaissent dès 1425 : ce sont alors de petites boîtes rectangulaires comportant un clavier d'environ trois octaves, placé en saillie sur le grand côté. Il possède un ou plusieurs chevalets rectilignes fixés sur une table d'harmonie de très faible surface. L'instrument se pose sur une table et permet d'accompagner chanteurs et instrumentistes. Le célèbre traité de Henri Arnaut de Zwolle, rédigé vers 1436-1440, passe en revue les divers instruments de musique en usage à son époque et donne, après le luth, l'orgue et le clavecin, un diagramme précis pour la construction du clavicorde. Son plan est rectangulaire et le clavier en saillie possède une étendue de trois octaves plus une note : de si à ut, soit 37 touches, entièrement chromatiques. On distingue clairement la progression décroissante de la longueur vibrante, du grave à l'aigu, ainsi que l'emplacement exact des tangentes qui donne au clavier cette curieuse figure d'éventail, caractéristique des clavicordes liés. Deux variantes de cet instrument sont représentées quelques feuillets plus loin avec la même minutie et portent le nom de dulce melos que les musiciens français du XVe siècle appelleront « doulcemelle » et parfois « doulcemere ».
Le principe de construction du clavicorde, particulièrement simple, varie peu au cours des siècles et les influences d'école sont réduites. Les facteurs italiens tentent quelque temps de sortir du plan rectangulaire initial et l'on rencontre parfois, au XVIe siècle, des instruments à plan polygonal à éclisses fines agrémentées de moulures (Domenicus Pisaurensis, 1543). Partout ailleurs, seules diffèrent les proportions, ainsi que l'étendue, qui augmente progressivement pour atteindre quatre octaves complètes vers 1600. Chose remarquable eu égard à la très faible puissance sonore de l'instrument, on rencontre parfois des clavicordes dotés d'un clavier manuel et d'un pédalier dont le plus ancien exemple connu est un dessin allemand daté de 1467. Il s'agit là, sans doute, d'instruments d'étude, particulièrement destinés aux organistes. Il faut attendre 1725 pour que l'on mentionne expressément un clavicorde comportant un chœur de cordes différent pour chaque note du clavier. Cette nouveauté, annoncée comme une création du facteur Daniel Tobias Faber, de Crailsheim, en Saxe, a reçu le nom de « clavicorde libre » (all. bundfrei Klavichord). En fait, il semble que, dès 1690-1700, quelques rares instruments aient été conçus de cette façon. Le clavicorde « lié » présente en effet l'inconvénient de poser de sérieux problèmes d'articulation lors de l'exécution de notes conjointes descendantes à cause de l'utilisation d'un même chœur de cordes pour plusieurs notes ; certains traits, certains phrasés sont même impossibles. L'examen des quarante-huit préludes de Jean-Sébastien Bach, publiés en 1722, ne laisse aucun doute à ce sujet et leur exécution requiert un grand clavicorde lié.
C'est en Europe du Nord que le clavicorde est le plus longtemps construit et apprécié et seuls deux pays s'enorgueillissent de compter autant de facteurs, sinon plus, que tous les autres réunis : l'Allemagne et la Suède. Il est en effet curieux de constater et le fait n'a pas reçu à ce jour d'explication vraiment satisfaisante que l'Italie, la France, l'Espagne, l'Angleterre et les Flandres se sont progressivement et totalement désintéressées du clavicorde au cours du XVIIe siècle. Pour la France, par exemple, si l'activité de nombreux « faiseurs de manicordions » est attestée entre 1630 et 1650, il n'en existe plus un seul en 1700, tant à Paris qu'en province. En revanche, il est logique de constater que la plus forte concentration de facteurs de clavicordes ait justement lieu, au cours du XVIIIe siècle, sur une aire géographique qui voit naître le mouvement « Sturm und Drang », embryon du romantisme. Le clavicorde possède en effet sur tous les instruments à clavier l'incontestable supériorité de permettre « l'expression », grâce au contrôle permanent du son par le doigt du musicien. Les compositeurs en useront certains en abuseront et les innombrables facteurs s'empresseront de mettre à leur disposition des instruments de plus en plus grands dont l'étendue atteindra cinq octaves et une quinte (fa à ut) vers 1800. Ce n'est que vers 1830 qu'est abandonnée la fabrication de ce petit instrument, au timbre si délicat et si attachant. Le piano-forte reste seul vainqueur d'un combat, acharné en ses dernières décennies.
S'il ne nous est parvenu aucun clavicorde français ni anglais qui nous permette de juger de la qualité de cette facture, nombreux sont les exemples signés par les maîtres allemands. On retiendra, pour mémoire, la dynastie des Hass de Hambourg, actifs pendant tout le XVIIIe siècle, Georg Haase (1650-1712), facteur saxon, Jakob Adlung (1699-1762) d'Erfurt, plus célèbre par son ouvrage Musica Mechanica Organoedi publié après sa mort en 1768, Christian Gottlob Hubert (1714-1793) d'Ansbach, et surtout les Schiedmayer d'Erlangen (actifs entre 1711 et 1860), les Schmahl d'Ulm et de Regensburg (entre 1692 et 1815), ainsi que les Silbermann saxons ou alsaciens, dont il nous reste nombre de témoignages de la qualité de leur travail.