Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Mozart (Wolfgang Amadeus) (suite)

La rupture avec Colloredo

À la fin de l'été 1780, Mozart reçut du prince-électeur Karl Theodor la commande d'un opera seria pour le carnaval de Munich. Telle fut l'origine de Idomeneo, re di Creta K.366, représenté pour la première fois le 29 janvier 1781. À cette occasion, le compositeur dut naturellement entreprendre de nouveau un voyage à Munich. Il s'y rendit dès novembre 1780 et en repartit en mars 1781 pour rejoindre, sur ordre, Colloredo à Vienne. En mai et juin, divers incidents se produisirent, qui envenimèrent les rapports déjà fort tendus entre l'employeur et l'employé. Mozart quitta alors définitivement le service de Colloredo et choisit de rester à Vienne comme musicien indépendant. Chez la veuve Weber, où il s'installa, il y avait la sœur cadette de cette Aloysia ­ qui avait mis un terme à ses projets matrimoniaux en épousant l'acteur Joseph Lange ­ Constance ; il ne tarda pas à s'enflammer pour elle et l'épousa le 4 août 1782. Constance devait être une bonne fille… Mais pas très futée, dépensière, et qui aurait eu besoin d'être gentiment, mais fermement, dirigé par un mari doté, pour les questions financières et administratives, d'un solide sens pratique. Ces qualités, Mozart ne les possédait pas, contrairement à Georg Nikolaus Nissen, lequel, dix-huit ans après la mort du compositeur, allait officialiser ses relations avec Constance et faire de celle-ci une épouse modèle.

   De 1781 datent le Rondo pour violon et orchestre K.373 (probablement composé pour le violoniste Brunetti) ; 4 Sonates pour piano et violon K.376 à 379 ; l'ample Sonate en ré majeur K.448 pour deux pianos. Au second semestre de cette année se rattachent les premiers travaux sur Die Entführung aus dem Serail K.384 (l'Enlèvement au sérail), opéra allemand commandé par l'empereur Joseph II et dont le livret était dû à Gottlieb Stephanie, dit Stephanie le Jeune.

   La première de l'Enlèvement eut lieu le 16 juillet 1782 au Burgtheater et suscita des réactions assez contradictoires. Joseph II reprocha-t-il vraiment à Mozart d'avoir mis trop de notes dans sa partition ? Pour le Magazine de la musique de Cramer, en tout cas, l'œuvre regorgeait de beautés (ce qui est strictement vrai), tandis que pour le comte Karl Zinzendorf, c'était tout simplement " un ramassis de choses volées « !

Les succès à Vienne

En 1782, Mozart commença de fréquenter, à Vienne, la maison du baron Van Swieten, futur librettiste des deux derniers oratorios de Haydn (la Création et les Saisons), et qui, contrairement à la quasi-totalité de ses contemporains, se passionnait pour Bach et pour Haendel. Chez lui, Wolfgang découvrit les fugues des Bach, " aussi bien de Sébastien que d'Emanuel et de Friedemann ". C'est précisément au début de cette année 1782 que se rattache chronologiquement, le Prélude et fugue pour piano en ut mineur K.394. C'est le 31 décembre que fut achevé, avec son merveilleux finale en fugato, le premier des six Quatuors à cordes en sol majeur K.387, dédiés à Joseph Haydn. Avec, entre ces deux œuvres capitales, des pages aussi importantes que la Sérénade en ut mineur K.388, la Symphonie no 35 " Haffner ", les Concertos pour piano nos 11, 12 et 13 K.413, 414 et 415.

   Il y a lieu d'évoquer ici, les relations privilégiées, qui, dans les années 1780, s'établirent entre Joseph Haydn et Mozart. On ne connaît pas la date précise à laquelle ces deux génies, foncièrement différents, mais d'égales statures, se virent pour la première fois. Ce qu'on sait, en revanche, c'est que l'amitié sans arrière-pensées et l'admiration qu'ils éprouvèrent l'un pour l'autre ­ sans rien abdiquer de leur propre personnalité ­ constituent l'un des chapitres les plus sympathiques et les plus " exemplaires " de l'histoire de la musique. Mozart avait été vivement impressionné par la " densité expressive " des Quatuors op. 20 du Kapellmeister d'Esterháza. Il le fut tout autant, sinon davantage, pour la modernité des Quatuors op. 33 de 1781. Et l'hommage somptueux qu'il offrit à son aîné par la dédicace des 6 Quatuors K.387, 421, 428, 458, 464 et 465 représente tout à la fois un témoignage d'estime respectueuse et une réponse au " défi artistique " qui lui avait été lancé. Ces quatuors furent longuement, soigneusement élaborés. Avant leur achèvement, plus de deux années s'écoulèrent, qui, dans la vie de Mozart, correspondent à la naissance de nombreux chefs-d'œuvre : Messe en ut mineur K.427, Symphonie no 36 " Linz ", Fugue pour deux pianos K.426 (1783) ; Concertos pour piano no 14 K.449, no 15 K.450, no 16 K.451, no 17 K.450, no 18 K.456, no 19 K.459, Sonate pour piano et violon K.454, Sonate pour piano no 14 K.475 (1784).

   Pour assurer sa vie matérielle et celle de sa famille, Mozart n'avait d'autres possibilités que de donner des leçons et des concerts (qu'on appelait alors des " académies "). D'élèves et, par conséquent, de leçons, il n'y eut jamais pléthore. Trois noms pour janvier 1782 : la comtesse Rumbeck, Mme von Trattner, la comtesse Zichy. Inaugurées le 23 mars 1783 pour un concert dont on a conservé le copieux programme (10 numéros, dont la nouvelle Symphonie pour Haffner, 2 concertos pour piano, des extraits de la Posthorn-Serenade !), les académies furent, au début, plus rentables. Pour s'y produire comme virtuose du clavier (aspect de son talent que les Viennois appréciaient le plus), le compositeur rédigea, de février 1784 à décembre 1786, l'admirable série des 12 Concertos pour piano numérotée 14 à 25 dans la classification couramment adoptée. Le Concerto no 14 K.449 est d'ailleurs la première partition inscrite ­ à la date du 9 février 1784 ­ dans le catalogue que Mozart allait tenir de ses œuvres, jusqu'au 15 novembre 1791.

   Il y avait aussi, avec les amis, des scéances privées de musique de chambre. Au cours de l'une d'elles on exécuta ­ avec Dittersdorf au premier violon, Joseph Haydn au second, Mozart à l'alto et Vanhal au violoncelle ­ trois des nouveaux quatuors dédiés à Haydn. Leopold Mozart, qui, en février 1785, rendit visite à son fils et eut la chance d'assister à l'événement, fut tout fier de rapporter à Nannerl (lettre du 14 févr.) les paroles élogieuses de Haydn sur Wolfgang : " Le samedi soir Joseph Haydn et les deux barons Tindi sont venus chez nous ; on a joué les nouveaux quatuors, mais seulement les trois nouveaux que Wolfgang a ajoutés aux trois autres que nous avons déjà. Ils sont un peu plus faciles mais remarquablement composés. M. Haydn m'a dit : je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom. Il a du goût et, en outre, la plus grande science de la composition. "

   Comme le Kapellmeister d'Eszterháza ­ et comme beaucoup d'esprits cultivés en Europe ­, Mozart adhéra à la franc-maçonnerie. Il le fit en 1785, année où il écrivit la Maurische Trauermusik K.477 (Musique maçonnique funèbre), laquelle fait partie des nombreuses compositions de premier plan nées d'un choix philosophique beaucoup plus important pour lui que pour Haydn.

   Mozart travaillait aux Noces de Figaro (sur un livret de Lorenzo da Ponte tiré du Mariage de Figaro de Joseph Beaumarchais), lorsque, début 1786, il reçut de Joseph II la commande d'un sinsgpiel en 1 acte destiné à être donné dans le cadre des festivités en l'honneur d'Albert de Saxe, gouverneur des Pays-Bas. Ce Schauspieldirektor K.486 (le Directeur de théâtre), dont Stephanie le Jeune avait rédigé le livret, fut représenté à l'Orangerie du palais de Schönbrunn, le 7 février 1786.

   Moins de trois mois plus tard, le 1er mai, eut lieu, au Burgtheater, la " première " des Noces de Figaro. Relativement bien accueilli, représenté neuf fois à Vienne en 1786, ce chef d'œuvre fut repris l'année suivante, à Prague, avec un succès beaucoup plus affirmé. Ce fut justement pour Prague que Mozart écrivit ce qu'on peut, à bon droit, considérer (sans rien ôter à Tristan, à Pelléas, à la Flûte enchantée) comme l'opéra des opéras : l'immortel Don Giovanni.

   À Prague, où il avait été invité dès la fin de 1786 et où il arriva le 11 janvier 1787, Mozart assista, le 17 janvier, à la reprise des Noces. De retour à Vienne, le 10 février, il se consacra à la composition de Don Giovanni, travail qui l'occupa presque entièrement durant les mois de juillet et août. Entre-temps, le 28 mai, Leopold Mozart était mort presque subitement à Salzbourg à l'âge de soixante-huit ans.

   Contemporaine de Don Giovanni ­ lequel fut créé à Prague le 29 octobre 1787, et pour cette circonstance, Mozart avait de nouveau effectué le voyage ­, la célèbre Kleine Nachtmusik K.525 (Petite Musique de nuit) est, dans le catalogue du compositeur, répertoriée à la date du 10 août. Neuf mois plus tôt (déc. 1786), Mozart avait offert aux mélomanes de Prague la primeur de sa monumentale Symphonie no 38 K.504. Avec la Symphonie no 86 de Haydn (écrite la même année), cet ouvrage marquait l'un des sommets de l'art symphonique de tous les temps. À 1787 encore se rattachent le Quintette à cordes en ut majeur K.515, le Quintette en sol mineur K.516, la Sonate pour piano à quatre mains K.521 (dernière du genre chez Mozart), la Sonate pour piano et violon no 42 K.526.