Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Ryba (Jakub Šimon Jan)

Compositeur et pédagogue tchèque (Prestice 1765 – Rožmitál 1815).

Fils de l'instituteur et professeur de musique de Prestice, il étudia la philosophie à Prague de 1780 à 1785, puis devint l'assistant de son père, essayant de faire partager ses idées nouvelles puisées dans Sénèque, Catulle, Rousseau, Voltaire, écrivant des monographies sur ces grands humanistes, quatre volumes sur la théorie de la musique et un dictionnaire musical encyclopédique. Son enseignement fut apprécié à Prague, mais il supportait difficilement la résistance latente aux réformes qu'il expérimentait dans l'école de la petite ville bohème de Rožmitál, et il se suicida lors d'une crise de dépression. Il laisse plus d'une centaine d'œuvres dont des quatuors de jeunesse colportés sous la signature de « Fisch » ou « Poisson », traduction littérale de son nom tchèque.

   Sa Missa solemnis pastoralis (1796) est une suite de pastourelles de Noël réalisée sous forme de dialogue en langue du pays. Mélodiste doué d'une facilité peu ordinaire, Ryba est un des rares maillons permettant de passer du répertoire de Komensk'y à l'art choral populaire d'un Janáček.

Rychlík (Jan)

Compositeur tchèque (Prague 1916 – id. 1964).

Esprit brillant parlant sept langues, pianiste de jazz, il entra en 1940 au conservatoire de Prague dans la classe de J. Řídký. Passionné de « musique vivante », il fut le promoteur à Prague des arts nouveaux venant d'Occident : jazz, « free jazz », musiques traditionnelles d'Afrique et d'Asie, école viennoise de Webern, et s'imposa durant ces vingt années d'activité comme le véritable animateur et catalyseur de la création, s'intéressant notamment à la percussion et aux origines des musiques non écrites. Animateur infatigable, il se ruina la santé, laissant à sa mort soixante ouvrages, essentiellement pour petites formations de chambre, ainsi que la musique de cinquante-cinq films et huit pièces.

   Pendant dix ans, il s'attacha aux problèmes de timbre, de rythmes, comme dans son Cycle africain pour neuf instruments (1961), puis s'essaya aux techniques postweberniennes, fréquemment aléatoires, comme dans ses Relazioni pour flûte alto, cor anglais et basson, sa dernière œuvre (1963). Son héritage spirituel, fondamental pour l'avenir de la musique tchèque, a ouvert la voile aux recherches de Z. Vostřák, O. Mácha, J. Klusák, L. Fišer, M. Ištvan ou M. Kopelent.

Rysanek (Léonie)

Soprano autrichienne (Vienne 1926 – id. 1998).

Elle débuta à Innsbruck en 1949 dans le rôle d'Agathe du Freischütz, fut engagée à Munich en 1952 et à Vienne en 1954, et parut la même année à Paris dans le rôle d'Arabella de l'œuvre de Richard Strauss et au festival d'Aix-en-Provence dans celui d'Elvire (Don Giovanni de Mozart). Dans le même temps, elle chanta Sieglinde et Elsa à Bayreuth. En 1959, elle incarna Lady Macbeth dans l'opéra de Verdi au Metropolitan Opera de New York, où elle se partagea pendant dix ans entre les répertoires allemand et italien. Elle fut aussi Desdémone et Aïda à la Scala de Milan. Sa grande voix au timbre riche, à l'aigu facile et assuré, et sa présence scénique exceptionnelle font d'elle une des tragédiennes lyriques les plus marquantes de l'après-guerre. Outre certains rôles spectaculaires de Richard Strauss, telles l'impératrice de la Femme sans ombre et Hélène d'Égypte dans l'œuvre du même nom, elle a abordé plus récemment Médée de Cherubini et Kundry dans Parsifal de Wagner. Son incarnation de Salomé fut un des grands événements du festival d'Orange de 1974.

rythme

Du grec rhythmos, dérivé de rhéo, couler (l'ancienne orthographe rhythme est aujourd'hui abandonnée). Ordonnance des sons dans le temps selon des proportions accessibles à la perception, fondées sur la succession de leurs durées et l'alternance de leurs points d'appui. C'est au rythme, et au rythme seul, que s'applique la définition de saint Augustin : Musica est ars bene movendi, que Stravinski a paraphrasée (« La musique nous a été donnée à seule fin d'établir un rapport entre le temps et nous ») en oubliant que le titre du De musica de saint Augustin recouvre exclusivement un traité de métrique. La définition du rythme a du reste donné lieu à de fréquentes approximations. Il a été et est encore souvent confondu, tantôt avec la métrique (exposé de formules faites avec des successions de longues et de brèves), tantôt avec la mesure (retour d'un temps fort à intervalles réguliers), tantôt avec les formules rythmiques propres à un morceau ou à un genre de morceaux (notamment pour les danses), tantôt enfin avec le simple énoncé d'une phrase musicale, abstraction faite de ses hauteurs dans la seule succession de ses durées.

   L'étude méthodique du rythme ne date que du début du XIXe siècle. Préparée vers 1803 par J. J. de Momigny, que Riemann appelle « le père de la théorie du phrasé », elle a été surtout développée par Mathis Lussy en 1874 et s'est ensuite scindée en écoles antagonistes, dont la plus perspicace est sans doute celle établie pour le chant grégorien par l'école de Solesmes (Dom Mocquereau, le Nombre musical, 1908), assimilant le déroulement des appuis hiérarchisés au rebondissement d'une balle qui prépare le rebondissement suivant, et décomposant ce mouvement, à l'exemple des anciens métriciens, en une succession de levés (arsis) et de posés (thésis) prenant appui sur des « touchements » ou ictus.

   De son côté, Marius Schneider insiste sur le rôle de la périodicité, c'est-à-dire du retour plus ou moins régulier d'une perception de schémas métriques déjà mémorisés, que ces schémas soient eux-mêmes régulièrement divisibles ou non ; les ethnologues, par exemple, font grand cas de rythmes « boiteux » qu'ils appellent « aksak », dont chaque cellule est formée d'éléments asymétriques : le retour régulier de ces cellules irrégulières n'en crée pas moins la périodicité.

   Le solfège dit « classique » est loin d'ailleurs de faire l'inventaire de toutes les possibilités de rythmes. Par exemple, ce qu'il note habituellement à 6/8 dans la musique populaire (noire-croche, soit longue de 2 et brève de 1) est très souvent ce que les Grecs appelaient un « spondiasme », c'est-à-dire une longue de 3 et une brève de 2 ; une mesure de menuet du XVIIe siècle formée de 3 noires est décomposée en 3 temps égaux, alors que les contemporains y voyaient 2 temps inégaux : un temps long de 2 noires, un temps « léger » d'une noire, etc.

   Il n'est pas certain non plus que la périodicité soit une condition nécessaire, et la perception du rythme peut très bien se produire en son absence. J. Chailley divise le rythme en deux grandes familles : le rythme gestuel, dérivé des mouvements réguliers du corps (marche, danse, rame, etc.), et le rythme verbal, dérivé des inflexions de la parole. Il insiste sur le fait qu'un rythme n'est pas une simple succession de durées juxtaposées, mais la perception consciente ou subconsciente d'un rapport de temps dans la succession des points d'appui ; ceux-ci sont normalement isochrones dans le rythme gestuel, ils ne le sont plus obligatoirement dans le rythme verbal. Ils ne créent le rythme que s'ils sont effectivement perçus, ce qui cesse d'être possible au-delà d'un seuil de saturation variable selon les cas, mais qui peut être très bas, de sorte que des rythmes trop complexes, ou qui, émis simultanément, se contrarient au-delà d'une certaine limite, équivalant pratiquement à la disparition du rythme.

   Oublier ce fait très simple a parfois mené d'éminents compositeurs parmi les plus savants « spécialistes » du rythme à de pénibles illusions.

   En langage courant, des expressions telles que « avoir du rythme, manquer de rythme, un rythme entraînant », etc., font référence à la capacité d'un morceau ou d'un interprète à communiquer avec l'intensité suffisante le sens des pulsations mises en valeur par les rapports entre elles, et spécialement dans les dérivés de la musique gestuelle, la rigueur de leur isochronisme, surtout s'il s'agit d'une succession de temps forts et faibles (mais sans limitation à cette catégorie).